— Partez ! dit-elle.
Comme il ne bougeait pas, elle fit deux pas vers la porte-fenêtre, comme pour s’enfuir par cette ouverture. Malko la rattrapa et posa une main sur sa hanche. Dès que les doigts l’effleurèrent, l’élan de Yasmin se brisa. Malko la fit pivoter sans difficulté, sentant à travers le léger tissu vert la voluptueuse tiédeur de sa peau.
— Que voulez-vous ? murmura-t-elle.
Comme si ce n’était pas évident. Ils demeurèrent ainsi quelques secondes, puis il se pencha et ses lèvres frôlèrent la bouche de la jeune femme.
Elle lui rendit aussitôt son baiser, de tout son corps, et il l’étreignit violemment, écrasant la masse tiède et ferme de ses seins. Très vite, ils basculèrent sur le lit, étroitement enlacés. Pas un mot n’avait été prononcé. Yasmin se laissait faire, la respiration courte. Quand Malko commença à découvrir ses jambes, elle ne protesta pas. Ses doigts remontèrent le long d’une peau douce, comme huilée atteignant l’intérieur de ses cuisses, la zone la plus tendre et vulnérable. Elle ne portait rien sous ses voiles et ne défendit pas son intimité.
Allongée sur le dos, elle tremblait sous la main qui la caressait, un bras noué sur la nuque de Malko, les jambes ouvertes, tressaillit au contact des doigts habiles. Malko avait l’impression, au moment où sa main s’était posée sur elle, d’avoir ouvert une porte menant à une secrète et ardente sensualité.
Sans cesser de la caresser, il se libéra et prit la main de la jeune femme pour la poser sur lui. Elle commença aussitôt un lent mouvement de va-et-vient sur sa hampe dont le détachement même était excitant. À bout de nerfs, Malko la renversa alors sous lui et la pénétra d’une seule poussée. Il eut l’impression d’entrer dans un pot de miel. Yasmin, très vite, se mit à onduler régulièrement, venant au-devant de lui jusqu’à ce qu’elle se torde voluptueusement, avec un interminable et vibrant soupir. Mais aussitôt après elle repoussa Malko.
— Partez ! murmura-t-elle. Partez, je ne veux pas.
Il se demanda ce qu’elle ne voulait pas. D’ailleurs sa voix n’exprimait aucune volonté, seulement l’engourdissement du plaisir sensuel. Il la contempla : sa pudeur semblait s’être concentrée sur son visage. Le tchador vert remonté dévoilait son corps jusqu’au ventre, le sexe ouvert, perdu dans la fourrure noire. Elle ne pouvait pas ignorer qu’il la regardait. Elle avait des jambes superbes, un peu lourdes mais bien galbées, à la peau très blanche.
— Vous pensez que je suis une putain, dit-elle soudain derrière son masque. Mais je n’avais pas fait l’amour depuis plusieurs mois. Je n’en pouvais plus.
Il la reprit dans ses bras, et voulut la débarrasser de l’encombrant tchador vert.
— Ôtez cela !
— Non, dit-elle.
Il recommença à caresser tout son corps, s’attardant aux pointes aiguës de ses seins à travers le tissu, puis s’aventura le long de sa chute de reins, découvrant des fesses rondes et fermes. Elle se fit plus souple, s’offrant à chaque mouvement de doigt impérieux, envoûtée par les caresses. Grisé par cet abandon, Malko la fit doucement rouler sur le ventre, appuyant son sexe durci contre ses reins. Yasmin ne parut pas se révolter. Elle attendit, sans le moindre recul, tremblant légèrement.
Sa seule réaction, quand il la prit de cette façon, fut de griffer le drap, mais il ne put savoir si c’était de plaisir ou de douleur. L’idée de pénétrer ces reins rendus anonymes par le tchador l’excitait extraordinairement. Peu à peu, il fut plus brutal. Il la possédait furieusement, comme pour se venger de sa froideur apparente. Il se retint longtemps avant de se répandre en elle. Parfois un mouvement plus violent lui arrachait une longue plainte. Lorsqu’il explosa, son cri rauque se mêla au long râle étouffé d’une femme qui jouit. Elle continuait à se cambrer sous lui, en transes, s’accrochant des deux mains au drap. Lorsqu’il releva le voile qui dissimulait son visage, elle se laissa faire. Les yeux noirs semblaient avoir doublé de volume ! Soulignés de bistre, une lueur trouble les éclairait. D’elle-même, enfin, Yasmin se débarrassa du long vêtement, révélant enfin une somptueuse poitrine et resta ainsi sur le lit, fixant le ventilateur qui tournait lentement.
