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Gestes saccadés, approximatifs. Légers tremblements.

— Paraît qu’elle s’est suicidée à cause d’un mec ! ajouta Guintoli.

— T’appelle ça un mec ? rétorqua Lavessières. D’abord, il fait fuir sa gonzesse et ensuite, il tue une gamine !

Vincent ferma les yeux. Dégoût dans ses entrailles, furieuse envie de frapper. De tuer, même.

Peut-être bien que je suis un assassin, après tout…

— Moi, je crois qu’elle a pas supporté la déception ! renchérit Guintoli. Parce qu’il l’a vraiment trop mal baisée !

— T’as raison ! enchaîna Lavessières en riant. C’est déjà pour ça que sa femme s’est tirée !

Vincent fonça droit sur lui ; regard noyé dans l’alcool, la haine. Il attrapa son ennemi juré par le col de son blouson, le décolla de sa chaise avant de lui asséner un coup de tête retentissant. Lavessières atterrit sur une table qui se brisa sous son poids. Portal et Guintoli se jetèrent alors sur le guide tandis que Bertille s’égosillait.

— Arrêtez ça ! Arrêtez de vous battre !

Mais les coups continuaient à pleuvoir avec toujours plus de brutalité et elle courut à son téléphone pour appeler la gendarmerie, située à une centaine de mètres à peine.

Vincent encaissait les chocs sans même s’en rendre compte. Les rendait avec plus de hargne encore.

Jusqu’à ce qu’il n’ait plus personne sur qui taper.

Ennemis à terre. Vainqueur par K.-O.

Le guide resta hébété quelques instants puis tituba jusqu’au comptoir. Il récupéra le petit morceau de papier. Ses poings étaient en sang, eux aussi.

Bertille le considérait avec une sorte d’étonnement craintif et il prit la direction de la sortie au moment où les gendarmes surgissaient dans le bar, Servane en tête.

* * *

— Foutez-le en cellule de dégrisement ! ordonna Vertoli. Et dites au toubib de passer !

Matthieu et Servane s’approchèrent prudemment de Vincent qui ne montrait pourtant aucune agressivité. Mais l’image des trois blessés dans le bar les incitait à la circonspection. Ils l’accompagnèrent jusqu’à la cage, située au sous-sol.

— Le médecin arrive, dès qu’il aura quitté le bar, assura Servane d’un ton désolé.

— Allez viens, conseilla Matthieu. Laisse-le dessaouler !

— Non, je partirai lorsque le docteur sera là…

— Hors de question ! Tu ne restes pas seule avec lui !

— T’en fais pas…

Matthieu haussa les épaules avant de remonter vers les étages civilisés. Servane aida Vincent à s’allonger sur le banc et à enlever son blouson, qu’elle roula en boule sous sa nuque. Puis elle prit un mouchoir et essuya le sang qui maculait son visage.

— Ça va ? s’inquiéta-t-elle. Vous avez une belle entaille sur le front…

— Mal à la tronche ! avoua-t-il d’une voix à peine audible.

— Je ne peux pas vous donner d’aspirine sans l’accord du médecin… Vous y êtes pas allé de main morte avec ces trois connards !

— Je sais pas… Je les ai tués ?

— Non, Dieu merci ! Lavessières est parti pour l’hosto et les autres sont avec le toubib… Pourquoi vous avez fait ça, Vincent ?

Ses paupières se fermèrent lentement.

— Vincent ?

— Je suis bourré, ça se voit pas ?

— C’est à cause de Myriam ?

Il rouvrit les yeux, étincelants de colère.

— Tout le monde est au courant, c’est ça ?

— Ben… Quand Michèle Albertini nous a appelés, elle a hurlé à tue-tête que c’était pour vous que Myriam s’était foutue en l’air. Je crois que tout le village a entendu… Elle était complètement traumatisée, on n’a pas pu l’empêcher…

— Et vous ? Vous pensez que c’est à cause de moi qu’elle est morte ?

