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— En fait, je sais que Gali te manque et en voyant ce chien, je me suis dit qu’il serait heureux ici…

Ils jetèrent un œil au berger qui dormait sur une couverture jetée devant la cheminée.

— J’arrive pas à croire que ce gros con de Portal nous surveille, dit brusquement Vincent.

— Le maire doit vraiment avoir les jetons !

— Ouais ! Et je me demande ce qu’il a à cacher…

— Ce que je ne comprends pas, enchaîna Servane, c’est pourquoi il aurait tué Pierre s’il lui avait filé de l’argent.

— Attends ! On ne sait rien encore sur la provenance de cette somme…

— C’est vrai, admit-elle. Mais bon, le doute est permis.

— Pierre corrompu ! ajouta tristement Vincent. J’ai tellement de mal à l’imaginer…

Il repensa à son ami, son regard se troubla. Tellement d’années auprès de lui et ce vide immense. Comme un gouffre ouvert sous ses pieds.

— Il me manque, murmura Vincent. C’était… Il était mon seul véritable ami… Et quoi qu’il ait pu faire, je le regretterai toujours.

— Je comprends. Vous ne vous êtes jamais éloignés l’un de l’autre ?

— Jamais, non… On trouvait toujours le moyen de se voir… Quand on était gamins, on faisait toutes les conneries ensemble ! Et après, quand on a grandi, on partageait tout… On se racontait nos déboires amoureux ! On se battait pour les mêmes filles…

Vincent s’arrêta de parler. Il ressemblait soudain à une statue de pierre.

— Bon sang ! s’écria-t-il en se levant. J’aurais dû y penser avant !

— De quoi tu parles ?

— Pendant des années, on s’est servis d’une planque pour échanger des messages ou des objets ! On était des gosses, mais je sais que Pierre ne l’avait pas oublié !… Il a peut-être laissé quelque chose pour moi là-bas !

— Tu crois ? Mais s’il avait voulu que tu saches, il serait venu te parler…

— Pas forcément !

— Et où est cette cache ?

— Aux cabanes de Talon…

— C’est tout près de l’endroit où Pierre est tombé, non ?

— Pas très loin, en effet… Je vais y aller.

— Maintenant ?! s’écria Servane. Mais il fait nuit noire !

— C’est pas un problème !

— Vincent, si Pierre a mis quelque chose dans cette planque, c’était il y a deux mois. Alors ça peut bien attendre demain matin…

Il hésita un instant, consentit finalement à se rasseoir.

— T’as raison. J’irai demain soir, après ma course.

— Je peux t’accompagner ?

— Si tu veux… Je finis la rando vers 16 h 30, je te récupère à la caserne aux environs de 17 heures.

Vincent était nerveux. Il allait encore passer une mauvaise nuit. À force de tirer sur la corde, il finirait par manquer de vigilance. Et avec son métier, cela pouvait conduire à l’accident. Servane sentit la tension qui habitait son ami et elle lui prit la main. Ce simple geste sembla le troubler plus qu’il ne le rassura.

— Je vais y aller, dit-elle.

— Je te raccompagne…

— Non, va te reposer, je peux rentrer seule.

— Hors de question ! D’ailleurs, tu vas monter dans ma voiture…

— Et la mienne ?

— Tu la récupéreras demain soir ! De toute façon, tu travailles, tu n’auras pas besoin de ta caisse demain…

Ils enfilèrent un pull et abandonnèrent Sherlock qui dormait profondément. Une pluie fine et froide les attendait dehors, Servane se mit à grelotter. Vincent poussa le chauffage à fond dans le pick-up tandis qu’il s’enfonçait dans la forêt. Impressionnante par cette nuit sans lune.

— J’ai passé une très bonne soirée ! dit soudain le guide. Merci beaucoup.

— Moi aussi j’ai passé une belle soirée !… Sauf que j’ai pas vu l’essentiel !

— Fais pas la maligne ! Sinon je m’arrête et…

— Et quoi, tu me le montres ? Tu parles ! Il fait bien trop froid !