Malko se mit à lui caresser les seins et elle ferma les yeux. Ils demeurèrent ainsi longtemps, puis peu à peu son désir se ranima et cette fois, sans même qu’il le lui demande, elle le prit dans sa bouche jusqu’à ce qu’il l’écarté pour posséder son ventre, cette fois. Elle semblait moins goûter cette position, mais ils firent l’amour doucement et longtemps. Leurs deux corps ruisselaient de sueur. Enfin, Malko retomba, vidé.
Appuyée sur un coude, Yasmin se mit à l’observer.
— Vous êtes le premier homme qui m’ait attaquée aussi brutalement, remarqua-t-elle. Comment saviez-vous que je ne vous repousserais pas ?
Malko sourit :
— Je l’ignorais, mais j’avais envie de vous. On ne réfléchit pas dans ces moments-là.
Il se sentait merveilleusement bien. L’idée de son voyage à Landikotal et du retour de Bruce Kearland gâcha brutalement son euphorie. Comme si elle avait deviné ses pensées, elle dit doucement, sans lâcher le ventilateur des yeux :
— Si vous voulez, nous pourrons quand même nous voir lorsqu’il sera revenu. Il paraît qu’il est blessé. Il devra rester à l’hôpital…
Évidemment, ce n’était pas d’une grande moralité. Malko essaya de se raccrocher au fait qu’il n’avait jamais vu Bruce Kearland et, qu’après tout, il n’avait pas violé Yasmin. Celle-ci semblait s’épanouir parfaitement dans l’adultère… Elle tourna la tête vers lui, et regarda son sexe rendu au calme.
— Je voudrais que vous me fassiez encore l’amour, dit-elle. Vous êtes très doux et très fort en même temps. Bruce n’a jamais le temps, ça ne l’intéresse pas.
— Vous êtes superbe pourtant, dit Malko avec sincérité.
Elle eut un sourire las.
— Oh, il aime me sortir, mais ensuite, il est toujours fatigué, ou il a du travail. Ou il voyage. Avant ce n’était pas ainsi. Mais je suppose que c’est la vie.
— Vous avez eu d’autres amants ?
— Non.
— Comment avez-vous fait ?
Yasmin regarda de nouveau le plafond.
— J’ai une amie, dit-elle d’une voix égale. J’aime bien faire l’amour avec elle. C’est très doux aussi.
Un délicieux frisson traversa Malko, ému par cette perversité naturelle. Les yeux noirs se posèrent de nouveau sur lui.
— Je vous la présenterai, dit Yasmin avec douceur. Elle vit à Peshawar. Maintenant, il faut que vous partiez.
Il se leva, récupéra ses vêtements froissés. Yasmin l’observait, indéchiffrable. Elle drapa un voile autour de sa taille, ce qui la rendait encore plus belle, puis entrouvrit la porte-fenêtre pour Malko.
Celui-ci la trouvait de plus en plus à son goût. Mais lorsqu’il s’approcha pour l’embrasser, elle se déroba.
— Il faut partir, dit-elle. Je vous reverrai demain, lorsque vous reviendrez avec Bruce.
Il se retrouva directement dans le jardin du Dean’s. Son taxi était garé dans l’ombre. Il était une heure du matin ! Il réveilla le chauffeur avec précaution. À cette heure tardive, la circulation était presque nulle et ils mirent moins de cinq minutes pour atteindre l’Intercontinental. Malko n’en revenait pas de sa chance. Pourquoi une femme aussi farouche que Yasmin avait-elle cédé aussi vite ?
Il chassa de ses pensées son corps épanoui et se demanda ce qu’il allait trouver à Landikotal. Quel était le secret rapporté par Bruce Kearland ?