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— C’est celui-ci que vous portiez, dans le souk des bijoutiers ?

La Chinoise ne répondit pas tout de suite. Ses prunelles s’étaient brusquement agrandies sous le coup de l’émotion. Elle souffla d’une voix imperceptible :

— Oui.

— Comment étiez-vous au courant du rendez-vous ?

— Nous savons ce qui se passe chez Sayed Gui, dit-elle. Nous y possédons des informateurs.

Elle parlait d’une voix calme, contrôlée et son regard avait perdu toute sa joie de vivre. Malko plongea ses yeux dorés dans les siens. C’était la question de confiance. Celle qui allait décider de tout.

— Vous êtes armée ?

Elle hocha affirmativement la tête.

— Quoi ? insista-t-il.

Fouillant dans son sac, elle en sortit un stylo-pistolet semblable à celui qui avait servi à tuer Sholam Nabi.

— Vous l’avez acheté où ?

— Ici, dit-elle, dans le bazar, pour deux cents roupies. Mais je ne l’ai pas dit à mon Responsable. C’était plutôt pour m’amuser. Le vendeur m’a donné une boîte de cartouches avec. J’en ai perdu une partie, parce qu’elle s’est ouverte dans mon sac.

— Je vous remercie, dit Malko. Je ne vous demanderai pas pour qui vous travaillez. Mais plutôt pourquoi vous êtes à Peshawar.

Pour la première fois, depuis le début de cette conversation, Meili eut un faible sourire.

— Pour la même raison que vous, ou presque. Nous sommes très inquiets au sujet de cette conférence. Nous craignons que les autres tentent un coup d’éclat. Ce serait très mauvais et pourrait ruiner les efforts de plusieurs mois.

Elle récitait presque. Malko dissimula son soulagement. Un autre petit morceau venait de s’ajouter au puzzle. Secrètement, il en était heureux. Mais il restait beaucoup à faire.

— Bien, dit-il. Je vous remercie de votre coopération.

Elle le laissa partir, avec pourtant, au fond des yeux, quelque chose qui ressemblait à de la tristesse.

* * *

Les chauffeurs pakistanais semblaient être en train de s’entraîner pour les 24 heures du Mans, et considéraient visiblement la présence de tout autre véhicule sur la chaussée comme une offense personnelle… Malko passait son temps à donner de brusques coups de volant qui l’expédiaient pratiquement dans le fossé, afin d’éviter une collision frontale. Au bout d’une heure, il avait épuisé toutes ses prières, en anglais et en allemand. Tandis qu’il slalomait entre les camions multicolores et les bus, il se dit qu’il était peut-être sur le point de découvrir le secret de Bruce Kearland.

Fred Hall regarda le corps gracile de Nasira étendue à côté de lui, cherchant vainement dans sa tête un fantasme bien excitant. Il avait beau faire, lui qui s’enflammait à la seule vue de la jeune, femme, n’arrivait même pas ce soir à lui rendre un modeste hommage. De guerre lasse, elle avais mis une cassette dans l’Akaï couplé à la télé et ils suivaient distraitement le film. L’Américain essayait de chasser de son esprit des pensées dérangeantes, qui peu à peu, obscurcissaient tout le reste.

— Tu es fatigué ? demanda tendrement Nasira, effleurant sa poitrine de sa bouche.

D’habitude, ce genre de caresse le rendait fou. Cela ne lui fit absolument rien. Il n’avait plus qu’une idée : se retrouver seul ! Comme si Nasira l’avait senti, elle se releva et dit :

— Ce n’est rien, mon chéri ! Tu travailles trop. Demain ça ira mieux.

Fred Hall lui fut infiniment reconnaissant de sa compréhension. Il se rhabilla avec une rapidité digne d’éloge et sauta sur le téléphone pour appeler un taxi tandis que sa maîtresse s’éclipsait discrètement dans la salle de bains. Par miracle le véhicule fut là en cinq minutes. Nasira et Fred Hall s’embrassèrent hâtivement et elle referma la grille.

