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— Je crois que j’aimerais un peu d’alcool.

— Pas tout de suite, dit Malko, j’ai une course urgente à faire, je repars en ville…

— Vous ne vous reposez pas ?

— Tout à l’heure.

Il sentait qu’elle avait une question sur les lèvres mais elle ne la posa pas.

— Bien, je vous attendrai au bar.

Ils se quittèrent au quatrième. Elko Krisantem était plongé dans le Coran. À l’entrée de Malko, il sauta sur ses pieds. Son vieil Astra était posé sur le lit.

— Elko, nous avons du travail.

Malko et Krisantem s’engouffrèrent sous la voûte du Friend’s Hôtel sans rien demander à personne et grimpèrent directement au troisième étage. C’était la Cour des Miracles. Toutes les chambres étaient ouvertes et dans chacune, un transistor vomissait des chansons pachtous ou autres, sur fond de cymbales et de flûtes stridentes. Leurs occupants cuisinaient sur des réchauds de fortune, dans cette cacophonie indescriptible. L’arrivée des deux étrangers figea toute cette activité. Malko traversa la terrasse jusqu’à l’endroit où il avait parlé au barbu au regard doux. C’était le seul coin un peu calme. Il aperçut une chambre vide avec quatre charpois… Les autres locataires fixaient avec curiosité ces visiteurs d’un autre monde. Gentiment l’un d’eux s’avança vers Malko et demanda en anglais ce qu’ils cherchaient. Malko expliqua :

— Nous cherchons des réfugiés afghans, dit-il, un groupe de trois.

L’homme tendit la main vers la chambre vide :

— Ils sont partis, dit-il. Tout à l’heure.

— Comment étaient-ils ?

Cela prit un certain temps, mais en cherchant laborieusement ses mots, son interlocuteur parvint à répondre.

— Il y en a un très grand, et un plus petit, avec une barbe, très jeune. Un autre, fort aussi, presque pas de cheveux. C’est lui qui faisait la cuisine pour les autres. Quelquefois, un enfant venait leur rendre visite. C’était sûrement des mudjahidins.

— Pourquoi ? demanda Malko.

— Parce qu’ils avaient des armes. Les réfugiés n’ont pas d’armes.

Malko remercia, dissimulant sa rage. Le jeune barbu à l’air doux l’avait bien eu en lui demandant de revenir ! C’était l’explication de l’attentat. Ils avaient découvert qu’il était sur leur piste et tenté de le neutraliser. Mais qui les avait mené à Malko ? À moins qu’ils n’aient laissé une « sonnette » en leur absence et qu’il ait suivi. C’était le fameux commando signalé par Sayed Gui. Maintenant, ils étaient dans la nature et il repartait à zéro. Malko et Krisantem redescendirent et interrogèrent le réceptionniste qui parlait anglais. Pour vingt roupies et sans poser de questions, il leur montra le registre de l’hôtel. Avec trois noms : Jamal Seddiq, Multan Mozafar et Jandad Noor. Malko les nota à tout hasard, bien que cela ne puisse pas le mener à grand-chose, les noms étaient probablement faux.

Ils retrouvèrent la rue poussiéreuse et sale, et le brouhaha de GT Road.

Krisantem était frustré de ne pas avoir pu utiliser son lacet et Malko ressassait son amertume. Penser qu’il avait eu en face de lui un des membres du commando ! Ainsi, plusieurs pièces du puzzle se mettaient en place, réunissant divers incidents. L’enfant qui avait été aperçu par les témoins du meurtre du jeune hippie britannique réapparaissait au Friend’s Hôtel, avec le commando. L’homme qui avait abattu le portefaix correspondait au signalement d’un des membres du commando. Et le fusil qui avait été utilisé à Landikotal contre Malko ramenait aussi aux mêmes gens.

