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Deux agents en tenue, toujours les mêmes, un long, maigre, et un petit gros, surveillaient les lieux, et faisaient circuler les bagnoles, ne laissant pas stationner longtemps, même pour décharger.

Une flopée d’agents en civil, dont quelques F.B.I., faisaient la navette, reluquant hypocritement les passants. Et par là-dessus, pour faire bon compte, un tas de privés, de chez Holmès, qui dans les sous-sols, ne quittaient pas leurs SAFE des yeux.

Si tous ces lascars avaient dégainé leurs pétoires en même temps, et commencé à tirer en l’air, ç’aurait fait une drôle de batterie antiaérienne ! D’ailleurs, ça leur arrivait parfois de tirer. Et pas en l’air. Quelque temps avant, le long maigre en uniforme avait descendu un jeune malfrat qui s’enfuyait avec quelques milliers de dois de pierreries qu’il venait d’étouffer, vite fait, à un broker[25], au 4e étage d’un building. En pleine foule qu’il avait allumé le perdreau ! Et de 20 mètres. Et en plein front qu’il avait dégusté le jeune arsouillé. Heureusement pour les passants que le long maigre avait la gâchette heureuse, sans ça… Un vrai coup de Buffalo Bill, qu’il s’était offert là, le pied-plat.

M’man remontait la rue avec un salesman, à qui elle refilait parfois des pierres volées.

C’était un gros garçon de 30 ans, pas aussi gros que M’man tout de même, et qui postillonnait en parlant. Il avançait, une main sur sa petite poussette, où étaient ses bijoux. Tout en parlant, ils arrivèrent devant le 38, où, lui, devait mettre sa marchandise à l’abri de la chambre forte. Ils croisèrent Louis Coppolano qui en ressortait, avec ses lunettes fumées, et son allure de brave homme. Le vieux et M’man s’ignorèrent. Louis était venu prendre la température des lieux pour se faire une idée. La veille ç’avait été le tour de Steve. Demain, ce serait celui de l’Oranais. Chacun d’eux, en flânant, et en faisant mine de s’intéresser aux bijoux, devait s’imprégner de l’endroit, de ses habitudes, donner ensuite son avis et ses idées sur la façon de réussir le hold-up.

Le père de Mike s’éloigna, se heurtant à la cohue, où, passants, flics, salesmen, et brokers, se mélangeaient. Au bout de la rue, il descendit tranquillement dans le métro.

Après avoir franchi une porte à double battant, M’man pénétra dans le 38, à la suite du gros.

— Vous en avez pour longtemps ? feignit-elle de s’informer.

Il secoua négativement sa tête rusée.

— Non. Je dois voir un gars au stand 27, puis je descends ranger ma camelote, car j’ai un rendez-vous en ville. Si vous voulez m’attendre là.

— J’aime autant vous suivre, fit M’man, à moins que ça vous dérange ?

— Pas du tout, renvoya-t-il. Venez, j’en ai pour quelques minutes. Ensuite, nous pourrons parler de nos affaires.

Ils s’enfoncèrent dans la pièce immense, haute de plafond, très éclairée, où bourdonnaient des voix, où régnait une activité débordante, mais presque silencieuse.

À gauche et à droite, accotés aux murs blancs, couraient des stands minuscules, séparés par des cloisons de bois n’atteignant pas 1,30 m de hauteur, ce qui permettait de voir les voisins, et même au-delà.

Au centre de la pièce, il y avait encore de ces stands sur deux rangées, mais ils se tournaient le dos, et une très haute cloison les séparait sur la longueur. Entre eux et les stands des murs existaient deux larges allées parallèles, qui permettaient de gagner le fond, de contourner les stands ou de s’y arrêter. Des petites vitrines d’exposition, ou des comptoirs de bois sur lesquels on pouvait s’appuyer, clôturaient les stands sur les allées. Pour en sortir chacun d’eux était doté d’une petite barrière basse à ressort qui claquait doucement à la fermeture.

Derrière ces fragiles barrières, les dealers[26], à la vue de tous, travaillaient les pierres et les perles, sertissaient les diamants, façonnaient l’or, réparaient des bijoux. D’autres discutaient avec des brokers, des salesmen et des acheteurs éventuels.

