La godille désigne aussi une technique de ski enchaînant une série de virages et demi-virages.
À la mistanflûte (ou mistanflute)
C’est un équivalent picard de « à la godille » (voir ci-dessus). À la mistanflûte qualifie ce qui est fait tout de travers. Une comptine traditionnelle demande si l’on sait jouer « de la mistanflûte, flûte, flûte, flûte… ». Il est en effet probable que mistanflûte ait un rapport avec l’instrument de musique appelé flûte à bec qu’un imbécile essaierait de jouer en soufflant par le milieu, par le « mitan » et non par le bec, confondant ainsi flûte à bec et flûte traversière.
L’expression a également cours avec la même signification en Bretagne (région de Dol), en Wallonie et en Champagne, dans la région de Troyes. En Anjou, on dit d’un paysan habillé en « monsieur » qu’il est vêtu à la mistanflute, sous-entendant que son accoutrement est ridicule.
Être au four et au moulin
Pour être au four et au moulin, il faut avoir le don d’ubiquité ou savoir courir très vite. L’expression nous dit donc à quel point il est difficile et peu efficace de faire deux choses en même temps ou de vouloir être en deux lieux à la fois. Il serait plus logique de dire au moulin et au four puisque la farine est d’abord extraite du moulin avant d’être cuite au four de boulangerie : on trouve, chez Furetière (1690), « Au moulin et au four, chacun va à son tour ».
Cotgrave (1611) cite le proverbe sous une forme un peu différente : Il ne peut être ensemble au four, et au moulin. L’expression a dû voir le jour à l’époque féodale où le seigneur prélevait une redevance sur fours, moulins et pressoirs qualifiés de banaux, c’est-à-dire dépendant de sa juridiction[42].
Aller plus vite que la musique
« Dépêche-toi, grand-mère, nous allons être en retard.
— Du calme, je ne peux pas aller plus vite que la musique. »
L’expression m’a toujours semblé incohérente car enfin, la musique ne va vite que si l’on joue allegro, vivace, presto ou prestissimo. Si l’on joue grave, lento ou adagio, la musique va lentement ! Sans doute faut-il alors comprendre que l’interprète ne doit pas vouloir jouer plus vite que ne l’indique le tempo, qu’il ne doit surtout pas presser.
Aller plus vite que les violons est une expression équivalente : « Un moment, je ne peux pas non plus aller plus vite que les violons ; j’étais bien sûre qu’aussitôt arrivé ce serait pour me faire partir » (Henri Monnier, Un Voyage en chemin de fer in Les Bourgeois de Paris, 1854).
À chaque jour suffit sa peine
Voilà un proverbe capable de mettre un terme au « stress » professionnel : faire simplement sa tâche quotidienne en alternant travail et détente sans vouloir tout faire tout de suite est une leçon de sagesse. Grand-mère l’exprimait tout haut, comme pour justifier le repos qu’elle s’octroyait après son ouvrage.
L’origine est biblique, elle se trouve dans l’Évangile de Matthieu ; l’idée y est explicitée : « Cherchez d’abord le royaume et la justice de Dieu, et tout cela vous sera donné par surcroît. Ne vous inquiétez donc pas pour le lendemain : le lendemain s’inquiétera de lui-même. À chaque jour suffit sa peine » (6, 34).
Avoir un poil dans la main
Qui dit « travail » pense avant tout « tâche manuelle ». Les poils pousseraient-ils au creux des mains inactives comme les herbes folles dans une friche ou la mousse sur les roues d’un moulin abandonné ? Cette fourrure imaginaire serait censée croître sur les paumes des mains qui ne font rien de leurs dix doigts. Littré nous dit en effet qu’avoir du poil dans la main, c’est être fainéant. Quelle aberration nous a fait passer de cette toison fictive (du poil) à un unique spécimen (un poil). Toujours est-il que ce poil demeure le symbole de la paresse, l’une se mesurant d’ailleurs à la longueur de l’autre : les flemmards de tout poil l’ont immense, si long que ce poil leur servirait même de canne car, quand on est à ce point cossard, on n’aime pas non plus marcher et, sans canne, on ne bougera pas… d’un poil.
Faire relâche
On dit aussi jouer ou afficher relâche.
Les artistes et acteurs ont aussi droit à du repos, à de la détente, car nul ne peut travailler sans relâche. Relâcher est issu du latin relaxare qui veut dire aussi « desserrer ». Les jours où il n’y a pas de représentation sont donc jours de relâche. Il arrive aussi, hélas, que les théâtres fassent relâche, contraints et forcés par des raisons économiques : « Les théâtres sont ruinés ; que voulez-vous que j’y fasse ? Est-ce à moi, est-ce à vous qu’il sera donné de prouver à nos maîtres d’hier que ce serait une honte, et pis qu’une honte, un malheur, que de voir à chaque coin de rue une affiche avec ces mots en gros caractères pour tout potage : Relâche ! Relâche ! Relâche ! Relâche à Meyerbeer, à Corneille ! Relâche à Molière et à M. Scribe ! Relâche à Carlotta et à madame Viardot ! » (Jules Janin, Quinze jours de congé in Revue de Paris, 1849).
Jouer, faire ou afficher relâche, c’est donc ne pas jouer du tout, et, par extension, ne rien faire : « J’estime avoir suffisamment travaillé pour aujourd’hui. Maintenant, je joue relâche jusqu’à demain ! »
De rip et de rap
« Je n’ai pas le temps de faire tout mon ménage d’une seule traite : je le ferai de rip et de rap. » Grand-mère voulait ainsi dire « de manière décousue, un peu çà, un peu là, à chaque fois que j’aurais un petit moment devant moi ». De rip et de rap se dit en Saintonge. On y entend aussi À la ripe-rape pour « pêle-mêle ». D’où vient cette curieuse onomatopée ? Du bruit que feraient deux outils successivement utilisés : une ripe (avec laquelle le sculpteur taille sa pierre) puis une râpe (avec laquelle il dégrossit la pierre avant de la polir) ? De l’anglais to rip, « arracher, déchirer » et to rap, « cogner, frapper, donner un coup sec » (ce dernier verbe a d’ailleurs donné le rap — inconnu de grand-mère —, ce style de « chansons » aux paroles récitées en saccades sur un rythme appuyé) ? La chose serait possible puisque la Saintonge fut longtemps sous domination anglaise.
42
La juridiction seigneuriale ou « ban » s’étendait jusqu’à une lieue de la ville sur un territoire baptisé