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Il se tourna vers Bob comme pour attendre une confirmation. Celui-ci haussa les épaules.

— Tout au moins mon vieux raconte que personne sait exactement comment c’est foutu en dessous.

Jean Baez qui portait une cigarette à ses lèvres lorgna Steve.

— Mais si on creuse d’où tu dis, comme c’est dans la rue ça va déclencher un boucan terrible !…

Steve secoua la tête.

— Non, car on va se servir du procédé créé pour démolir le mur de l’Atlantique. Il s’agit de chalumeaux spéciaux. Et comme Bob est mécano dans un garage, c’est lui qui s’occupe de tout ça.

Bob regarda l’Oranais.

— Avec ce procédé le béton se détache en plaques. Comme du beurre.

— Et ça fait pas de bruit, renchérit Steve. Un seul ennui ; les lueurs sortant de la niche. Mais on voilera au-dessus de nos têtes. Et Sam sera planqué dans une camionnette à côté, pour faire le guet.

L'Oranais le contempla avant de grimacer :

— Turbiner comme ça en pleine rue, c’est plutôt risqué, non ? Même à 2,3 heures du matin c’est risqué. Décidément j’aimerais mieux un braquage. Ça serait plus vite enlevé.

— Et plus vite loupé, critiqua Steve. Non, mon vieux, abandonne l’idée d’un hold-up, c’est pas faisable. Et fais-moi confiance. On va réussir comme j’ai dit.

— Ah ! si seulement y avait des égouts dans votre bon Dieu de ville ! regretta l’Oranais.

Bob le fixa.

— C’est pas qu’il n’y en a pas. Mais on sait pas au juste où ils se trouvent. Et puis, ils sont pas comme ceux de Paris. On peut pas circuler dedans. Du moins d’après mon père.

— Ce sont pourtant pas les plaques d’égouts qui vous manquent, remarqua l’Oranais. Vos rues en sont pleines.

— C’est juste, opina Steve, se remettant à marcher. Mais en dessous y a que des câbles électriques, des jonctions téléphoniques, des conduites d’eau et de vapeur. Et comme à New York y a plusieurs compagnies privées de téléphone et autres trucs, tout ça fait un tas de plaques. Mais qui hélas ne vont pas très profond et ne mènent nulle part.

L'Oranais craqua une allumette, la laissa brûler avant de lancer, songeur :

— Ce que je pige pas c’est pourquoi on a besoin de déconnecter les signaux d’alerte vu qu’on n’attaque pas le SAFE de face, mais par en dessous. Et de l’extérieur encore.

Steve vint se pencher devant lui, mais en appui sur la table.

— Tout simplement parce que ces salauds, qui sont tout de même pas idiots, ont pensé à un truc génial. Quand on sera sous leur coffiot et qu’on aura réussi à le percer, il pénétrera un peu d’air à l’intérieur.

D’un geste calme, Sam déplaça ses petites mains à la peau tendre.

— Et alors ?

Steve se retourna vers lui.

— Et alors ? Eh bien, aussitôt que le moindre milligramme d’air pénètre dans ce putain de SAFE, il déclenche par un procédé extraordinaire une sirène d’alerte qui résonne dans le quartier.

— Vain Dieu ! jura l’Oranais.

— Comme tu dis, approuva Steve.

— C’est qu’ils sont maries ! commenta Bob, en crachant un bout d’ongle. Drôlement même.

Steve se redressa.

— Tu le serais pas marie, toi, si t’avais trente ou trente-cinq millions de dois à protéger ?

L’Oranais sursauta.

— Trente millions ? Tu veux pas dire…

Steve inclina son front dégarni.

— Si. Trente ou trente-cinq millions de dois. Voilà ce qu’il y aurait grosso modo dans les coffrets des diamantaires. Trente, trente-cinq millions. Le plus gros casse jamais réalisé au monde. Le plus sensationnel cambriolage de tous les temps.

De l’orgueil, de la haine illuminèrent ses traits creusés, firent palpiter ses narines de camé.

