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— Pour nous acheter un cirque, précisa M’man. Un beau cirque qui nous emmènera loin du Bowery.

L'Oranais se tourna vers Steve.

— Et tu veux qu’on opère encore au 38 ? Mais c’est dangereux !

— Pas plus que dans un autre SAFE de la rue, répondit Steve. Moins même car sur le 38 on a tous les tuyaux.

— Et aussi les clefs qui ouvrent les petits coffrets enfermés dans le SAFE, renchérit M’man. Et ça, ça compte. Car sans elles personne peut réussir l’affaire. Dans un hold-up vous n’avez pas le temps de vous servir du chalumeau pour ouvrir ces coffrets. Donc faut les clefs. Nous on les a.

— C’est juste, approuva Jean Baez. Mais est-ce qu’on a tous les tuyaux ? Je veux dire de quoi foncer sans risquer le coup dur ?

— Pas tout à fait, reconnut Steve. Mais on va s’y atteler. M’man dit qu’elle peut nous donner un coup de main.

— Oui, fit la grosse femme qui s’allumait un cigarillo. Mais pour ça faut que je visite ce 38. Et comme tout le monde a le droit d’y entrer, ça va gazer. C’est pour descendre jusqu’au SAFE que ça va être plus durai lie. Mais…

Elle s’enveloppa de fumée, reprit :

— Mais y a deux, trois salesman[23] qui opèrent dans la 47e Rue et à qui j’ai revendu des diams. Et autant que je m’en souvienne, l’un d’eux range sa camelote dans le SAFE du 38. Je vais m’arranger pour l’accompagner en bas.

Steve attrapa le paquet de Marlboro que l’Oranais avait jeté devant lui, regarda son équipier.

— Qu’est-ce que t’en dis de tout ça ?

Nonchalamment l’Oranais lui lança une boîte d’allumettes et lui sourit.

— Tu sais bien que j’aime les trucs rapides. Je préfère le braquage au casse. Je te l’ai toujours dit. Donc c’est oui. Mais je voudrais connaître la date.

— Ça… hésita Steve. Faut d’abord tout mettre au point.

— Tu crois qu’on peut opérer avant le 5 ?

Steve fit un signe de dénégation.

— Trop court comme délai. Vers la fin décembre, oui. Mais avant… N’oublie pas qu’on a un tas de détails à régler, car on va opérer presque en plein jour. Il faut bien minuter tout et assurer notre fuite. Ça va demander du temps.

— C’est que j’ai besoin d’oseille avant le 5, déclara l’Oranais têtu.

— Combien ? s’informa M’man.

— 7000 thunes. Vous pourriez pas me les prêter, M’man, des fois ?

La grosse femme s’agita dans son fauteuil.

— Je voudrais bien, garçon. Mais impossible. J’ai déjà paumé plus de 2 000 dois avec le matériel acheté pour le casse et les avances faites à Bob. Vraiment je ne peux pas.

— Pourquoi que tu veux ce pognon et à cette date ? s’inquiéta Steve. Je parie que c’est pour le vieux.

L'Oranais se mit à jouer avec ses allumettes qu’il avait récupérées.

— Oui, il doit régler une dette ce jour-là. Et c’est sérieux pour lui.

Puis, les fixant l’un après l’autre.

— En parlant de lui, est-ce qu’on le garde dans-le coup ?

— Pourquoi ? fit Steve. Tu crois qu’il accepterait de se mouiller ? Dans un braquage ? Ça m’étonnerait.

— Je ne sais pas, remarqua l’Oranais. Et à vrai dire je tiens pas à ce qu’il se remette dans le bain. Sans compter qu’un flingue au poing c’est sûrement pas son genre. Seulement… Il porta son attention sur M’man.

— … j’ai pensé qu’on lui devait sa part, celle qu’on lui avait promise. Après tout si ça a craqué ce matin, c’est pas de sa faute. Lui a fait son boulot jusqu’au bout. Qu’est-ce que vous en dites, M’man ?

La grosse femme n’eut pas le temps de répondre. Steve la devança en balayant la table d’un geste sec.

— Moi, je suis contre. Qu’on lui refile 7000 thunes après le braquage, d’accord. 10 000 même. Mais pour les 200 000, pas bon. C’est pas la même affaire. Celle dans laquelle il était a foiré. Votre avis ?

