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— Vous savez où trouver l’invalide ?

— Oui.

— Allons-y tout de suite.

Chapitre XII

Jamal Seddiq sauta sur le faîte du mur et attendit en équilibre que les aboiements des chiens se calment. Dans cette voie tranquille de University Town, il n’y avait personne la nuit bien que le voisin soit un colonel de l’armée pakistanaise. Rassuré il se laissa tomber dans le jardin, la main sur le manche de son poignard.

Il y avait une voiture verte en face du porche de la villa plongée dans l’obscurité.

Jamal Seddiq la contourna, habituant ses yeux à l’obscurité. Il n’avait pas envie de tuer le propriétaire, ce qui compliquerait les choses. Malheureusement, les circonstances le forçaient à agir sans préparation et donc un peu à l’aveuglette. Il arriva en face de la véranda. Il distinguait deux charpois. Une forme était étendue sur l’un d’eux. Le géant Afghan s’approcha à pas de loup. Un chien qu’il n’avait pas vu se leva et grogna. Aussitôt, le dormeur s’éveilla, et se dressa sur le charpoi, brandissant un bâton.

— Qui est là ?

— Amin ? chuchota Jamal Seddiq.

Rassuré de s’entendre appeler par son nom, l’invalide posa son bâton et se dressa sur son unique jambe, cherchant à percer l’obscurité. La silhouette massive de Jamal Seddiq se rapprocha à le toucher. Sans un mot l’Afghan noua brutalement ses mains autour du cou de sa victime et se mit à serrer de toutes ses forces, le renversant sur le charpoi, un genou en travers de la poitrine. Amin poussa un cri étranglé, vite étouffé. Pas de taille à lutter.

Jamal Seddiq achevait de lui enfoncer les pouces dans la trachée-artère lorsqu’il entendit un bruit dans la rue. Une voiture. Il n’y prêta pas attention, mais quelques secondes plus tard, des coups violents furent frappés à la porte de fer, étouffant les râles d’agonie.

Le tueur sentit de la sueur lui couler dans le dos. Ce n’était pas normal ! Il serra encore, si fort que les vertèbres craquèrent sous ses doigts. Il se redressa alors, écarta le chien d’un coup de pied et courut vers le fond du jardin. Un mur peu élevé le séparait de la propriété voisine. Il le franchit facilement, retombant de l’autre côté et s’enfuit sans bruit.

* * *

Le portail s’ouvrit sur le visage interloqué d’un Blanc, vêtu d’un short, torse nu.

— Que se passe-t-il ? demanda-t-il en anglais.

Malko le repoussa à l’intérieur et entra, suivi de Sayed Gui et de plusieurs mudjahidins.

— Nous cherchons un certain Amin, dit-il. Nous avons des raisons de penser qu’il est en danger de mort.

L’étranger – un Anglais d’après son accent – eut un sourire méprisant.

— Amin ! Il ronfle sur son charpoi. C’est lui qui aurait dû vous ouvrir ! Mais d’abord qui êtes-vous ?

Il s’adressait plus spécialement à Malko, ignorant volontairement Sayed Gui.

— Je travaille avec le consulat américain, dit Malko. Mr. Hall. C’est une affaire confidentielle et grave.

Le Britannique eut un léger haussement d’épaules et fit :

— Well, venez voir.

Ils le suivirent et il alluma une lampe éclairant la véranda. Il ne fallut pas longtemps pour s’apercevoir qu’Amin ne ronflait pas. L’angle que faisait sa tête avec son corps était révélateur… L’Anglais poussa une exclamation horrifiée.

— My God, que s’est-il passé ?

— Ce que je craignais ! fit Malko. Il a été assassiné. Vous n’avez vu personne ?

— Non.

— Que saviez-vous de lui ? Il avait une activité politique ? Il recevait des gens ?

Le Britannique secoua la tête, sceptique.

— Lui ! C’était un brave garçon. Il ne sortait pratiquement pas à cause de sa jambe. Parfois, des réfugiés venaient le voir, avec des nouvelles de sa famille. Je ne comprends pas, il n’avait même pas d’argent. Qui a pu le tuer ?

