Habillé comme l’as de pique
C’est être mal habillé, mal fagoté, accoutré bizarrement.
As de pique s’est autrefois appliqué à quelqu’un de ridicule, de stupide, qui ne mérite pas le respect, à l’image du Mascarille de Molière qui se fait ainsi qualifié par Marinette : « Taisez-vous, as de pique ! » (Le Dépit amoureux, V, IX, 1656). On trouve aussi, chez Regnard : « Vous croyez, en votre humeur caustique, / En agir avec moi comme avec l’as de pique ? » (Le Joueur, III, XI, 1696). Le grand échalas, mal fichu, a aussi droit au qualificatif : « Prenez bien garde à ce soldat, / Ou plutôt ce grand as de pique […] » (Scarron, La Foire Saint-Germain, 1643). Furetière (1690) mentionne l’expression C’est un as de pique, un as de trèfle en précisant que l’ « on s’en sert pour injurier quelqu’un que l’on méprise ». Ce n’est donc pas un hasard si Saddam Hussein était représenté par l’as de pique dans un jeu de cartes diffusé par le Pentagone américain pendant la guerre d’Irak. Outre sa valeur symbolique en cartomancie (la mort), l’as de pique désigne aussi le croupion d’une volaille auquel sa forme l’assimile, ce qui explique qu’il soit aussi appelé troufignon ou croupignon (Hippolyte François Jaubert, Glossaire du Centre de la France, 1855). Prétendre que quelqu’un est fichu ou bâti comme l’as de pique, c’est donc, clairement, le comparer à un trou du cul, ce que grand-mère ignorait quand elle usait de la métaphore.
Faire sa plume
« Tu as fait ta plume ! » constatait grand-mère quand je sortais du cabinet de toilette (la famille n’avait les moyens de s’offrir ni salle d’eau ni salle de bains), débarbouillé et impeccablement peigné. Faire sa plume pour faire sa toilette est, à l’évidence, une allusion à l’oiseau qui lisse ses plumes avec son bec pour les nettoyer, les remettre en place et les huiler. La comparaison avec l’usage du gant de toilette, du peigne et d’une éventuelle brillantine est donc tout à fait judicieuse ; faire sa plume ou « lisser ses plumes », peut être, plus que de propreté, un souci de coquetterie : « La princesse n’était qu’un oiseau, sans cesse occupé de lisser ses plumes […] » (Alphonse Daudet, Les Rois en exil, III, 1879).
Et tout le saint-frusquin
Les linguistes ont glosé sur l’origine du mot frusquin. Il semble employé pour la première fois en 1628-29 avec le sens d’ « habit misérable » dans Le Jargon, ou langage de l’Argot réformé, comme il est à présent en usage parmi les bons pauvres d’Olivier Chéreau : « Polissons sont ceux qui ont des frusquins qui ne valent que froutiere ; en Hyver, quand le gris boüesse, c’est lors que leur estat est le plus chenastre. » Le mot frusquin est repris en 1710 par Antoine Baudron de Senecé dans son conte La Confiance perdue avec le sens plus large d’« effets », de « petites choses que l’on possède » : « Puis dans deux petits sacs mettant tout son frusquin. » L’adjonction de « saint » est peu postérieure : c’est une manière, sinon de canonisation, du moins de personnification comique, comme dans saint Foulcamp (voir supra).
Le mot frusques, de toute évidence issu de frusquin et saint-frusquin, apparaît à la toute fin du XVIIIe siècle avec l’acception d’ « habits de peu de valeur, que l’on traite sans grand soin ».
Et tout le saint-frusquin a finalement pris le sens de « et tout le reste » (cf. supra, et tout le toutim).
Propre comme un sou neuf
Le sou est indétrônable dans le langage populaire, bien qu’en tant que monnaie officielle il ait disparu depuis plus de deux cents ans. Les nombreuses expressions qui le contiennent en sont la preuve (voir supra, il lui manque toujours cent sous pour faire un franc).
Propre comme un sou neuf en fait partie. Au XIXe siècle, on a d’abord dit simplement propre comme un sou : « Je ne l’ai jamais vu si bien mis que ce jour-là. Il était propre comme un sou » (Victor Hugo, Les Misérables, livre onzième, ch. III, 1862). L’image est, bien sûr, celle, reluisante, d’une pièce de monnaie récemment frappée. La nouveauté, implicite dans l’ancienne forme (une pièce mise en circulation depuis longtemps ayant troqué son brillant contre un aspect terne, voire noirci), devient rapidement explicite dans la seconde moitié du XIXe siècle : « L’unique rue qui le compose est impeccablement droite, propre comme un sou neuf, avec deux ruisseaux, s’il vous plaît, et deux trottoirs » (Verlaine, Lettre à Lepelletier du 4 octobre 1862).
Être, « se mettre » sur son trente et un
C’est être chic, bien habillé, tiré à quatre épingles, mettre son plus beau costume, sa plus belle robe ou, équivalents argotiques donnés par Alfred Delvau (1866), l’habit à manger du rôti et la robe à flaflas.
Que n’a-t-on pas écrit pour justifier l’étymologie de ce trente et un ! On a proposé une déformation de trentain, nommant autrefois un drap de luxe dont la chaîne était constituée de trente centaines de fils. Improbable ! Le mot trentain, relevant d’un vocabulaire spécialisé, ne saurait expliquer une expression aussi courante. Éman Martin (1821–1882) fait allusion à un jeu de cartes où les joueurs cherchent à totaliser le plus beau score, soit trente et un points (explication qui, selon Littré, « paraît la véritable ») ; Claude Duneton (1978) suggère le trente et unième jour de certains mois, qui aurait donné lieu à des festivités, des revues ou des permissions exceptionnelles, etc.
On trouve quelques variantes : trente-deux chez les Goncourt, trente-six chez Octave Feuillet, cinquante et un chez Balzac.
Et si tous ces chiffres ne représentaient que des pointures ou des tailles (parfois peut-être fantaisistes) ? La fierté des petites gens n’était-elle pas de revêtir, les dimanches et jours de fêtes, des habits bien à leur taille, parfaitement ajustés, contrastant avec ceux, plus amples et moins chics, que les travaux des champs, de l’atelier ou de l’usine, les contraignaient à porter les autres jours ?
TOUJOURS PLUS
C’est plus fort que de jouer au bouchon
L’expression signifie « c’est étonnant, incroyable » ou « c’est très difficile à réaliser ». Le jeu de bouchon auquel il est fait allusion semble être celui que l’on appelle aussi, dans l’Ouest, « jeu de la galine » ou de la « galoche » et dont on trouve la description en 1856 dans un ouvrage de Guillaume Louis et Gustave Belèze : Jeux des adolescents. Il est question de dégommer avec un palet un bouchon sur lequel on a placé des pièces de monnaie, de sorte qu’en tombant, les pièces soient aussi près que possible du palet que vous avez déjà positionné.