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Mike ne le laissa pas achever. Il claqua des doigts vers Tom.

— Vite, Tom. Taillons-nous. Tâchons de garder le contact. Filons chez ce Vaccario. On verra bien. Toi, Chester, occupe-toi de ce gars-là. Préviens une ambulance. Affranchis le patron. Dis-lui où on court. Dis-lui aussi qu’il fasse interpeller toutes les vieilles Chrysler noires. Tom, refile-lui l’adresse de Vaccario.

Tom jeta une enveloppe à Chester et bondit à la suite de Mike qui déjà dégringolait l’escalier en bolide, sous le regard excité des curieux.

Ils n’étaient pas en bas que Chester découvrait les sacs de toile et les portefeuilles vides, ainsi que les pantalons d’uniforme des Laventure.

Sa main s’abattit sur le téléphone.

* * *

Tom menait la Volkswagen à un train d’enfer. Pas un comme lui parmi ceux de Varick Street pour mieux connaître Manhattan. Et grillant feux rouges sur feux rouges, en moins de deux il déboucha dans la rue de Johnny Vaccario. Heureusement que c’était Noël et que les pieds-plats chargés de la circulation ronflaient encore à moitié !

De loin, Mike repéra l’arrière d’une vieille Chrysler noire à l’arrêt.

— Je veux qu’on me les coupe, si ce n’est pas la bagnole de tout à l’heure, dit-il, excité.

— Je pense comme toi, renvoya Tom qui lui aussi avait vu.

Puis, comme ils s’en approchaient ils repérèrent un chauffeur à l’intérieur.

— Est-ce que… hésita Tom.

— Colle-toi devant, jeta Mike. On ne sait jamais… Je vais l’interpeller.

Tom doubla la Chrysler et, brusquement se rabattit sur la gauche. Les freins gémirent, une des roues monta sur le trottoir. Mike sauta en voltige, cria.

— Fonce chez Johnny. Je te rejoins.

Il avait son 38 spécial au poing. Tom aussi.

Et au loin mais se rapprochant, des sirènes de police commençaient à déchirer l’air. Allons, Chester avait fait vinaigre. Le grand patron aussi. À tout hasard il leur envoyait du monde.

En deux secondes, Mike arriva sur la Chrysler. Il vit le chauffeur qui, affolé, tentait désespérément de faire une marche arrière. Il lui hurla :

— Stop !

Mais le type n’obéit pas. Il avait perdu son contrôle. Le hurlement des sirènes… l’arrivée brutale de ces hommes armés… Il chercha encore à reculer, y réussit à moitié. Aussitôt Mike tira. Dans le pare-brise. Sur la gauche, pour ne pas toucher le gars. Pour lui faire peur. Pour l’avoir à sa main. Et sitôt tiré, il bondit entre le capot de la Chrysler et l’arrière de la Volkswagen. Il était temps. Talonné par la frousse, le type à face de cadavre s’enfuyait, après avoir sauté de la voiture. En trois bonds Mike fut sur lui, et leva son poing armé. La crosse du 38 chopa le jeune chauffeur sous l’oreille, et il culbuta dans la neige.

Mike ne s’en inquiéta plus. Il s’engouffra dans la maison de Johnny Vaccario, poursuivi par le hurlement des sirènes qui se rapprochaient de plus en plus.

Comme il débouchait sur le palier du 3e, Tom, d’un signe vigoureux, lui ordonna de faire doucement. Il avait son oreille collée à la porte sous laquelle filtrait un mince rai de lumière. Mike prêta l’oreille à son tour.

— Magne-toi, disait une voix assez distincte. Puisque je te dis que Johnny est canné ! Et que Bill nous attend dans la Chrysler avec une pleine valise de diams ! Faut essayer de toucher Frankie d’urgence, et le mettre au parfum de ce qui s’est passé.

— Mais qu’est-ce que je fais du vieux ? s’inquiéta une deuxième voix, grasseyante celle-là. Est-ce que…

— J’en sais rien moi ! s’emporta la première voix. Flingue-le si t’en as envie. Qu’est-ce que tu veux que ça me foute ! Mais magne-toi la raie, c’est tout ce qui m’intéresse.

Puis s’énervant de plus en plus :

— T’entends pas ? On dirait les flics !