Dès qu’elle fut seule, elle alla dans la salle de bains et commença par laver soigneusement le cocktail de crème dont elle s’enduisait le vagin avant chaque visite de son amant, afin qu’il ne doute jamais de ses sentiments à son égard. Puis, elle se rhabilla rapidement et composa un numéro de téléphone.

— Room 312, please.

Elle laissa longuement sonner puis raccrocha et appela le long distance. Au bout de dix minutes, une opératrice consentit à lui répondre.

— Je voudrais un numéro à Islamabad.

— Attente indéterminée, annonça l’autre d’une voix indifférente.

— Merci, j’annule.

Nasira Fadool raccrocha. Il ne lui restait plus qu’une solution. La vieille Volkswagen verte. Cette fois, la course contre la montre n’était pas à son avantage.

Chapitre XVIII

Malko donna un brusque coup de volant pour éviter un camion pointillé d’ampoules multicolores en train de doubler un bus, complètement sur sa gauche. Ses roues mordirent sur le bas-côté et, pendant quelques secondes, il crut perdre le contrôle de la Buick, le volant sautant entre ses mains comme un animal rétif. Le picotement de la peur courant sur les doigts, il réussit à reprendre le contrôle du véhicule enfin. De nuit, la circulation sur la route Peshawar-Islamabad était presque aussi intense que de jour. Avec, en prime, les charrettes, les ânes et les piétons. Il venait de franchir le grand pont sur l’Indus et avait encore les deux tiers du chemin à parcourir.

Chaque kilomètre augmentait sa tension nerveuse. Il était persuadé maintenant que l’hypothèse qu’il avait échafaudée était la bonne. Et qu’il touchait donc au but.

Il essayait de se maintenir à 130, le maximum possible entre la chaussée défoncée et la circulation. Deux heures à peine s’étaient écoulées lorsqu’il aperçut le panneau indiquant Rawalpindi-Islamabad. Les deux villes jumelles s’étendaient sur des kilomètres, dans une plaine plate comme la main, coupée des méandres de la Soan River. Se fiant à son excellent sens de l’orientation et à l’étude de sa carte, il se retrouva sur le Mail, à Rawalpindi, passa devant l’Intercontinental et prit Airport Road, l’aéroport se trouvant juste entre les deux villes. Il y avait très peu de circulation et pratiquement pas de piétons.

Finalement, il aboutit dans une interminable avenue rectiligne bordée surtout de terrains vagues, avec un building de temps à autre qui l’amena droit au « point zéro », le centre géographique d’Islamabad. Par chance, deux motards pakistanais veillaient sur le carrefour, appuyés sur leurs Honda blanches et ils le renseignèrent. Miracle, ils parlaient anglais.

— Vous allez au bout de Kyaban-E-Sunrawardi, expliqua l’un d’eux. Ensuite, à gauche, dans la troisième avenue et la première rue à gauche encore. La maison que vous cherchez doit se trouver à côté de l’ambassade de Jordanie.

Il repartit. La capitale administrative du Pakistan ressemblait à un grand parc coupé d’immenses avenues rectilignes, bordées parfois d’un bâtiment futuriste, et la plupart du temps, vierges de toutes constructions. Une sorte de Brasilia inachevé. La ville était découpée en blocs avec des lettres et des numéros, comme un camp… À chaque carrefour, d’innombrables panneaux indiquaient les noms des gens habitant dans la rue. Dès qu’il entra dans le quartier résidentiel, il ne vit plus personne. C’étaient des alignements de villas perdues dans la verdure, la plupart du temps, sans numéro, ni nom. Allah devait être particulièrement bien disposé à son égard, car il finit par trouver l’ambassade de Jordanie grâce au drapeau flottant sous le clair de lune et aux deux sentinelles dans le jardin. À côté se trouvait une villa blanche entourée d’un petit jardin. Et miracle, il y avait un numéro bien apparent : 66.