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— Mais il m’a souvent assuré que sa mère vivait, remarqua le vieux.

— À moi, il m’en avait touché un mot aussi, fit Sam.

La grosse femme contempla Steve.

— Alors ?

Steve haussa de nouveau les épaules, se décida à admettre d’un ton maussade :

— Tout à l’heure avant de la glisser Jean m’a donné le nom de sa mère… et la rue où elle vit à Paris. Mais…

Il regarda le vieux. Sam, puis M’man, avant de s’emporter avec une violence soudaine :

— Mais on va tout de même par lui refiler tout ce pognon ? Ça serait un comble !

Son doigt désignait l’amas étincelant des joyaux. M’man se mordilla les lèvres.

— T’es contre, alors ?

— Absolument.

La réponse de Steve était tombée, brutale. Les Laventure se reculèrent. Ça ne les concernait pas. Le père de Mike, lui, se rapprocha au contraire. Il scruta Steve.

— Pourquoi ?

Steve abandonna la table, s’emporta de nouveau :

— Parce que je ne suis pas un sentimental ! Que l’Oranais soit canné, c’est peut-être moi qui le regrette le plus ici, car je sais pas pourquoi mais ce type me réconciliait avec la vie. Seulement, bon Dieu, j’ai pas l’intention de partager cet argent avec une vieille femme qui saura pas quoi en foutre ! Même si Jean m’avait demandé de le faire, je le ferais pas.

Puis il se tut brusquement. Sa pensée avait rejoint son équipier quand il lui murmurait, « Rue St Paul… Paris… ma mère… ma part ».

— Même s’il te l’avait demandé, tu dirais encore non ?

C’était M’man qui venait de jeter la question. Steve releva le front, la regarda longuement avant de grommeler à contrecœur :

— Il l’a fait. Il me l’a demandé.

— Et tu refuses quand même ?

C’était toujours M’man qui intervenait. Steve hésita avant de répliquer avec hargne :

— Oui ! Pourquoi allez balancer tout ce pognon à cette vieille ? On s’en servira mieux qu’elle, non ?

M’man le fixa en silence. Longuement. Puis écrasant son cigarillo dans une soucoupe, elle déclara, d’une voix dure.

— Écoute. Je suis pas plus sentimentale que toi. Et de la mère de l’Oranais, je m’en fous moi aussi. Mais au moins, si on vaut pas plus cher qu’un vieux crachat séché sur un trottoir du Bowery, je tiens quand même pas à ressembler à tous ces requins de la finance et d’ailleurs, qui mangeraient leur merde pour 10 cents. T’entends, Steve ? Je veux pas me comparer à ces gens-là. À ces gens qui crèvent avec leur sale fric et leur mentalité pourrie. T’entends, Steve ?

Et, sans le quitter de ses gros yeux globuleux où dansait une lueur sauvage :

— Sam ?

— D’accord avec toi, M’man, renvoya son fils qui, à présent, laissait glisser entre ses doigt un collier de perles rares.

Louis Coppolano sourit à M’man. Et à lui dans ses yeux sombres, c’était une lueur tendre, admirative qui dansait.

Steve les contempla tous, les uns après les autres, même les Canadiens qui pourtant, par leur attitude, montraient qu’ils étaient neutres.

Enfin il lâcha dans un long soupir :

— O.K. vous avez gagné. Eh bien je crois que j’irai en France. Il y a longtemps que ça me démange de voir Paris. J’en connais une qui va être heureuse…

On sonna en bas. Il acheva pendant que Sam allait appuyer sur les boutons.

— … c’est ma femme. Depuis le temps que je lui promets tant de choses…

Et tous regardèrent vers Sam qui se retournait, avertissant sa mère.

— C’est Ted. Je fais monter ?

Elle approuva.

— Oui. Et vous autres allez tous vous planquer dans la chambre de Sam. Ted n’a pas besoin de voir vos frimes. Sam et moi allons le recevoir. Vous partez quand ?

Elle interrogeait les Canadiens du regard.

