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Le 15 juin à 17 h 30 : Pierre ! J’ai vu l’instit toute seule et je t’attends encore ! Qu’est-ce qui t’arrive ? Rappelle-moi !

Nadia n’écoutait plus ; subissant seulement les coups de butoir dans sa poitrine.

Fracas assourdissant.

Vendredi 15 juin à 18 heures : Pierre, c’est Baptiste. On n’arrive pas à te joindre à la radio et Nadia m’a dit que tu avais raté le rendez-vous à l’école. Qu’est-ce qui se passe, vieux ? On est inquiets, alors tu nous rappelles…

* * *

Servane fermait la marche, les jambes lourdes.

Finalement, la descente c’est encore plus éprouvant que la montée !

Devant, Vincent cheminait à côté de la jeune femme BCBG. Elle l’avait accaparé durant toute la randonnée, visiblement sous le charme. Tout ça au nez et à la barbe de son mari.

Elle a peur de rien ! Et l’autre crétin, il est aveugle ou quoi ?

Ils arrivèrent au col d’Allos vers 17 heures alors que le ciel s’était dangereusement couvert. Encore un soir d’orage en perspective. Les randonneurs déposèrent leurs sacs, soufflant un peu. Tout le monde était fatigué, à part Vincent qui semblait aussi frais que le matin.

— Voilà, dit-il. Vous avez vaincu le Grand Cheval de Bois ! Ça vous a plu ?

— Oh oui ! Beaucoup ! répondit Mme Machin Chose. C’était super ! On reviendra, n’est-ce pas, chéri ?

— Bien sûr ! acquiesça le mari. On s’inscrira pour la Grande Séolane ou le Cimet !

— Et vous ? demanda Vincent en se tournant vers le deuxième couple.

— C’était parfait ! répondit l’homme avec son charmant accent marseillais. Merci pour cette journée…

Et moi, il ne me demande pas si ça m’a plu ? songea Servane en vidant le contenu de sa gourde.

Vincent serra la main aux quatre clients et ouvrit les portières du pick-up. Servane s’installa sur le siège passager, ils regardèrent s’éloigner la Mercedes des Niçois.

— C’était super ! On reviendra, n’est-ce pas, chéri ? ricana Servane avec une voix haut perchée.

Vincent se contenta de sourire et mit le contact.

— Vous avez passé une bonne journée, monsieur Lapaz ? continua-t-elle d’un ton sarcastique.

— Excellente ! Et vous, brigadier ?

— Géniale ! Je me demande seulement pourquoi ce mec ne vous a pas cassé la gueule, mais à part ça, c’était une super-balade !

— Qu’est-ce qui vous arrive, brigadier ? Vous avez un problème ? contre-attaqua Vincent sans quitter la route des yeux.

— Non, aucun. Et cessez de m’appeler brigadier !

— Oh ! Vous avez l’air très énervée ! Je me trompe ?

— Non, je ne suis pas énervée ! riposta Servane. Simplement étonnée de voir que vous avez osé draguer cette nana toute la journée sous les yeux de son mari…

— C’est ça qui vous met dans cet état ? D’abord, c’est elle qui m’a dragué et non l’inverse…

— En tout cas, vous vous êtes laissé faire !

— Pourquoi pas ! Elle est plutôt mignonne, non ?

— Bof, pas terrible…

— Alors là, vous êtes de mauvaise foi, brigadier !

Il extirpa un petit morceau de papier de la poche de son pantalon, le tendit à sa passagère. Nathalie : 06.20.22.30.15.

— Ah d’accord ! s’exclama Servane. En plus, vous allez vous la faire !

— Ne soyez pas vulgaire, brigadier ! Ça vous va très mal…

— Arrêtez de m’appeler brigadier !… Et le mari ?

— Quoi, le mari ?

— Vous vous en foutez de lui, n’est-ce pas ?

— Totalement ! avoua-t-il en riant. Il n’a qu’à surveiller sa femme ! Ou lui donner ce qu’elle veut…

Servane leva les yeux au ciel.

