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Le chef de station lui jeta un regard curieux.

— Non, pourquoi ? Quel rapport ?

— Parce que toute cette histoire est liée au Lowgar. Il y aurait peut-être un indice dans les souvenirs de Bruce.

Fred Hall fronça les sourcils.

— Attendez ! Je pense qu’il les avait confiés à Yasmin, puisqu’il vivait avec elle à Islamabad. Tout doit être là-bas. Il suffit de lui demander. Je peux envoyer un télex à quelqu’un de l’ambassade.

— Je préférerais agir avec plus de discrétion, dit Malko. Y aller directement moi-même, par exemple. Le plus vite possible. Si je ne me trompe pas c’est vraiment la dernière chance qui nous reste… Autant ne pas la gâcher par une imprudence…

— Que voulez-vous dire ? fit Fred Hall en remettant ses lunettes.

— Vous m’avez très bien compris, dit Malko. Je suis sûr que la femme en rouge qui a tué Bruce Kearland était liée à lui. Inutile de faire un pas de clerc…

L’Américain eut un haut-le-corps.

— Vous ne pensez quand même pas que Yasmin…

— Yasmin, non, fit Malko.

Il laissa sa phrase en suspens. Fred Hall éclata d’un rire un peu forcé.

— My God, vous avez trop écouté Sayed Gui ! Dans cinq minutes vous allez me dire que Nasira Fadool a tué Bruce. C’est ridicule.

— Peut-être, reconnut Malko, mais elle était au courant de tout par Yasmin. Or, il n’y a aucune femme chez les mudjahidins, même si Sayed n’est pas absolument sûr. Et puis, quelque chose m’a troublé. Hier soir, elle semblait étrangement gaie, soulagée presque. Elle s’est saoulée en ma présence. Comme si elle avait un poids de moins sur la poitrine.

» Juste quand le commando du Khad venait d’achever son œuvre de mort. Bien sûr, cela peut être une coïncidence.

— Voyons, objecta l’Américain, Nasira se trouvait dans mon bureau pratiquement au moment où on assassinait un des « objectifs » à Islamabad. Cela ne vous suffit pas ?

— Bien sûr, admit Malko. Mais je préférerais quand même débarquer chez Yasmin par surprise. Et surtout que Nasira Fadool ne soit pas au courant de ce déplacement.

Fred Hall rougit violemment.

— Écoutez, je ne mélange jamais le business et les sentiments…

À son tour, Malko le regarda, intrigué par la façon de parler de l’Américain.

— Vous voulez dire…

— OK, OK, fit l’Américain. Il n’y a pas de quoi en faire un drame. Bien sûr que je ne mets pas dans mes messages que je saute ma « source ». Ils seraient capables de me déplacer, à Langley. Et de toute façon, cela n’a rien à voir. D’ailleurs, j’avais juré de ne jamais révéler cette… affaire…

Le cerveau de Malko bouillonnait. Il venait d’obtenir par hasard le petit bout du puzzle qui faisait basculer sa conviction.

— Vous la voyez ce soir ? demanda-t-il d’une voix égale.

— Oui, je pense, dit l’Américain d’une voix hésitante.

— Je vous demande deux choses, fit Malko. D’abord, ne mentionnez pas notre conversation. Et si elle parle de moi, dites-lui que je suis avec Sayed Gui. Maintenant, donnez-moi les clefs de votre Buick.

— De ma Buick ! fit Fred Hall, médusé. Mais j’en ai besoin.

— Pas autant que moi ! dit Malko.

— Je ne veux pas que vous utilisiez une voiture de la station, contra l’Américain. En cas de pépin, il ne faut pas qu’on puisse vous relier à la Company… C’est une règle absolue.

— Vous pensez peut-être que les Pakistanais croient que je travaille pour les Belges ? demanda Malko ironiquement. Je ne tiens pas à emmener derrière moi un mouchard des Services pakistanais. Surtout si nous devons laver un peu de linge sale en famille… Il faut que je parte pour Islamabad immédiatement. Dans l’intérêt du Service.

Ils se défièrent du regard pendant de longues secondes, puis, à regret, Fred Hall tira les clefs de sa poche.

