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— Attachez votre chien ! cria Sam au couple. Voyez pas qu’il veut me mordre !

Ahuri, le couple le fixa.

— Vous dites ? fit l’homme. Guam mordre ? Mais il n’y a pas plus doux que lui.

— Possible, grogna Sam, en surveillant le chien qui, apercevant son ennemi arrêté, n’osait plus approcher. Mais attachez-le tout de même.

La femme agita une laisse.

— Aux pieds, Guam. Aux pieds.

Le chien recula en grondant, et la femme l’attacha.

— Excusez-nous, monsieur, dit-elle. On ne sait pas ce qui lui a pris à crier comme ça !

— On aurait dit qu’il avait reçu un coup, remarqua l’homme.

— C’est surtout moi qui ai eu peur, déclara Sam, l’œil braqué sur les flics qui arrivaient. Et vous excusez pas, madame. Bonsoir.

Et après avoir porté un doigt à sa casquette de montagne il remonta la rue, offrant aux pieds-plats de la Plymouth un profil noyé dans le col du Burberry.

En bas, au fond du trou, Steve reposa les écouteurs dans un énorme soupir de soulagement. Il attendit un peu, puis de la tête, fit signe à Bob qu’il pouvait poursuivre.

* * *

L’Oranais amenait l’avant-dernière bouteille. Il la cala contre les autres, ôta son masque, grimaça. Il avait beau être coriace, cela faisait la huitième fois qu’il s’appuyait ce footing sous les voûtes puantes. Ça commençait à compter. Se renversant en arrière, il écarta les bras, pour détendre ses muscles. Puis il alla vider sous la cavité deux sacs pleins de gravats qui l’attendaient. Au retour, il s’agenouilla derrière Steve dont n’apparaissaient plus que les semelles.

— Ça gaze ? lança-t-il au milieu du sifflement berceur et monotone de la flamme à acétylène.

Steve tourna le cou, et comme il ne pouvait bouger beaucoup plus, il posa sa joue sur la cuisse de Bob qui à plat ventre travaillait le béton armé.

— Oui, fit-il. Dans quelques minutes, on va être sur la plaque sensible. Après on aura encore un quart d’heure de béton à tout casser. Puis ce sera le SAFE.

Il jeta un regard sur sa montre.

— Il n’est pas encore 4 heures. À 5 on sera dedans et à 6, on aura enlevé le morceau.

Ses yeux luisaient et sa face souillée de poussière, de ciment et de terre, reflétait l’orgueil.

— Le plus beau coup de tous les temps.

Il grimaça un sourire, se heurta le front du doigt.

— … sorti de ce cerveau-là.

L'Oranais lui tapota amicalement les jarrets, que protégeaient les bottes, blagua :

— Ces savants tout de même !

Et pointant son index ganté sur le trou où disparaissait Bob :

— Eux non plus sont pas si nature que ça. Car c’est plutôt marlou leur histoire de plaque sensible !

Steve eut une moue méprisante.

— Tu parles. Tout le monde sait que dans chaque enveloppe de béton qui entoure une chambre-forte, les constructeurs y fourrent des plaques et des fils qui déclenchent l’alarme aussitôt qu’on les frôle.

Il ricana.

— Ce procédé est enfantin et n’a plus rien de secret. Et il est inutile quand, comme nous, tu neutralises les signaux d’alarme. Alors tu vois qu’ils sont pas si futés que tu le dis !

Le plouf d’un carré de béton qui se détachait le ramena à Bob.

— Je repars chercher la dernière bouteille, lui lança l’Oranais. Après je finirai de déblayer.

— Fais vinaigre, lui renvoya Steve sans se retourner. On va avoir besoin de toi et de cette bouteille. Surtout là-haut car il y a des coffrets qu’on va être obligés de découper au chalumeau. Et peut-être qu’on va manquer d’oxygène. En tout cas, magne-toi, et affranchis le petit Sam qu’il se tienne prêt à foutre le camp à partir de 6 heures.

