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— Je suis désolé pour hier soir, dit-il. J’ai été retenu très longtemps et je n’ai pas osé vous réveiller.

Elle eut un petit rire frais.

— Ça ne fait rien ! J’espère que vous avez bien dormi.

Elle avait dû voir sa clef au tableau… Ils prirent l’ascenseur ensemble. À peine les portes s’étaient-elles refermées que la Chinoise changea d’attitude, s’appuyant doucement contre Malko, les yeux levés sur lui.

— J’étais très inquiète !

— Il n’y avait plus de taxi, affirma Malko. Mes amis m’ont demandé de dormir chez eux.

— Je vous ai attendu jusqu’à quatre heures du matin, dit Meili d’une toute petite voix. Je me suis endormie tout habillée sur le lit…

Allusion aux efforts vestimentaires qu’elle avait fait pour séduire Malko. Ils étaient arrivés au troisième. Tout naturellement, elle le suivit et entra dans la chambre sur ses talons, sous le regard réprobateur de « l’homme de chambre ». À peine Malko avait-il refermé la porte que Meili noua ses bras autour de son cou et dit d’une voix de petite fille :

— Vous ne m’aimez pas !

C’était touchant et agaçant à la fois. Après tout, elle n’avait aucun droit sur lui. Leurs lèvres se frôlèrent et, brusquement, elle le mordit si fort qu’il recula et poussa un cri. L’expression de Meili avait changé, ses yeux jetaient des éclairs.

— Jamais on ne m’a humiliée de cette façon ! explosa-t-elle. Jamais.

Elle se tut, les larmes aux yeux. Malko ne savait plus que penser. Il la reprit dans ses bras et, cette fois, elle l’embrassa avec passion. Cinq minutes plus tard, ils étaient sur le lit, la robe de Meili déboutonnée, son petit slip blanc accroché à sa cheville gauche et Malko dans un état qui ne pouvait que réjouir la jeune Chinoise. Au moment où il allait la prendre, elle lui échappa, sauta du lit, remonta son slip et commença à boutonner sa robe.

— Il faut que j’aille travailler, fit-elle, raflant son sac au passage.

Elle ne dépassa pas le poste de télévision. Cette fois, le slip se déchira sous les doigts impatients de Malko et il s’enfonça en elle d’une seule poussée impérieuse, l’écrasant contre lui. Elle commença bien à lui griffer le dos, mais très vite, ses doigts se nouèrent autour de sa nuque en une caresse beaucoup plus douce. Ils firent l’amour comme des collégiens, sans nuances, vite et intensément. Meili gigotait de tout son petit corps potelé et poussa un cri de souris lorsqu’elle sentit Malko se répandre, le serrant encore plus fort. Il resta en elle, le temps de laisser la vague de plaisir retomber. Ou Meili était vraiment pleine d’orgueil, ou elle aimait le viol. Enfin, elle fila vers la salle de bains, et Malko entreprit de ramasser le contenu de son sac.

Il y était entièrement parvenu lorsque ses doigts se refermèrent autour d’un objet rond glissé sous le lit. Il le ramena et eut l’impression de recevoir une douche glaciale : c’était une cartouche de 6,35 semblable à celle qui avait tué Sholam Nabi !

Il se retint de poser des questions à Meili. Il préférait d’abord faire son enquête.

La jeune femme ressortit de la salle de bains, boutonnée, coiffée, les yeux rieurs et prit son sac.

— C’est vrai, dit-elle, je dois vraiment partir, j’ai une leçon d’urdu. Mais nous pouvons nous voir ce soir.

Elle vint se coller contre Malko et murmura :

— Je suis tombée amoureuse de vous ! J’espère que nous ferons tout le temps l’amour.

La porte claqua sur elle et Malko prit la cartouche pour l’examiner. Elle était de fabrication artisanale et ne portait aucun numéro. Impossible donc de savoir si elle appartenait au même lot que celles trouvées sur le jeune barbu assassin.

Il se sentait glacé. Au milieu d’un théâtre d’ombres terrifiant. Ainsi, la douce Meili faisait partie aussi du complot. L’image de la femme en rouge lui sauta aux yeux. Cela pouvait parfaitement être Meili. Et dire que ni Fred Hall ni Sayed Gui ne la connaissaient. Du coup, la façon dont elle s’était jetée à son cou devenait éminemment suspecte. Mais alors, pourquoi l’avait-elle sauvé dans le bazar ? Rien ne collait vraiment et pourtant, il sentait le danger rôder autour de lui. Prenant la cartouche dans sa poche, il sortit.