Il regardait alternativement Sam et sa mère. Celle-ci hésita, se gratta la nuque, puis lâcha :

— Moi, je suis pour. Le vieux a été champion sur le boulot. Il a surtout gardé son nez propre devant les flics. Je suis pour. Et puis peut-être que dans le braquage, y aura du travail pour lui.

Steve se tourna vers Sam.

— Et toi, Sam ?

— Moi, je suis pour, M’man, laissa tomber le petit tueur de sa voix sans timbre.

Steve refit face à son équipier.

— C’est bon, Jean. Ton vieux aura ses 200 000 dois. Tu peux l’affranchir.

— Mais tu sais pas pour quand ? s’entêta l’Oranais. C’est qu’il en a besoin !

Steve écarta les bras.

— Ça mon vieux… il fera comme nous. Il attendra.

— J’espère qu’il pourra faire patienter ceux à qui il doit cet oseille, soupira l’Oranais.

Steve se dressa en haussant les épaules.

— Qu’il se démerde. Ça le regarde.

Et vers Sam :

— Tu vas me refiler la serviette avec les papiers et les plans sur le SAFE. Je vais étudier ça de plus près.

— Je vais te la chercher, dit le petit tueur, se levant à son tour.

Et comme il arrivait devant la porte de sa chambre il se retourna, excité sur sa mère.

— Hé, M’man ! N’oublie pas qu’il y a des clowns sur patins à glace au Garden ce soir !

— J’y pense, le rassura la grosse femme, s’arrachant de son fauteuil. On va y aller, t’en fais pas. Peut-être que tu peux nous conduire jusque là-bas, Jean ? ajouta-t-elle vers l’Oranais. Ça m’évitera de trimbaler ma voiture.

— Sûr, acquiesça l’Oranais. Je peux jamais rien refuser aux jolies femmes, M’man. Vous le savez bien.

La grosse femme gloussa pendant que Steve, l’esprit ailleurs, murmurait, dents serrées, un éclair d’orgueil dans son œil verdâtre.

— Faut que ça réussisse cette fois. Et ça réussira… ou je crèverai.

XIII

Louis Coppolano était en bras de chemise, et ses cheveux lui retombaient sur le front. Il avançait à quatre pattes, avec Louise sur le dos. La gosse se servait des bretelles de son grand-père en guise de rênes. Et elle riait ! Et entre deux éclats de rire elle criait, lui talonnant les flancs avec conviction.

— J’suis Ben-Hur, hein pépère ? J’suis Ben-Hur. Vite. Plus vite.

Docile, riant aussi, le vieux accélérait, passant entre les meubles, franchissant les portes, risquant à chaque instant de tout casser.

De la cuisine où elle préparait le souper, Connie lui lançait ;

— Ne lui cédez pas tout, papa ! Elle vous fait tourner en bourrique ! Vous me la perdez, voyons…

Puis quelques secondes après, d’un ton furieux :

— Louise ! Arrête, ou je ma fâche.

Mais la gosse n’écoutait pas. Le vieux non plus. Riant et pouffant, continuant à déplacer de l’air, ils avalaient de la poussière, cognaient dans les meubles, rayaient les parquets.

Soudain le téléphone grelotta. Connie se précipita. Est-ce que Mike ? Mais pourtant non, il lui disait dans sa dernière lettre, datée d’Italie, qu’il en avait encore pour une quinzaine. Il est vrai que, dans son métier, on ne pouvait savoir. Peut-être qu’il venait de débarquer à l’aéroport. Elle décrocha, anxieuse, espérant quand même. Mais c’était hélas une voix inconnue qui réclamait Louis Coppolano. Elle soupira, cria, pour dominer le bruit infernal que faisait Louise.

— Papa ! Au téléphone !

Le vieux s’arrêta pile, étonné. Qui pouvait savoir qu’il était chez son fils ? Il voulut se débarrasser de sa petite fille, mais elle se cramponna en hurlant. Lui cédant il la porta jusqu’au téléphone, où il se rendit à quatre pattes. Connie voulut la lui enlever, il l’arrêta.

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23

Vendeurs de bijoux hantant la 47e Rue Ouest. Ils sont caractéristiques avec leurs petites poussettes sur lesquelles sont fixées des sortes de malles-valises qui contiennent leurs bijoux.