— Et qui va le réaliser ? Nous. Nous quatre. Je vais leur faire voir, moi, à ces salauds. Je vais leur montrer, moi, à ces fumiers si je suis un raté.

Son œil luisait, ses dents étincelaient dans un rictus. Il en oubliait les autres, ne songeait qu’à ses haines.

— Plus de trente briques, murmurait, assommé, l’Oranais qui ne le regardait plus. Plus de quinze milliards en monnaie de mon pays… Merde ! Tu m’avais jamais dit le chiffre, reprocha-t-il, relevant soudain la tête sur Steve. T’aurais pu m’affranchir avant ! Tu te rends pas compte ? Trente briques… Merde !

Steve indiqua Bob.

— Je pouvais pas t’en parler, il l’a su qu’hier. Pas vrai Bob ?

Le mécano lâcha l’ongle qu’il dévorait.

— Si, j’ai appris le chiffre par l’autre gardien… le copain de mon vieux qui est venu croûter à la maison. Paraît que trente, trente-cinq briques, c’est à peu près ce que représentent tous les jours les dépôts des bijoutiers et diamantaires du 38.

— C’est pourquoi faut pas louper ça, enchaîna Steve. Deux affaires comme celle-là, ça n’existe pas à New York. À nous de la faire craquer. Et en beauté. Mais pour y parvenir faut bien la préparer. C’est pourquoi, je veux encore repérer et encore repérer les lieux. Surtout de nuit. Je veux aussi prendre d’autres notes, descendre au fond du transfo, faire fabriquer les clefs qui ouvriront les petits coffrets. Enfin tout, quoi.

— Comment tu vas faire pour ces clefs ? s’intéressa l’Oranais.

De nouveau le doigt de Steve chercha Bob, fier d’être encore le point de mire.

— C’est toujours grâce à Bob si nous aurons les clefs. En fouillant dans le bureau de son vieux, il a dégotté une brochure de chez Holmès où sont reproduites une partie des clefs ouvrant les coffrets du 38. Avec cotes et tout et tout. Et chacune a un numéro correspondant à celui d’un coffret.

À nous de les faire faire et on paumera pas notre temps à ouvrir les coffrets au chalumeau. Ça sera toujours ça de gagné.

Les petites mains blanches de Sam se déplacèrent doucement sous la lumière.

— T’as dit une partie ? Vous les avez pas toutes ?

Steve secoua négativement la tête.

— Malheureusement, non. Celles qui ne fonctionnent qu’avec la clef jumelée du gardien sont pas décrites. Je veux dire celles qui ouvrent des coffrets à deux serrures. Mais tant pis, on s’en passera. Si on a le temps après avoir vidé les premiers, on s’occupera de ces coffrets-là au chalumeau. On verra sur place.

Il se tut. Puis les fixa tous. Longuement. Tour à tour. Même Sam dont le regard pourtant le mettait mal à l’aise, et enfin reprit :

— Nous allons réussir, les gars. On peut pas rater ce coup-là. Le plus beau du monde. On va le réussir et on sera jamais marrons. Et vous savez pourquoi ?

Il n’attendit pas leur réponse. Il n’en attendait pas. Il enchaîna, content de lui, de ce qu’il préparait depuis si longtemps :

— Parce que nous ne sommes pas de vrais truands. Parce que nous n’avons pas de contacts avec la pègre et que les flics ignorent jusqu’à notre existence.

Ses yeux aux reflets verts se posèrent sur l’Oranais.

— Toi, tu vis tranquille ici, sans connaître personne. Bob n’est qu’un petit mécano de garage…

Il avança vivement la main pour devancer une réaction de ce dernier.

— Te vexe pas. C’est un compliment.

Sa main se détourna vers le petit Sam.

— Quant à Sam… il ne voit que les clodos du Boweiy et turbine avec sa mère. Aucun poulet s’est jamais occupé de lui. Moi…

Il se heurta la poitrine du pouce.

— … Nul ne peut seulement s’imaginer que j’ai eu assez de cran pour monter un tel coup. Pour tous ceux qui me connaissent je suis un moins que rien, un zéro, un type flambé. Alors…