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De la crosse du Smith. Sans un ouf, le gardien se retrouva le nez sur son illustré où s’exhibaient de belles pépées en bikini. Puis en deux bonds, l’Oranais fut sur le broker, qui demeurait bouche ouverte, comme prêt à pousser un cocorico.

— La ferme, citoyen, ordonna-t-il, sinon…

Sous la main menaçante, la bouche du broker se referma doucement. L’Oranais siffla, deux coups brefs, refonça vers le bureau, appuya sur le bouton de la grille. Comme elle s’ouvrait, Steve apparut, poussant le garde devant lui. Il lui indiqua l’ouverture dans la grille.

— Allez ! Entre.

L’autre obéit. Sans plus s’en occuper, Steve pirouetta, gagna rapidement la porte d’acier du fond, donnant sur l’escalier et le hall du 38. Pendant ce temps, l’Oranais réceptionnait le garde.

— Colle-toi là-bas, disait-il, lui indiquant la paroi de droite, à quelques pas de la porte cylindrique du SAFE. Et nez au mur.

Le garde obéit dans un regard de rage.

— Et à genoux, ordonna encore l’Oranais.

Le garde ne put s’empêcher de lui décocher un coup d’œil hargneux.

— Ça vous coûtera cher !

Les dents de Jean Baez étincelèrent dans sa barbe noire.

— Cause toujours, mon lapin.

Et avançant d’un pas, le Smith pointé :

— J’ai dit à genoux. Et mains sur la tête pour t’apprendre à répondre. Fissa.

Le garde s’agenouilla dans un grognement, et se croisa les doigts sur le crâne.

Alors que l’Oranais opérait, Steve avait gratté à la porte du fond, et à leur tour, les frères Laventure entraient dans la danse. Vite. Sans un mot. Et méconnaissables. Des masques de carnaval leur planquaient la figure. Hector avait choisi celui de Charlie Chaplin, Honoré celui de Groucho Marx.

Hector alla se poster près de la porte qui menait à l’escalier, et attendit, prêt à cueillir ceux qui descendraient au SAFE. Honoré suivit Steve à l’intérieur de la grille qui se referma dans son doux claquement. Puis Steve et l’Oranais foncèrent vers la chambre forte. Ce dernier dépliait un grand sac de toile qu’il avait sorti de sous sa lévite. Honoré alla empoigner le premier garde toujours dans les pommes et le laissa choir près de son confrère. Puis, avisant le broker qui le fixait ahuri, n’en croyant pas ses yeux, il lui ordonna, sortant un sac de toile à son tour mais bien plus petit que celui de l’Oranais.

— Ton morlingue.

— Hein ? balbutia l’autre. Mon quoi ?…

Honoré lui arracha son portefeuille auquel il se cramponnait, en vida le contenu dans son sac. Des petits papiers s’ouvrirent, et en cascadant des diamants de toutes tailles jetèrent mille feux.

— Va te mettre avec les autres, commanda Honoré au broker, en lui jetant son portefeuille vide, toujours fixé à la chaînette. Et à genoux, toi aussi.

Le type fit un pas en direction des gardes, et brusquement, s’écroula, évanoui. Du pied, Honoré le repoussa vers les gardes, et se retourna à un sifflotement. C’était son aîné qui émergeait du noir avec deux hommes au bout de son spécial 38. En un éclair Honoré libéra la grille fit signe aux hommes de la franchir. Ils obéirent en tremblant. L’un d’eux avait tellement les foies qu’il faillit s’étaler. Honoré le saisit au vol, le remit sur pieds, tout en jetant :

— Vos portefeuilles. Votre pognon. Et vite.

Le premier, un broker, exhiba son portefeuille, le vida docilement dans le sac tendu. Mais le second, un dealer, voulut dissimuler un petit sachet de diams. Honoré s’en aperçut. Et cogna. D’un revers et du dos de sa main gantée. Sèchement. Aussitôt le petit sachet atterrit dans le sac de toile. Et Honoré leur désigna les gardes agenouillés.

— Filez là-bas. Même position. Exécution. Allons !

Sûr d’être obéi, il alla jeter un regard dans le fond de la chambre forte, où Steve et l’Oranais opéraient. Juché sur la petite échelle d’acier, l’Oranais ouvrait les coffrets du haut de la paroi centrale. Lui et son équipier ne perdaient pas de temps. On sentait qu’ils connaissaient les lieux, à force d’en avoir vu les plans, et qu’ils avaient souvent dû répéter leurs mouvements. Ils étaient nets, précis, rapides, sachant qu’ils livraient une course contre la montre. L’Oranais se servait de clefs dont les numéros cadraient avec ceux gravés sur les coffrets. Il amenait les tiroirs à lui, les faisait basculer sur le sac de toile que Steve maintenait ouvert. Ils ne triaient rien. Tout dégringolait en vrac : petites sacoches, portefeuilles et leurs chaînettes, papiers de famille, sachets de papier pliés menu, écrins de toutes sortes, etc.

Parfois des pierres, des topazes, des rubis, des diams, crevaient les papiers fins, et c’était un enchantement pour les yeux de Steve, qui murmurait repris par sa haine :

— Je vous ferai voir, tas de salaud ! Je vais vous faire voir, moi, si je suis un raté.

Les mouvements des deux hommes rappelaient un ballet bien réglé. Jean Baez vérifiait les numéros des coffrets, les ouvrait, vidait les tiroirs, passait ceux-ci à Steve qui les posait sur le plancher d’acier. Ils ne pensaient plus au danger. Ils ne pensaient qu’à entasser, entasser et entasser encore, sachant que chacun de leurs gestes représentait une fortune. Les prunelles de drogué de Steve luisaient fixement, et le sourire de l’Oranais restait accroché comme une pancarte à une devanture. La sueur leur mouillait le dos, le ventre, les aisselles, mais ils ne sentaient rien. Ils fonçaient.

D’au-delà la grille, un rire fit se retourner Honoré, et une voix joyeuse fit écho au rire.

— Ah ! ben vrai. Bile est bien bonne celle-là ! Se déguiser en flic, et se coller la frime de Charlot ! Ah ! ben vrai… On voit que c’est Noël !

Un autre rire suivit la tirade. Puis un ordre bref retentit :

— Ta gueule. Avance.

Et l’aîné des Laventure parut poussant un dealer obèse devant lui. En apercevant Honoré à travers la grille, le dealer que le whisky avait dû chauffer s’esclaffa encore.

— Quoi ? Groucho Marx ? On aura tout vu ! Allez les gars, ça suffit. J’ai failli marcher. Maintenant, ouvrez-moi, faut que je dépose mes bijoux.

Honoré appuya sur le bouton, invita :

— Si vous voulez entrer…

Le gros dealer obtempéra en se marrant plus fort. Soudain son rire lui resta à la gorge. Il venait d’apercevoir les gardes et ses confrères agenouillés devant le mur d’acier. Honoré lui lança tandis que son aîné repartait vers son poste :

— Allez, donne tes bijoux, on pourrait te les voler.

L’homme ne réagit pas. Il n’avait plus envie de rire. Il se laissa dépouiller d’un petit sac de peau, et docilement, n’en revenant pas, il alla s’agenouiller près des autres en murmurant.

— Ça alors… ben ça alors…

Rassuré, Honoré reporta son regard à travers l’ouverture cylindrique au-delà de laquelle Steve et l’Oranais s’affairaient toujours. Ils étaient moins visibles à présent car ils s’attaquaient à la paroi droite. Quant à celle du centre qu’ils venaient de lâcher, elle montrait parmi sa surface brillante les trous noirs des coffrets qu’ils avaient enlevés.