— C’est elle qui est venue chez vous hier soir… Je me trompe ?

— Non… C’était bien elle. Et je lui ai dit des choses horribles…

— Pourquoi ?

— Parce que je ne voulais plus la voir… Parce que… Parce que c’est toujours comme ça… Je suis un salaud, c’est tout.

— Vous croyez qu’elle était amoureuse de vous ?

— Je sais pas, peut-être… Oui.

— Et vous ne supportez pas qu’on vous aime, Vincent ?

Cette fois, il tourna la tête vers le mur. Alors Servane regretta d’avoir été aussi directe. D’avoir posé son doigt juste sur la blessure.

— Laissez-moi seul, putain… ! Laissez-moi, s’il vous plaît…

Elle s’éloigna un peu, restant derrière les grilles. Elle crut à cet instant qu’il allait se mettre à pleurer, mais il n’en fit rien.

* * *

— Tu t’es luxé un poignet ! annonça le docteur Humbert en rangeant ses instruments de torture dans une grande mallette en cuir. Faudra que tu descendes faire une radio des côtes. Tu vas prendre ces deux aspirines, ça va te soulager… Mademoiselle ?

Servane s’approcha avec un grand verre d’eau, Vincent se rassit avec difficulté.

— Vous seriez bien inspirée de lui préparer un café serré ! ajouta le médecin.

— D’accord, docteur. Je m’en charge…

Elle remonta vers la surface, Vincent enfila sa chemise avec des gestes encore mal synchronisés. Se demandant pourquoi les boutons n’étaient soudain plus en face des boutonnières.

— Qu’est-ce qui t’a pris ? demanda le docteur sur le ton de la confidence.

— L’interrogatoire, c’est pour tout à l’heure. Merci d’être venu.

— Ça va, je m’en vais… Passe me voir quand tu sortiras.

Humbert s’éclipsa et Matthieu referma les grilles. Vincent, de nouveau allongé dans cette sombre quarantaine, tenta de reprendre ses esprits. Mais tout était si nébuleux… Orgie d’images et de bruits, mélangés dans une brume tenace. Il était encore sous le joug de l’alcool et lorsque Servane lui présenta une grande tasse de café brûlant, il fit la grimace.

— Buvez ! ordonna-t-elle.

Il soupira et consentit à avaler deux gorgées.

— Putain ! Il est dégueulasse !

— Un peu fort, mais c’est ce qu’il vous faut…

Elle s’assit à ses côtés, lui proposa une cigarette. Il accepta sans se faire prier et parvint à vider le contenu de sa tasse.

— Avec un café comme ça, aucun mec ne voudra jamais vous épouser !

— Je vois que vous allez mieux ! Il n’est peut-être pas bon, mais il est efficace…

— Capable de réveiller un macchabée, vous voulez dire !

À cet instant, ils pensèrent tous les deux à Myriam, semblèrent se recueillir un instant.

— Vous savez, murmura Servane, elle en était à sa troisième tentative…

Il la fixa avec étonnement.

— Vous la connaissiez ?

— Pas du tout. Mais il a fallu que je prévienne ses proches, ce matin… Le chef a voulu que ce soit moi qui le fasse… Il a dit qu’une femme s’en sortirait mieux.

Vincent imagina la difficulté de la tâche et considéra Servane avec compassion.

— J’ai parlé au moins une demi-heure avec sa grand-mère. C’est elle qui l’a élevée. Et c’est elle qui m’a appris qu’elle avait déjà… Elle était suicidaire.

— Vous essayez de me soulager ? C’est généreux de votre part, mais…

— Je n’essaie rien du tout, rectifia-t-elle sèchement. Je vous dis juste la vérité. Cette fille avait de gros problèmes de personnalité. Elle avait fait plusieurs séjours en hôpital psy… D’après sa grand-mère, elle a été abandonnée par son père à la naissance et sa mère s’en est rapidement désintéressée. Ça explique peut-être son geste…