Il réfléchit quelques secondes et posa une question qui lui brûlait les lèvres depuis longtemps.

— Tu as déjà fait l’amour avec un homme ?

Il fixait la route, n’osant même pas la regarder. Il ne vit pas qu’elle souriait.

— Évidemment ! répondit-elle.

Cette fois, il tourna la tête. Elle ne semblait même pas mal à l’aise.

— Je dois te paraître con avec mes questions ! s’excusat-il.

— Non, c’est normal ! Tu veux tout savoir sur la bizarrerie de la nature assise à côté de toi ! Sur le phénomène…

Vincent appuya brutalement sur la pédale de frein et Servane, qui n’avait pas attaché sa ceinture, fut violemment projetée vers l’avant.

— Hé ! Ça va pas ou quoi ? J’ai failli me manger le pare-brise !

— Ne dis plus jamais ça ! ordonna le guide d’une voix tranchante.

— Ça va, je plaisantais…

— Non, tu ne plaisantais pas… Et je te trouve odieuse avec toi-même. Tu n’es pas un phénomène ou une bizarrerie et je ne l’ai jamais pensé.

— OK, Vincent, t’énerve pas… C’est pas facile pour moi d’évoquer ça… Avant, j’en parlais jamais… Alors j’ai tendance à cacher mon malaise en disant des conneries.

Il sembla se calmer un peu et redémarra.

— Tu ne dois pas te rabaisser de la sorte, continua-t-il.

— Disons que beaucoup de gens m’ont traitée ainsi et… D’accord, je t’ai choqué, j’en suis navrée… Mais on va pas se gâcher la soirée pour ça, non ?

Il quitta la piste pour s’engager sur la route. Servane n’osait plus parler tandis que Vincent regrettait d’avoir été aussi direct.

— Excuse-moi, dit-il. C’est ma faute, avec mes questions débiles…

— Pas grave, c’est déjà oublié… Et puis pour qu’on ne revienne pas sur le sujet, je réponds à ta question : oui, j’ai déjà couché avec un mec… J’ai même fait plusieurs essais… Et chaque fois, ça a été… comment dire ?… un fiasco.

Il pensa soudain aux espoirs qu’il avait nourris en début de soirée. Espoirs mort-nés. C’était toujours comme ça, avec Servane : moments de bonheur, d’euphorie, de complicité. Et juste après, déception assurée.

Tout ça parce qu’il l’aimait. Vraiment. Qu’il avait envie d’elle chaque fois qu’il la voyait et même quand il ne la voyait pas. Qu’il était triste quand elle s’éloignait, qu’elle lui manquait dès qu’elle passait la porte.

Tout ça parce qu’il était tombé amoureux d’une femme qu’il ne pourrait jamais toucher. Elle serait toujours immaculée à ses yeux. C’était peut-être ça qui la rendait si attirante. Peut-être pas. Comment expliquer l’amour ?

Sentiment obscur et impérieux. Tellement imprévisible.

Perdu dans les méandres douloureux de ses pensées, Vincent ne remarqua pas que Servane l’observait d’une façon étrange ; mille questions dans son regard.

La caserne apparut et le pick-up se gara en bas de l’Edelweiss.

— Voilà, tu es chez toi.

— Merci, Vincent… Tu m’en veux ?

— Non… Bien sûr que non !

En jetant un œil alentour, Vincent remarqua qu’une ombre les épiait derrière les rideaux d’une fenêtre au rez-de-chaussée.

— Embrasse-moi, Servane, murmura-t-il.

— …

— Il y a quelqu’un qui nous regarde… Alors embrasse-moi.

Servane voulut savoir qui les espionnait mais n’en eut pas le temps. Déjà, Vincent l’avait attirée contre lui. Il la serrait enfin dans ses bras, sentit qu’elle se crispait puis se détendait.

Sensations noyées dans un incroyable plaisir. Tout cela le temps d’un simple baiser.