— À propos, fit Malko, si Nasira vous demande ce que vous avez fait de votre voiture, dites-lui qu’elle est en panne.

— Mais enfin ! protesta le chef de station. Pourquoi vous acharner sur elle ? Il y a cette Chinoise, Meili, vous la soupçonniez aussi ? Vous avez trouvé une cartouche sur elle…

— Je ne la soupçonne plus. À demain.

Du coup, Fred Hall ne le raccompagna pas. Malko se mit au volant de la Buick blanche et brancha la climatisation à fond. C’était délicieux. Il fit basculer la boîte à gants : un Colt 45 automatique lui tomba presque dans la main. Profitant du feu rouge à l’angle de Khiber Road, il entrouvrit la culasse afin de voir s’il était chargé : il y avait une balle dans le canon. Il le remit en place et prit la direction de l’Alliance Islamique. Avant de partir pour Peshawar, il avait deux choses à faire : prendre des nouvelles de Krisantem et s’assurer que les deux autres femmes avaient été mises hors de cause. Même s’il n’y avait qu’une chance sur un million qu’elle soit la meurtrière.

Tout en conduisant, il se dit qu’il concluait peut-être un peu trop vite. C’est vrai que plusieurs indices convergeaient sur Nasira Fadool, mais il y avait aussi des éléments qui paraissaient l’innocenter. Il n’avait pas encore résolu son dilemme quand il s’arrêta devant le drapeau afghan délavé qui surmontait les bâtiments de l’Alliance Islamique.

* * *

L’ambiance était morose, dans les petits bureaux entourant celui de Sayed Gui. Même le souriant Rassoul avait l’air découragé, le nez plus de travers que jamais. Sayed Gui se leva et serra la main de Malko avec une gravité inaccoutumée.

— Je n’ai que de mauvaises nouvelles, avoua-t-il.

Nous avons vérifié l’identité d’une des deux femmes qui se trouvaient chez le bijoutier. C’est une brave mère de seize enfants ! Quant à l’autre, nous avons perdu sa trace à l’hôtel Intercontinental !

Malko crut avoir mal entendu.

— À l’Intercon ?

— Absolument, affirma Sayed Gui. En sortant du bazar, elle a pris un taxi jusqu’à l’hôtel. Ensuite, elle s’est mêlée aux invités d’une réception donnée autour de la piscine. Là, celui qui la suivait l’a perdue de vue. Elle a pu chercher seulement refuge à cet endroit. Il y avait plusieurs femmes habillées comme elle.

Malko ouvrit la bouche pour dire quelque chose puis la referma sous l’œil intrigué de Sayed Gui. Il y avait eu assez d’indiscrétions. Désormais, il prenait les choses totalement en main.

— Comment va Elko Krisantem ? demanda-t-il.

L’Afghan se détendit aussitôt.

— Aussi bien que possible. Je viens de parler avec le chirurgien. La fièvre baisse, mais il est encore très faible. Il a demandé à ce que vous ne lui rendiez pas visite ce soir. Demain seulement. Pour l’instant, on ne peut faire plus pour lui. Il est dans une chambre seul, ce qui est réservé aux chefs de mudjahidins.

— Je vous remercie, dit Malko. Maintenant, je crois que je vais me reposer, réfléchir un peu, afin de voir s’il n’y à pas autre chose à tenter…

Sayed Gui posa ses lunettes, le front barré de plusieurs grandes rides.

— Je suis très inquiet, avoua-t-il. Les « shuravis » ont sûrement un plan. Mais que pouvons-nous faire, maintenant ?

Malko lui tendit la main avec un sourire encourageant.

— Prier Allah !

L’Afghan le suivit des yeux, tandis qu’il sortait de son bureau, se demandant s’il plaisantait ou non.

* * *

Meili entrouvrit sa porte, puis l’ouvrit largement en reconnaissant Malko, tandis que son visage s’illuminait.

— Quelle bonne surprise…

— Je peux entrer ?

Elle s’inclina moqueusement devant lui. À peine dans la chambre, Malko alla vers la penderie, écarta les vêtements, un par un. Presque tout de suite, il tomba sur un tchador noir qu’il sortit et montra à Meili :