Les zouaves se feront remarquer pour leur discipline et leur bravoure, notamment pendant la guerre de Crimée (1854–1855). Le mot zouave s’appliquera donc, au XIXe siècle et dans un contexte populaire, à un homme courageux. De là naîtra, en 1888, l’expression faire le zouave qui sera prise à contre-pied avec le sens de « faire le fanfaron » puis, « se faire remarquer en faisant le pitre ».
Précisons que l’armée vaticane a également recruté un corps de zouaves pontificaux, membre de la garde du pape, dissous en 1871.
SANTÉ
Monter (passer) sur le billard
Dans l’argot des poilus de la Grande Guerre, le billard désigna le terrain d’exercices puis le terrain de combats, monter sur le billard ayant le sens précis de « sortir de la tranchée pour l’assaut » (Gaston Esnault, Le Poilu tel qu’il se parle, 1919).
Le billard a également qualifié, à la même époque (1916), la table d’opération, monter sur le billard signifiant alors « subir une opération chirurgicale ». Le second sens est vraisemblablement dérivé du premier, ce qui en dit long sur la confiance que l’on accordait alors aux chirurgiens : on courait le risque de quitter la salle d’opération et le champ de bataille de la même façon, les pieds devant. D’où la peur inévitablement associée à cette perspective : « “Et dis-moi : ton père, quand est-ce qu’il se fait opérer ? Il a la frousse ? Té, pardi, je le comprends, moi aussi j’aurais la frousse. Rien que l’idée de monter sur le billard, ça me donne le frisson […]” » (Roger Quillot, Angers in Mémoires II, Odile Jacob, 2001, posthume).
Faire prendre un bouillon d’onze heures
Un bouillon d’onze heures, c’est un breuvage empoisonné que l’on administre quand on veut se débarrasser de quelqu’un, que l’on prend quand on veut mettre fin à ses jours. Chez Furetière (1690), le mot bouillon, seul, avait déjà cette signification : « On dit aussi qu’on a donné le bouillon à quelqu’un, pour dire qu’on l’a empoisonné. » On n’est pas loin du bouillon de sorcière aux propriétés maléfiques. Dans son roman Madelon (1863), Edmond About écrit à propos d’un repas de mariage : « “Potage à la d’Artois !” Manges-en, triple brute ! C’est toi qui l’as commandé sans consulter les goûts de ta femme ! Ah ! Que j’aimerais mieux te servir un bouillon d’onze heures, si j’étais sûr que la fortune est au dernier vivant ! » On dirait plutôt aujourd’hui bouillon de onze heures, mais pourquoi onze heures ? Jules Renard semble nous donner la solution par la voix de son personnage Ragotte, héros du roman du même nom (1909) : « Ce qu’il vous faudrait, dit Ragotte, c’est un bouillon d’onze heures. Oui, à onze heures, on l’avale, à midi, on est mort ! » Claude Duneton (2001) plaide plutôt pour onze heures du soir, la nuit étant associée à la mort et minuit à la dernière heure de la journée. Celui qui prend un bouillon d’onze heures est donc sûr que sa dernière heure est arrivée.
Battre la breloque
D’un beaucoup plus vieux qu’elle, atteint d’un gâtisme se manifestant par des propos incohérents, des pertes de mémoire, d’orientation, etc., grand-mère disait : « Le pauvre vieux, il commence à battre la breloque[40]. » On ne connaissait pas encore le mot d’Alzheimer (attesté en français seulement à partir de 1988). Attention, celui qui bat la breloque ne « sucre pas [nécessairement] les fraises » puisque cette deuxième expression fait plutôt allusion au tremblement parkinsonien qui peut affecter les personnes âgées.
Qu’est-ce donc qu’une breloque ? La chose n’est pas très claire. Littré parle d’un bijou de peu de valeur que l’on attache à une chaîne de montre. Ces breloques (breluques, dans le Dictionnaire italien et françois d’Antoine Oudin, 1640) brinqueballent et les mouvements irréguliers et saccadés qui les agitent peuvent être comparés à la batterie de tambour du même nom (également baptisée berloque) qui était jouée pour appeler les soldats au repas, à une distribution de vivres ou à rompre les rangs (donc à une certaine débandade). Le désordre, la saccade, l’irrégularité, caractérisent ce qui fonctionne mal : battent donc la breloque les appareils sur le point de rendre l’âme et les cerveaux dérangés.
Delvau (1866) nous apprend par ailleurs que breloque est un mot d’argot pour « pendule » et que battre la breloque, c’est « déraisonner comme un pendule détraquée ».
Battre son dail
Un dail, c’est une « faux » en Aquitaine et dans le Centre-Ouest.
Rabelais utilise le mot dans le prologue de son Quart Livre : « La mort, six jours après le rencontrant sans coingnée, avecques son dail l’eust fausché et cerclé de ce monde. »
C’est parce que la mort, appelée la « Grande Faucheuse », est allégoriquement représentée comme un squelette muni d’une faux que l’expression battre son dail signifie « être à l’agonie » : « […] all’ était là, bounejhent, qu’avait l’roumeau[41] de la mort et qui battait son dail ! » (Évariste Poitevin dit Goulebenéze, Hérodiade aux arènes de Saintes).
On trouve des variantes de dail en occitan : dai et dahl (Languedoc et Gascogne), dal (Limousin) et Mistral, dans son Trésor du Félibrige, nous dit que « Durandal, l’épée de Roland, dérive probablement de duran, dahl, « dure faux ».
Blanc comme un linge
Cette pâleur extrême traduit généralement la peur, la stupeur, voire la colère. Chez nous, elle était plutôt la marque d’une santé chancelante et, quand notre visage était à ce point blême, il entraînait quelque affolement à la maison, amorce d’une réaction en chaîne : hop ! tout de suite au lit, appel du médecin, recours au thermomètre, préparation d’un bouillon de légumes. La panique, toujours disproportionnée, ne commençait à se calmer qu’avec cette constatation salvatrice de grand-mère : « Ah, tout de même, il reprend des couleurs ! »
L’expression Blanc comme un linge est utilisée en ce sens au XIXe siècle, dans le célèbre journal intime d’Henri-Frédéric Amiel par exemple : « La pauvre Car a été bouleversée aujourd’hui pour son jeune et fragile garçon qu’on a rapporté de son école, sans force et blanc comme un linge » (2 avril 1864).
Nuances : la blancheur comparée à celle d’un cachet d’aspirine n’indique pas un état maladif mais une absence totale de bronzage. Dire d’un individu qu’il est « blanc comme neige », c’est souligner son innocence, la blancheur n’étant ici qu’une métaphore (cf. « candeur », issu du latin candidus, « blanc éclatant », également à l’origine du mot « candidat »).