Issu du verbe virer, virouner est un proche parent étymologique du mot « environ ».
TEMPUS
Avoir l’étrenne de quelque chose
L’étrenne, c’est le premier usage que l’on fait d’une chose. La locution avoir l’étrenne est donc synonyme d’étrenner, apparu au XIXe siècle avec le sens d’« utiliser pour la première fois ». Le sens peut en être négatif, « être le premier à connaître les inconvénients d’une nouvelle situation ». En ce sens, la locution familière « essuyer les plâtres », utilisée au figuré, lui est équivalente.
Mais d’où vient le mot étrenne ? Du latin classique strena dont le sens a évolué de « présage, signe, pronostic » à « cadeau que l’on offre pour servir de bon présage ».
Il s’agit d’une tradition remontant à l’Antiquité romaine. À l’occasion de la nouvelle année, l’usage voulait que l’on offrît à l’empereur des rameaux de verveine coupés dans le bois consacré à Strenia, déesse présidant à la bonne santé. Cette coutume aurait été introduite sous le règne supposé de Tatius Sabinus, roi légendaire, qui fut le premier à recevoir ces rameaux de verveine. L’habitude se prit ensuite d’en offrir aux magistrats et autres « personnes de valeur ». Plus tard, des présents de figues, de dates et de miel furent faits aux amis, afin qu’il ne leur arrive que des choses agréables et douces pendant le reste de l’année. On offrit plus tard des pièces de monnaie et des médailles d’argent.
Il y a belle lurette !
« Il y a belle lurette qu’ils ne se parlent plus ! » disait grand-mère d’un couple de voisins, fâchés depuis des lunes.
Cette belle lurette-là est bien antérieure à celle dont Marcel Gottlieb fit la fiancée de Gai-Luron, son personnage de bande dessinée. On trouve déjà une Belle Lurette, personnage d’une opérette éponyme de Jacques Offenbach représentée en 1880 au théâtre de la Renaissance, peu de temps après la mort du compositeur.
Dans il y a belle lurette, belle lurette est une déformation de « belle hurette », altération régionale de « belle heurette », comprenons « belle petite heure ». L’expression est donc un euphémisme puisqu’elle signifie « fort longtemps ». Elle apparaît en 1841 dans Un monsieur et une dame, comédie-vaudeville de Xavier, Duvert et Lauzanne : « Et prêt à partir avec mon nourrisson qui l’a retenu il y a belle lurette ! » (Scène X.)
On trouve, dans le département de l’Yonne, la forme contractée bellurette.
Tomber en quenouille
Un proverbe hébreu nous dit que « toute l’habileté d’une femme est dans sa quenouille », à rapprocher de cet autre adage : « Femme sage / Reste à son ménage. » À moi, le M.L.F. ! La quenouille, instrument qui servait autrefois à filer la laine, le chanvre ou le lin, a longtemps symbolisé l’activité féminine. Aussi disait-on d’un domaine ou d’un royaume (loi salique) qu’il tombait en quenouille quand une femme en était l’héritière :
« Le gouvernement des François a-t-il toujours été monarchique ?
— Ouy.
— Les femmes ont-elles part à ce gouvernement ?
— Non, car le royaume de France ne peut pas tomber en quenouille. »
La misogynie contestant aux femmes toute aptitude à gérer quelque propriété que ce soit, tomber en quenouille a pris le sens négatif de « dépérir, être laissé à l’abandon », l’incurie féminine faisant péricliter le bien plus rapidement que ne le ferait le temps. À moi, les Chiennes de garde !
Dans le temps
L’expression est un peu vieillotte. On la remplace aujourd’hui par « autrefois », « jadis » (formé sur le latin jam, « déjà » et diei, « jours ») ou par « naguère » (abusivement, puisqu’il s’agit d’une contraction de « il n’y a guère »). La formule est elliptique : dans le temps passé. Mais, contrairement à ses équivalents actuels, dans le temps est entouré d’un halo de nostalgie : dans le temps, c’était forcément « le bon temps » car, même si l’on fait référence à des événements neutres, voire malheureux, ils appartiennent à cette époque révolue où nous étions évidemment plus jeunes. Le temps de l’expression est celui qui a fui :
Variante : dans les temps (à ne pas confondre avec la locution moderne signifiant « à l’heure, dans les délais ») : « Je veillerai sur sa femme. Je n’ai pas eu de chance avec la mienne, dans les temps ; mais je vous réponds que celle-ci marchera droit » (Alphonse Daudet, La Petite paroisse, 1895).
TOILETTE
Boutonné à la Dranem
Charles Armand Ménard (1869–1935) était un chanteur et fantaisiste français qui fit les belles heures du café-concert L’Eldorado, de 1900 à 1919. Il créa son pseudonyme en inversant son propre nom : Dranem. Parmi ses succès, citons Les P’tits pois, Le Trou de mon quai, V’la l’ rétameur !. De 1920 à 1934, il participa à de nombreuses opérettes ainsi qu’à quelques films. Il compta Maurice Chevalier, Raymond Queneau et André Breton parmi ses admirateurs.
Son (énorme) succès coïncida avec l’adoption, en 1896, d’un nouveau costume de scène : veste étriquée, pantalon rayé trop large et trop court, des chaussures de clown, un ridicule petit chapeau melon et, surtout, un petit gilet dont boutons et boutonnières étaient décalés. L’artiste étant particulièrement célèbre à la maison, on disait Boutonner à la Dranem plutôt que « boutonner dimanche avec lundi ».
Habillé comme le marquis de Carabas
C’était l’inévitable compliment quand je vêtais des habits neufs pour la première fois. Grand-mère mettait la bouche en cul de poule et ayant donné un petit coup de la tête : « Hum ! Te voilà habillé comme le marquis de Carabas ! » Elle disait aussi, « comme un petit marquis » et, plus rarement, « comme un milord ».
L’expression est une allusion directe au célèbre conte de Perrault, Le Maître chat ou Le Chat botté (1697) et, plus précisément, à l’épisode où, grâce à un subterfuge, le chat amène le roi à offrir de riches vêtements à son maître : « […] le Chat s’approcha du carrosse et dit au roi, que dans le temps que son maître se baignait, il était venu des voleurs qui avaient emporté ses habits, quoiqu’il eût crié au voleur ! de toute ses forces ; le drôle les avait cachés sous une grosse pierre. Le roi ordonna aussitôt aux officiers de sa garde-robe d’aller quérir un de ses plus beaux habits pour monsieur le marquis de Carabas. »