— Tout à l’heure, renseigna l’aîné. Moi je prends un avion. Eux la route. On préfère se séparer.

— Et votre pognon ?

M’man montrait les liasses.

— On le confie à quelqu’un d’ici, rassura Hector. Vous bilez pas, M’man. On est parés.

La grosse femme leur sourit :

— J’aime les gens adroits. Et méfiants. Allez, ajouta-t-elle, les poussant vers la porte de la chambre de son fils. Restez pas là, l’autre va monter. Et peut-être qu’il vous connaît de Montréal !

Tous disparurent, Sam alla ouvrir à Ted qui cognait à la porte d’entrée.

Le représentant des receleurs avait dans les soixante hivers. Il était enjoué, maigriot, son regard était plein de ruse. Mais M’man savait qu’avec lui on pouvait traiter, sans risque. Aussitôt qu’il aperçut la table où scintillaient les joyaux, il se figea, immobile. On aurait cru un vieux clebs à l’arrêt le matin de l’ouverture de la chasse. Puis il avança lentement vers la table. Il en oubliait de dire bonjour, ne semblait voir personne.

— Bonté divine ! laissa-t-il tomber au bout d’un long moment, soupesant le tout de ses yeux avides. Bonté divine ! Jamais vu ça.

Se retournant enfin sur M’man, main tendue :

— Félicitations, M’man. Du magnifique boulot. Du sensationnel. Mais moi aussi je vais en avoir du boulot à expertiser tout ça. Ça va prendre du temps.

— Ça fait rien, dit M’man. Sam et moi, on vous tiendra compagnie jusqu’au bout. Et s’il le faut, vous réveillonnerez ici cette nuit.

Ted désigna l’amas de joyaux, et les liasses de dollars.

— Voilà le plus beau réveillon de ma vie. Et si vous le permettez je vais ajouter 300 000 dollars à ces liasses pour régler mon addition.

Les fausses dents de M’man luirent dans sa figure ronde.

— Vous avez ma permission et ma bénédiction avec.

Le fourgue exhiba une énorme enveloppe, l’ouvrit, en sortit des billets qu’il se mit à compter.

— J’ai toujours eu un faible pour la couleur verte de ces billets ! s’exclama M’man, puisant dans sa boîte de chocolats. À croire qu’ils vont bien aux blondes.

— Qui n’aurait pas un faible pour eux ! répliqua Ted qui comptait avec dextérité. Je crois même qu’ils vont bien aux chauves.

Quand il eut fini, M’man, aidée de Sam, vérifia à son tour, puis dit :

— J’ai ici des gens pressés. Si vous voulez accepter d’aller dans ma chambre pendant qu’ils sortent… Inutile qu’ils vous voient.

— Mais comment donc, s’empressa Ted, qui avait déjà sorti une loupe de son gilet. Tout de suite.

Sam alla l’enfermer dans la chambre de sa mère et revint ouvrir aux autres.

— Voilà vos 700 000 dois, dit M’man aux Canadiens, poussant des liasses vers eux. Si vous tenez à vérifier… C’est normal.

Hector indiqua les liasses à son jeune frère.

— Emporte. Vous savez à qui le confier.

Et, vers M’man, en allongeant sa main puissante :

— Je m’en voudrais de recompter derrière vous, M’man. Au revoir et merci.

— Si vous avez un autre travail dans le genre la semaine prochaine… blagua Honoré, lui serrant la main à son tour.

— N’y prenez pas goût, sourit M’man en les raccompagnant. Ça pourrait devenir indigeste. Allez, au revoir les gars. Et bonne route, ajouta-t-elle en leur ouvrant.

Les trois Canadiens franchirent le seuil, se retournèrent dans un salut amical et disparurent. M’man referma doucement, revint vers la table, l’indiqua.

— Il reste 392 000 dois de liquide à nous partager. Je propose qu’on en touche 100 000 chacun. Enfin, je veux dire pour vous. Moi, je prendrais les 92 000. Ça vous va ? On réglera tout définitivement quand Ted aura achevé l’expertise et nous aura apporté le fric. D’accord ?