Tous avaient leur nom gravé sur des plaques fixées dans leur stand. Et tous ces noms avaient des consonances Israélites.

Chacun des stands était muni d’un téléphone, ainsi que d’un bouton dissimulé, qui, à la seconde, pouvait déclencher la ruée des privés de chez Holmès, responsables des lieux, et des flics rôdant au-dehors.

Beaucoup de brokers, leur curieux chapeau rond de rabbin repoussé en arrière, étudiaient au ras d’ampoules puissantes des diamants à la loupe. Souvent leur étude durait des heures, ils étaient les as des as de la profession.

Tous avaient le type sémite très prononcé. Et leurs vêtements, leur allure, le soulignaient encore plus. Ils portaient chapeaux ronds, noirs, à larges bords, chemises sans cravate, vestons de lustrine, et déboutonnés, manteaux de drap noir, ou lévites verdâtres.

La majorité avait les tempes dégarnies, une barbe très fournie, la peau malsaine, des yeux vifs et intelligents sous des verres cerclés d’or, et des pellicules sur le col de leur manteau.

Tous avaient de vastes portefeuilles de cuir, reliés à leur ceinture par des chaînettes aux maillons solides. Ces portefeuilles contenaient des petits sachets dont le format et les pliures rappelaient ceux où Steve prisait sa chnouf. Mais si le papier en était blanc et non gris, il ne recelait pas de la dop, mais des diams. De toutes dimensions. De toute eau. Et il n’était pas rare qu’un broker en trimbale sur lui pour 500 000 dollars.

Après avoir donné un bracelet à réparer et une bague à ressertir au Stand 27, le compagnon de M’man l’entraîna vers le sous-sol.

Ils firent le tour par le fond, revinrent par l’allée de droite où régnait la même ambiance que dans celle de gauche. Là aussi, brokers, salesman, dealers, debout ou assis, discutaient, évaluaient pesaient les diams dans les minuscules balances logées dans des caisses de verre.

Les pas de M’man et de son compagnon, les ramenèrent près de la grande porte à double battant. Mais au lieu de sortir, ils empruntèrent l’escalier qui tout de suite, au centre de la largeur, et tournant le dos à la rue, s’enfonçait sous la pièce, comme vers une station de métro.

En haut des marches, un homme lui décocha un coup d’œil rapide ; c’était l’un des deux gardes du SAFE. L’autre était en bas. Ils se relayaient ainsi toute la journée. L’un à l’intérieur du SAFE, l’autre en haut à surveiller les gens.

M’man enregistra sa présence au passage. Il paraissait la cinquantaine, était bien planté, devait être coriace. Ses cheveux étaient blancs, et une moustache courte surmontait ses lèvres minces. Une arme se devinait sous le côté droit de son veston, là il s’enflait anormalement. M’man savait que ce n’était pas le père de Bob, car ce dernier avait démissionné le lendemain du casse.

Arrivé en bas, le compagnon de M’man laissa reposer les roues caoutchoutées de sa poussette et postillonna :

— Vous m’excuserez… une minute.

M’man le rassura d’un sourire. Il prit à gauche.

La grosse femme photographia rapidement les sous-sols du regard. Là aussi, il y avait quelques boxes, où des dealers travaillaient. Mais peu. Sur les murs et les portes assez nombreuses couraient des fils mystérieux, qui allaient se perdre sous de petites boîtes, non moins mystérieuses. Sur la droite, un couloir étroit et court donnait sur les lavabos. Mais ceux-ci ne s’ouvraient qu’avec une clef spéciale que possédait chaque propriétaire de stand.

M’man franchit une porte qui restait ouverte tout le jour, et rejoignit son compagnon. Elle savait que cette porte, et le mur qui la prolongeait, déclenchaient un signal si on tentait de les percer. Ici, tous les murs, les planchers, les plafonds, les portes étaient piégés. Mais le dispositif ne fonctionnait qu’à la fermeture du SAFE, lorsque le dispositif de sécurité était électriquement mis en place.

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25

Israélites qui apportent et vendent aux bijoutiers, opérant en boutiques les pierres qui leur sont confiées par les tailleurs de diamants travaillant en building.

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26

Bijoutiers.