* * *

Un Pakistanais édenté ouvrit un judas carré dans la porte de métal et regarda Malko avec méfiance. Celui-ci vit que la Volkswagen verte ne se trouvait pas dans la cour.

— Nasira Fadool ?

L’autre secoua négativement la tête.

— Yasmin Munir ?

Même mimique. Étant donné la barrière du langage, il était impossible d’obtenir plus de précisions… Il dut se résoudre à battre en retraite. Il en avait plus qu’assez de ces allées et venues dans la chaleur insoutenable. Il pria pour que les deux femmes n’aient pas disparu pour de bon, cette fois, à Islamabad ou ailleurs. À part le pistolet qui ne le quittait plus et la présence de Krisantem, il ne prenait aucune précaution : à quoi bon ? Consultant sa Seiko-quartz, il vit qu’il lui restait deux heures avant le rendez-vous avec Sayed Gui et il avait faim. Bravant le risque, il se fit conduire au bazar, au Salateen. La salle du haut était presque vide. En vingt minutes, il eut mangé un « tanduri chicken » avec du « nan », les grandes galettes tièdes qu’on servait avec tout, arrosé de Pepsi, pour changer.

L’idée de la culpabilité de Meili l’obsédait. Mais comment la mettre sous surveillance ? Elle n’avait pas dû s’apercevoir de la perte de la cartouche, il avait donc un avantage sur elle. L’interrogatoire du jeune barbu amènerait peut-être un élément nouveau. Il décida d’attendre le lendemain avant de prendre le taureau par les cornes. Dehors, le chauffeur attendait en grignotant un bout de nan, trempé dans un mélange de piment et de tomates broyées.

* * *

De nuit, le bâtiment abritant l’Alliance Islamique était particulièrement sinistre. Malko suivit dans la cour deux Afghans armés qui le menèrent à Sayed Gui. Il trouva celui-ci au fond de la cour en face d’un trou rectangulaire. Deux mudjahidins éclairaient la scène avec des baladeuses. En se penchant, Malko aperçut une échelle de bois qui s’enfonçait dans le sol permettant d’accéder à un couloir large à peine d’un mètre desservant plusieurs portes grillagées.

— C’est notre prison, expliqua Sayed Gui. Personne ne peut s’en évader. De jour, des planches dissimulent l’entrée. Même la Sécurité pakistanaise ne connaît pas l’existence de ces cellules. Nous avons gardé ici des « shuravis » plusieurs semaines avant de les remettre aux Pakistanais. Maintenant nous les tuons, c’est plus simple et ils ne prennent pas la nourriture des mudjahidins.

Deux soldats descendirent dans la fosse, ouvrirent un des grillages et poussèrent Jandad sur l’échelle. Les hématomes du jeune barbu avaient enflé et il n’avait pas belle allure.

— Qu’a donné votre enquête ? demanda Malko.

— Pas grand-chose, avoua Sayed Gui. Nous ignorons où ont fui ses deux complices.

Jandad, les mains toujours liées derrière le dos, fut enfourné comme un paquet dans le coffre d’une vielle Toyota. Malko y prit place avec Sayed Gui et deux gardes du corps. Une Colt les suivait, pleine de mudjahidins. Ils prirent la direction du sud, redescendant vers le centre de Peshawar, puis tournèrent dans Khyber Road, rejoignant enfin Jamrud Road. Malko se demanda où ils allaient. Peu à peu, les maisons s’espaçaient. Ils passèrent sans ralentir devant le check-point établi à la sortie de la ville. De l’autre côté, commençait l’immense camp de réfugiés de Nasr. C’était la route de la Khyber Pass. Malko se sentit mal à l’aise. Cela sentait l’exécution sommaire… Ils longèrent le camp pendant un quart d’heure et, au dernier check-point, avant Jamrud, tournèrent à gauche dans une piste filant au milieu du désert. Encore deux kilomètres et une clôture surgit dans la nuit. Ils s’arrêtèrent à un portail qui leur fut ouvert par un gardien enturbanné et finalement stoppèrent devant un long bâtiment industriel.