Le 27 janvier, alors que la première du Voyage sur la Lune est prévue pour le 29, s’apercevant que ses chansons s’y intègrent mal, il demande l’annulation du spectacle, à ses frais. Fin de sa liaison avec Sylvie et début d’une autre avec Monique, avec laquelle il s’installe à Genève-Cointrin (mars), le temps d’obtenir sa licence PP-IFR 4 de pilote professionnel (17 avril). Achète son quatrième avion et premier bimoteur, un Beechcraft Baron B55. En juin, commence à tourner Mont-Dragon (Jean Valère). « Il y a des chansons que j’ai dessinées avant de les écrire. Bruxelles, je l’ai dessinée, avec des petits personnages. J’aime bien quand, d’une masse de personnages, il y en a un qui se dégage. J’aime bien procéder comme au cinéma. »
1971
Signe le 3 mars un « contrat à vie » avec Eddie Barclay (en fait, deux contrats de trente-trois ans) ; en mai sort son cinquième film comme comédien, Les Assassins de l’ordre de Marcel Carné ; en juin tourne son premier film comme réalisateur, Franz (avec Barbara). À la Guadeloupe, rencontre Maddly Bamy (17 novembre) et Lino Ventura sur le tournage de L’aventure c’est l’aventure, de Claude Lelouch, et début d’une liaison (d’abord intermittente) avec Maddly (elle a vingt-huit ans, lui quarante-deux). « Je crois que, dans la vie, il y a une seule chose d’important, c’est pour qui on fait quelque chose. Parce que le pourquoi, je ne le saurai jamais. »
1972
Assiste à New York au gala des cinq ans de Jacques Brel Is Alive and Well and Living in Paris (janvier) ; première de Franz à Bruxelles (1er mars) ; tourne Le Bar de la Fourche d’Alain Levent (juin) et réenregistre un album d’anciennes chansons (sortie en octobre) ; réalise en Belgique Le Far West, son second film (août-septembre). « Quand on invente quelque chose, on est une aspirine. […] Et si tu peux être une aspirine pour les autres, le temps d’une chanson, d’un film, et qu’ils ne pensent plus au truc qui les ronge à longueur de vie, c’est bien. C’est du rêve artificiel, en fait. C’est ça que j’ai essayé de faire. C’est une forme de médecine. »
1973
Rédige son testament en faisant de Thérèse Michielsen sa légataire universelle (7 janvier). Invite avec Maddly ses amis proches, à bord d’un Lear Jet, à un voyage en Guadeloupe qui se transforme en véritable périple (mai). « Radioscopie » avec Jacques Chancel (France Inter) depuis le festival de Cannes où, le soir même, Le Far West est projeté à la presse (21 mai). S’installe chez Maddly à Paris : « Quand mon film Le Far West a merdé, ça m’a fichu un coup au moral et Maddly épongeait les mouchoirs. J’ai commencé à la regarder autrement. Elle savait écouter, consoler, en étant douce et tendre. Elle me faisait du bien et ne me compliquait pas la vie. » Tourne son dernier film, L’Emmerdeur (Molinaro), avec Lino Ventura (juin). Embarque en Méditerranée sur un voilier école, Le Korrig (escale à Las Palmas, où il rencontre un compatriote, Vic, qui navigue sur Le Kalais), puis traversée de l’Atlantique (fin novembre) jusqu’à La Barbade (Noël et jour de l’an aux Grenadines). « L’homme est un nomade. Il est fait pour se promener, pour aller voir de l’autre côté de la colline. »
1974
S’installe chez Miche à Bruxelles (fin janvier) et se met en quête d’un bateau ; achète à Anvers un voilier de dix-huit mètres et quarante-deux tonnes, l’Askoy II, sur lequel il veut faire le tour du monde (28 février). Enregistre une nouvelle version de Ne me quitte pas (fin mai-début juin) pour l’adaptation à l’écran (par le Québécois Denis Héroux) de Jacques Brel Is Alive and Well and Living in Paris (sortie à Paris le 28 janvier 1976). S’inscrit en mars à l’École royale de la Marine, à Ostende, et obtient le 1er juillet son brevet de yachtman. Appareille d’Anvers sur l’Askoy avec Maddly, sa fille France et deux hommes d’équipage (24 juillet). Aux Açores (où ses matelots quittent le bord), il apprend que Jojo est mort la veille (1er septembre) ; regagne la France pour assister aux obsèques (7 septembre)… et revoir Monique à Menton. De retour sur l’Askoy, en escale à Ténériffe, il tombe brusquement malade (20 octobre). Hospitalisé d’abord à Genève, où l’on décèle une tumeur au poumon, il est opéré quelques semaines plus tard à Bruxelles (16 novembre).
Après une brève convalescence, il regagne les Canaries le 22 décembre où, le 24, voyant accoster Om, le bateau de son confrère Antoine, il invite celui-ci à passer sur l’Askoy le réveillon de Noël : « Le dîner, très familial (nous sommes quatre), écrira Antoine [cf. Le Hérisson n° 1504, 13–19 février 1975], se déroule comme un enchantement : foie gras et vins fins de France. Il fait un grand numéro, rit, joue… […] Et c’est sous un ciel paisible que nous sortons sur le pont, saluer les bateaux voisins, lorsque vient minuit. […] Mais tous les rêves s’envolent. Celui-ci était si beau qu’il faut qu’il finisse vite. […] Jacques Brel me confie un tas de choses que je ne vous raconterai pas, car Jacques Brel ne reçoit pas les journalistes, aime qu’on le laisse tranquille, et je m’en voudrais de dévoiler ses secrets. » Le 30, l’Askoy appareille pour les Antilles avec France et Maddly pour unique équipage.
1975
Mouillage à Fort-de-France (26 janvier), où sa fille débarque, et cabotage dans les Antilles, avant de gagner Caracas (puis Bruxelles en avion, le temps d’un contrôle médical) et le canal de Panamá ; resté seul avec Maddly, il entame la traversée du Pacifique (22 septembre). « Il faut être imprudent, il faut être fou ! L’homme n’est pas fait pour rester figé. Il faut arriver par discipline à n’avoir que des tentations relativement nobles. Et, à ce moment-là, il est urgent d’y succomber. Même si c’est dangereux, même si c’est impossible… Surtout si c’est impossible ! » Le 19 novembre, l’Askoy jette l’ancre dans la baie d’Atuona à Hiva Oa, dans l’archipel des Marquises.
1976
Abandonnant son idée de tour du monde, il loue une petite maison à Atuona, où il nourrit nombre de projets. Se remet à écrire de nouvelles chansons. « Il y a quinze ou vingt ans, j’étais contestataire, j’étais considéré comme fou, même par les universitaires. La contestation est aujourd’hui entrée dans les mœurs. Maintenant, il va falloir poétiser les choses… » Repasse durant l’automne sa qualification de pilote à Tahiti (où il invite Charley Marouani et Henri Salvador) puis, juste avant de vendre l’Askoy (décembre), s’achète un nouveau bimoteur (novembre), qu’il baptise Jojo… « Et je pense à Jojo qui devrait être avec moi et dont je cherche vainement le rire et le désespoir tranquille, écrit-il à Miche. Et je pense à ma vie qui fut plus folle encore que mes rêves les plus fous. Dévoré que je suis par ma rage de vivre, je crois que ce fut bien ainsi quand je pense à ce poumon en moins qui veut me dévorer ! »
1977