— Ça peut-être pour nous, rassura la voix grasseyante. Personne peut savoir ! C’est trop tôt.

Mike décida d’agir. Désignant la serrure à Tom, il lui fit signe de s’écarter, et de se tenir prêt. Puis il présenta le canon de son 38 à toucher la serrure et tira. Tout son chargeur. La serrure vola en éclats. Mike sauta de côté pour laisser la route à Tom qui se rua d’un coup d’épaule. La porte céda, et les deux copains guidés par la lumière atterrirent devant le salon de Johnny Vaccario où deux hommes se tenaient prêts à partir. Le tout avait duré trois secondes.

À leur intrusion, le type en gris à gueule de boxeur, qui avait amorcé un mouvement pour faire face au bruit des détonations, leva son bras. Son colt tonna dans la pièce. Deux fois. La première bastos rasa la joue gauche de Tom, la seconde lui troua le bras gauche. Sans ralentir, Tom qui avait à peine senti le choc appuya sur son 38. À une cadence folle, les balles s’enfoncèrent dans le ventre du type en gris. Il recula, glissa le long du comptoir, lentement, comme étonné, alors que son colt lui sautait de la main.

Surpris par la sauvagerie et la rapidité de la scène, le colosse désarmé qui cherchait son nerf de bœuf du regard arriva trop tard à la parade. En un éclair, Mike fut sur lui. Il avait repéré son père lié sur une chaise, mais il vola sur le colosse en lui balançant son 38 vide en pleine gueule. Et profitant de ce que l’autre, par réflexe, avait cherché à se garer du choc, il lui faucha les flancs d’un gauche, suivi d’un droit fulgurant. Un une-deux imparable qui aurait plu à l’Oranais, aussitôt embelli par un doublé sous le menton, vers la pomme d’Adam. Souffle coupé, le colosse ouvrit la bouche, à la recherche d’air. Mais Tom, qui venait de recharger son calibre, ne le laissa pas récupérer. Il le braqua tandis que Mike le fouillait. Quand ils virent qu’il n’avait rien à part un couteau que Mike empocha, Tom lui passa les menottes et lui ordonna :

— Contre le mur. Et ne bronche pas.

Docilement, le colosse alla là où on lui indiquait juste sous un tableau représentant un pur-sang à la robe d’un noir brillant. Puis Tom, toujours chauffé par l’action, négligeant sa blessure qui saignait, alla ramasser le colt du type eu gris qui geignait, adossé au comptoir. Mike, lui, récupéra son 38. Tout en le rechargeant il se hâta vers son père qui le regardait.

Méfiant et efficace, Tom en profita pour inspecter les pièces voisines, alors que Mike s’étonnait devant son père, d’une voix inquiète, bourrée de tendresse.

— Qu’est-ce que tu fais là, p’pa ? Raconte. Qu’est-ce qu’ils t’ont fait ces salauds ? Et pourquoi que t’es là ? Hein ? Pourquoi ? Surtout chez cette racaille de Vaccario ! Est-ce que t’aurais découvert quelque chose sur lui ? Hein, p’pa ?

— Te voilà enfin revenu, murmura le vieux sans oser le regarder à présent qu’il était tout près.

— Oui, je suis revenu, p’pa. Hier soir. Et je comptais bien te voir… Dis-moi. Qu’est-ce que tu fais là ? Hein, p’pa ? Est-ce que c’est ce fumier de Vaccario…

Tout en parlant, il tranchait les liens qui maintenaient son père à la chaise. Puis, avec ménagement, il l’aida à se lever, vit qu’il avait du mal à poser son pied déchaussé par terre, gronda en apercevant le fer à repasser sur la table.

— Ils ont osé ? Ils ont osé te torturer ? Oh ! les ordures ! Je vais leur faire payer ça, p’pa. Fais-moi confiance. Ils vont en pisser le sang. Lesquels qui t’ont fait ça ? Hein, p’pa ? Dis-le moi. Est-ce que le gros là-bas…

Une rage meurtrière décomposait les traits de Mike Coppolano, perçait dans le grondement sourd de sa voix. Contre son mur le colosse se tassa sur lui-même. Mais adossé au comptoir, le type en gris qui se comprimait les tripes ricana entre deux élancements qui lui faisaient gicler la sueur du front.