— C’est compris dans le prix ?

— Pardon ?

— C’est une prestation comprise dans le prix de la randonnée ou c’est en supplément ? répéta Servane d’un ton cinglant.

— Pourquoi ? Ça vous intéresse ?

Merde ! Elle était dans une situation délicate.

— Pas le moins du monde !

— Vraiment ? Alors pourquoi vous me faites une scène ?

— Une scène, moi ? Vous rêvez ! Je vous dis simplement ce que je pense de votre comportement, c’est tout !

— Mon comportement ne regarde que moi, répondit calmement Vincent. Et je crois que si vous réagissez ainsi, ce n’est pas simplement à cause du mari…

Il la toisa de la tête aux pieds avec un sourire particulièrement odieux.

— Fallait me le dire, Servane… J’aurais peut-être pu faire quelque chose pour vous ! Même si je ne suis pas particulièrement attiré par les femmes en uniforme…

— Arrêtez-vous ! ordonna-t-elle soudain. Arrêtez cette putain de voiture !

— Du calme, brigadier !

— Arrêtez-vous ! hurla-t-elle.

Il braqua le volant et stoppa à l’entrée de la station, au pied d’une remontée mécanique. Il tourna la tête vers Servane. Lance-flammes à la place des yeux.

— Vous êtes vraiment un gros con ! Vous n’avez rien compris !

— Vu votre attitude, je crois au contraire que j’ai tout compris !

— Je n’ai jamais eu envie de coucher avec vous ! Et ça ne risque pas d’arriver ! Vous pensez que toutes les femmes sont à vos pieds ? Vous êtes suffisant, vous êtes méprisant, vous êtes… Vous n’êtes qu’un pauvre type !

Deux fois dans la même journée. Ça devenait dur à encaisser.

Elle bondit hors du 4 x 4, en claqua violemment la portière.

— Vous comptez redescendre à pied, brigadier ? lança Vincent d’un air détaché.

— Allez vous faire foutre !

Il soupira tandis que Servane récupérait ses affaires dans la benne du Toyota. Puis, d’un pas décidé, elle commença à marcher à gauche de la route. Il fit quelques mètres, s’arrêta à sa hauteur et baissa la vitre.

— Allez, Servane, montez ! Vous êtes ridicule !

— Barrez-vous ! Foutez-moi la paix !

Elle traversa brusquement devant lui et il pila. Puis elle coupa à travers un terrain vague.

— Et puis merde à la fin ! Vous avez qu’à vous débrouiller toute seule !

Il accéléra et quitta la station sans même se retourner.

* * *

Servane, assise sous l’abribus, attendait patiemment le passage d’une hypothétique navette.

Magnifique début de soirée ! Mal aux pieds, aux jambes, et terriblement soif. Mais sa gourde était vide et elle avait en poche de quoi payer le trajet jusqu’à Allos. Pas plus. Elle avait pensé parcourir les sept kilomètres qui la séparaient du village à pied, mais la pluie qui avait commencé à tomber et ses courbatures l’en avaient dissuadée.

Une colère sourde oscillait dans sa tête et elle pestait en silence contre Vincent.

Mais aussi, pourquoi je me suis mêlée de ce qui ne me regardait pas ? Après tout, il peut bien se taper cette nana, j’m’en fous !

Elle entendit le ronflement d’un moteur, releva les yeux et aperçut le pick-up qui montait vers elle.

Et merde…

Vincent la rejoignit sur le petit banc en plastique, elle tourna la tête de l’autre côté.

— Vous êtes calmée ?

Elle ne répondit pas, fixant obstinément la chaussée détrempée où aucun bus ne semblait vouloir passer.

— Servane, vous m’entendez ?

— Qu’est-ce que vous voulez ?

— Je n’ai pas pour habitude d’abandonner mes clients sur le bord de la route ! Si vous voulez bien vous donner la peine de faire dix mètres à pied, je me ferai un plaisir de vous raccompagner jusqu’à Allos…