Jean Baez lui retapota les bottes pour le rassurer et se redressa. Puis décrochant son masque qu’il avait suspendu près du talkie-walkie, il se renfonça une fois de plus sous la voûte puante.

* * *

Louis Coppolano but une large rasade de café et reboucha le thermos. Et il murmura, penché par l’ouverture découpée dans le plancher de la Dodge :

— Il serait peut-être temps que j’aille faire un tour là-bas ? Qu’en pensez-vous ?

Le petit Sam qui avait repris son poste en haut de l’égout, talkie-walkie à l’épaule, releva le front.

— Entendu. La prochaine fois, ce sera à moi.

Le vieux passa par la petite porte ménagée à l’avant de la cloison, et ouvrant une portière il sauta dans la rue.

Sam, de dessous la Dodge, le suivit dans sa marche vers la 5e Avenue. Puis il ne le vit plus. Il s’engonça dans son Burberry et, œil à ras de la chaussée, il balaya les environs. Il guettait, mais sa pensée était au Madison Square Garden où le lendemain des patineurs devaient s’exhiber dans un numéro comique. Il ne raterait pas ça. Et il y emmènerait M’man. Elle aussi aimait rire. Mais il sortit aussitôt de son rêve en percevant sous lui l’arrivée de l’Oranais.

Il descendit quelques crampons, se pencha sur le noir car à chaque fois qu’il débouchait là, Jean Baez éteignait sa lampe.

— Ça va ? souffla-t-il.

En deux bonds l’Oranais arriva sous lui ; son masque se balançait à son cou.

— Tout est O. K., dit-il dans un murmure. Dans deux plombes tout sera fini. Steve demande que tu fasses un peu chauffer le moteur vers les 6 heures.

— Je le ferai, rassura le petit Sam. Vous bilez pas, le vieux et moi, on sera prêts.

— Où il est ? s’informa l’Oranais. Il roupille ?

— Non, il est parti faire une virée vers le 38.

Dans l’ombre, les dents de l’Oranais étincelèrent.

— Ce pauvre vieux ! On lui en fait faire des trucs.

— Pour 200 000 thunes mon père à son âge aurait becté un flic tout cru, lâcha le petit Sam qui ne l’avait pas connu. Et sans sel ni poivre encore.

Jean Baez gloussa.

— J’avoue que moi aussi. Et j’aurais même bouffé l’uniforme avec.

Soudain il se tut et blêmit. Son sourire se décrocha, ses sourcils se froncèrent, son sang se figea.

Venant de loin, comme assourdi, un bruit commençait à enfler dans la nuit. Puis brutalement le ululement d’une sirène s’amplifia, s’amplifia, déchirant l’air de ses notes aiguës, dramatiques, qui râpaient les nerfs, donnaient envie de gueuler pour éviter au cerveau de craquer.

— Bon Dieu ! sacra l’Oranais. Bon Dieu de bon Dieu !

— Mais… lâcha le petit Sam. On dirait…

Infernale, dominant tout, la sirène continuait de crever le calme des rues, dans son appel menaçant.

— Bon Dieu ! jura encore l’Oranais, se laissant glisser en bas des crampons.

— Où tu vas ? lui lança le petit Sam. Reviens !

Mais l’Oranais s’était rué sous la voûte, tout en remettant son masque et en allumant sa lampe frontale. Vivement Sam manœuvra le talkie-walkie.

— Allô ? lança-t-il ? Allo Steve ? Allô ? Allô ?

Rien ne lui répondit. Les autres devaient foncer pour les rejoindre. Laissant choir l’appareil, il s’éleva, se glissa par l’ouverture et, vif et agile, il gagna le volant et il mit le contact. Puis, prêt à tout, étonnant de sang-froid, tandis que les sirènes gueulaient à la mort, il plaça un P38 sur la banquette à la portée de sa main.

En bas, l’Oranais n’avait pas été bien loin. Il venait de se cogner dans Bob qui essoufflé, sans masque, les yeux lui jaillissant de la tête, lui bafouilla :