— C’est une question que nous nous posons aussi, soupira Malko. Prévenez la police. Mais je crains qu’ils ne trouvent rien.

En dépit de l’heure tardive, ils acceptèrent un verre dans le living à peu près vide. Sayed Gui et Malko s’isolèrent un instant.

— Il faut joindre d’urgence les deux autres victimes prévues, demanda Malko.

— L’un est dans un camp, non loin d’ici, l’autre se trouve à Islamabad, paraît-il, répliqua l’Afghan.

— Il faut agir vite ! Ils sont en danger de mort.

— Celui qui se trouve à Islamabad a des gardes du corps. Il ne craint rien.

— Il faut lui parler, répéta Malko. Il pourra peut-être nous donner une explication. Téléphonons à Islamabad.

Sayed Gui soupira :

— On peut essayer, mais parfois cela prend deux ou trois jours. En plus, il appartient à une organisation concurrente. Il croira peut-être à un piège.

— Et le quatrième ?

— Je vais le convoquer. C’est facile, mais il faut attendre demain matin. On ne peut le prévenir, il n’y a pas le téléphone là-bas.

— Mettez-le en garde. Il ne faut pas qu’il subisse le sort des autres.

Ils repartirent dans la nuit après avoir pris congé du Britannique, abandonnant le corps de l’infirme. Pourquoi tuer un ancien combattant ?

Fred Hall mâchonnait sombrement un chewing-gum, fixant Malko à travers ses énormes lunettes. Sa contrariété était telle qu’il en oubliait d’éternuer. Quant à Malko, il n’avait pas fermé l’œil de la nuit. Ressassant les éléments du puzzle sans trouver le moindre élément de solution.

— C’est une histoire de dingue, soupira l’Américain. Quel lien y a-t-il entre Bruce Kearland et ce pauvre type ? Ils ne se sont jamais rencontrés, ils ne parlaient pas la même langue et pourtant, on les a tués pour la même raison.

— Bruce Kearland n’était pas dans le Lowgar ?

— Si, il y a deux ans.

— Et cette femme mystérieuse, qui semble orchestrer ces meurtres ? Vous n’avez aucune idée ?

Fred Hall secoua la tête.

— Honnêtement, aucune.

— Et cette Meili ?

L’Américain eut un sourire las.

— J’allais vous en parler. J’ai reçu quelque chose à son sujet d’Islamabad. D’après eux, elle travaille pour les Services chinois. Elle a été repérée par les Pakistanais. Les Chinois sont très demandeurs sur les problèmes afghans, bien qu’ils leur fournissent beaucoup d’armes. Elle a dû vous « tamponner » dans ce but. Mais je la vois mal impliquée dans un complot pour le compte du Khad. Sur le problème afghan, les Soviétiques et les Chinois ont des positions opposées. Elle vous protégerait plutôt. Enfin, tout est possible.

— Et Nasira Fadool ?

— Je l’ai vue tout à l’heure et je l’ai mise au courant. Elle maintient que tout se passe dans l’entourage de Sayed Gui.

Inutile de parler de Yasmin qui semblait complètement hors du coup.

— Je vais par Sayed Gui rencontrer la future victime № 3, dit Malko. Peut-être aura-t-il une idée ?

— Peut-être, soupira Fred Hall.

Il raccompagna Malko jusqu’à la fournaise extérieure.

— Charsadda Road, dit Malko.

Il avait une idée qui permettrait peut-être de sortir de l’impasse. Il restait cinq jours avant l’arrivée des premiers délégués de la Conférence des Chefs de la Résistance. Dernier délai pour déjouer les plans du Khad et retrouver la meurtrière de Bruce Kearland.

* * *

À peine Malko était-il entré dans son bureau que Sayed Gui boitilla jusqu’à lui, l’air grave.

— J’ai de mauvaises nouvelles ! annonça-t-il. Inutile d’aller à Islamabad.