Il y voyait un peu plus clair : un commando de trois hommes, un enfant et une femme se trouvaient à Peshawar. Leur mission était liée à Bruce Kearland. Celui-ci mort, pourquoi continuaient-ils ? Ou l’assassinat de l’Américain ne représentait-il qu’une partie du plan ? Malko se dit que Yasmin pourrait peut-être l’éclairer.

De toute façon, il se devait de l’avertir de la tentative de meurtre contre lui. Car elle pouvait aussi se trouver en danger.

— Nous allons au Dean’s, dit-il à Elko Krisantem.

La chambre 32 ne répondait pas et il n’y avait personne à la réception du Dean’s. Ils ressortirent, contournèrent le bâtiment pour atteindre la porte-fenêtre. Aucun signe de vie. Pourtant, Yasmin, qui soi-disant ne sortait jamais, aurait dû se trouver là. Elko Krisantem examina la fermeture des volets et se tourna vers Malko.

— Je vais ouvrir.

Avec son couteau, il commença à trifouiller entre les joints, pesant sur la fermeture jusqu’à ce qu’un craquement sec fasse sursauter Malko. Le Turc écarta doucement les volets et ils pénétrèrent dans la chambre, refermèrent et allumèrent. Un seul coup d’œil suffit à Malko. Le lit était fait, la chambre vide. Il ouvrit un placard. Plus un seul vêtement ! Yasmin avait déménagé ! Il s’assit sur le lit avec un étrange sentiment de malaise. Pourquoi cette disparition soudaine ? Malko se revoyait lui annonçant son déplacement à Darra… La meilleure façon de tirer les choses au clair était donc de la retrouver. Ils ressortirent par le même chemin et Malko retourna à la réception. Cette fois, il y avait un jeune Pakistanais plutôt avenant.

— Je cherche la personne du 32, dit Malko. Elle n’est pas rentrée ?

Le Pakistanais secoua la tête avec un geste désinvolte.

— Partie ! Payé note.

Malko posa un billet de dix roupies sur le comptoir.

— Savez-vous où elle est partie ?

Le temps de faire disparaître le billet, le Pakistanais précisa :

— Avec taxi !

On se rapprochait.

— Je voudrais savoir où ? insista Malko allongeant un nouveau billet, cette fois de vingt roupies.

Dans ce pays, le renseignement était vraiment à la portée de tous !

Le Pakistanais, ravie de cette manne, exhiba tous ses chicots.

— Taxi hôtel, parti manger bazar.

— Quand lady partie ? demanda Malko utilisant le même parler.

Le jeune réceptionniste fit un geste vague.

— Four o’clock, Five o’clock.

Peut-être était-elle retournée chez elle à Islamabad ? Bizarre qu’elle n’ait pas laissé de message.

Il fallait retrouver le taxi. Utilisant les grands moyens, Malko sortit un billet de cent roupies qu’il déchira en deux et en tendit une moitié au réceptionniste. Il griffonna ensuite le numéro de sa chambre à l’Intercontinental sur un bout de papier qu’il remit avec les cent roupies.

— You send me this taxi, dit-il. He gets the other half[20] !

Inutile de donner plus d’explications. Le chauffeur serait motivé. Pour un Pakistanais, c’était l’équivalent d’un mois de salaire gratuit ! Malko ne tint pas compte du regard désapprobateur d’Elko Krisantem que son sens de l’économie poussait parfois à de regrettables extrémités.

— Je suis sûr qu’il en savait plus…, grogna-t-il.

Incorrigible.

Malko se dit que Yasmin lui avait peut-être laissé un message. Cet espoir se concrétisa lorsqu’il arriva à l’Intercontinental. Il y en avait bien un !

Il le déplia avidement et son excitation tomba aussitôt ! Il y avait quelques lignes d’une écriture appliquée :

« Le bar est trop triste. J’ai pris de la vodka et je vous attends dans ma chambre, si vous voulez. 436. Meili. »

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20

Vous m’envoyez le taxi, il aura l’autre moitié.