– L’empereur romain Néron (37-68 après J.-C.), despote cruel et fou, persécuta les chrétiens dans des spectacles mettant en scène leur exécution. Il fit incendier Rome et déclama de la poésie en regardant les maisons brûler. Il fit assassiner des milliers de personnes, dont sa propre mère, sa tante, sa belle-sœur, son ex-femme, son épouse et son beau-frère. Puis il fit tuer systématiquement tous les membres de sa famille. Au-delà du viol, qu’il pratiquait fréquemment, ses supplices préférés allaient de l’empoisonnement à la décapitation, en passant par la crucifixion et l’empalement.
– Le roi des Huns, Attila (395-453 après J.-C.), fut surnommé le « Fléau de Dieu ». Il décida de réduire à néant l’Empire romain et pratiqua des tortures raffinées, comme déchirer membre par membre les corps de ses prisonniers. Adepte du cannibalisme, il dévora deux de ses propres fils, et il n’hésita pas à boire le sang de ses victimes. Quand une jeune Française refusa de l’épouser, il la fit supplicier puis mit à mort de manière spectaculaire 11 000 de ses concitoyens. Brûlant et rasant systématiquement les villes qu’il envahit, il fut responsable de la mort de plusieurs centaines de milliers de personnes.
– L’impératrice Wu Zetian (625-705 après J.-C.), d’humble extraction, entra au harem de l’empereur Taizong le Grand à l’âge de 12 ans. Considérée comme l’une des plus belles femmes de son époque, elle devint rapidement la favorite de l’empereur, puis séduit aussi son fils, Gaozong, dont elle eut un enfant qu’elle étrangla, avant de faire accuser de ce crime sa femme officielle. Cette dernière fut répudiée, et Wu Zetian prit sa place. Dès lors, elle se mêla de politique, poussa à la guerre, et força son mari à envoyer ses troupes mater les trois royaumes qui occupaient la péninsule coréenne. Elle dirigea la guerre contre les Tibétains à l’ouest et contre les Turcs au sud-ouest. Elle fit décapiter la majorité des Mandarins et réduisit leurs enfants en esclavage. Puis elle empoisonna l’empereur Gaozong et devint la première femme impératrice. Dès lors, elle fit éliminer toute la famille de la dynastie Tang et créa sa propre dynastie des Zhou. Pendant cinquante ans, elle régna d’une main de fer, organisa quotidiennement des orgies et des exécutions publiques, pratiqua la torture – avec une prédilection pour les mutilations (nez, oreilles, pieds, jambes) – et entretint la terreur dans sa cour comme dans les États limitrophes qu’elle conquit à l’est et à l’ouest.
– L’empereur mongol Gengis Khan (1155-1227 après J.-C.) bâtit le plus grand empire de l’époque en détruisant l’Empire chinois et en envahissant les royaumes d’Europe de l’Est et du Moyen-Orient. Il déploya tout un arsenal de tortures plus abominables les unes que les autres : faire bouillir dans une marmite les généraux ennemis vaincus ou verser du métal en fusion dans les oreilles et les yeux de ceux qui lui manquaient de respect. Il asservit des centaines de milliers de prisonniers qu’on utilisa comme boucliers humains lors des affrontements guerriers afin d’épuiser le stock des flèches ennemies. Il conseilla à ses guerriers de couper les veines de leurs chevaux et d’en boire le sang pour se donner de l’énergie. Au total, Gengis Khan aurait tué entre 20 et 30 millions de personnes, réduisant de trois quarts la population du plateau iranien et des plaines d’Europe centrale.
– L’émir turco-mongol Tamerlan (1336-1405 après J.-C.) fonda un empire basé sur la destruction des villes et les massacres de masse. On estime qu’il aurait tué entre 15 à 20 millions de personnes. Lui aussi pratiquait diverses formes de torture, comme laisser des milliers de victimes suffoquer lentement jusqu’à mourir étouffées, ou obliger des milliers d’hommes à sauter du haut d’une falaise sur des piques. À Bagdad, il fit décapiter pour l’exemple 90 000 civils ; il fit de même avec 70 000 personnes à Tikrit, 70 000 à Ispahan, et 20 000 à Alep. Afin d’inspirer la terreur, il érigea des tours dont les briques étaient constituées des crânes de ses victimes.
– Le prince Jean sans Terre (1167-1216 après J.-C.), qui a inspiré la légende de Robin des Bois, était un homme violent, lubrique et cruel. Il courtisait les femmes de ses vassaux avec qui il eut 12 enfants illégitimes avant d’exiler ou de faire assassiner leurs mères. Il trahit tour à tour son père, ses frères, sa femme, les barons qui s’étaient ralliés à sa cause et finalement son pays tout entier. Ceux qui lui désobéissaient étaient jetés en prison jusqu’à ce qu’ils y meurent de faim. Il augmenta les impôts pour satisfaire ses délires orgiaques et conduisit son pays à la misère. Il mourut finalement de dysenterie.
– Pol Pot (1925-1998), dictateur communiste cambodgien, chef des Khmers rouges, fit tuer 1,7 million de personnes (20 % de la population cambodgienne). Il encouragea les paysans à tuer les citadins et, de manière générale, les analphabètes à tuer les intellectuels. Il considérait que la torture n’avait pas pour seul but de faire avouer la personne, mais aussi de la pousser à réclamer son exécution. Après avoir éliminé ceux qu’il considérait comme anticommunistes, Pol Pot ordonna qu’on disperse à sa mort les morceaux de son cadavre, qu’on détruise tous les documents administratifs le mentionnant et qu’on tue tous les gens qui l’avaient connu, afin d’être sûr qu’il soit oublié, comme s’il n’avait jamais existé.
Edmond Wells, Encyclopédie du Savoir Relatif et Absolu, tome XII.
71.
Une langue râpeuse lui lèche le visage.
Gabriel-femme soulève une paupière et distingue un chat à quelques centimètres de sa pupille, qui pourrait la crever d’un seul coup de griffe bien ajusté.
Il ouvre l’autre œil et découvre la chambre de Lucy éclairée par les premiers rayons de soleil. Déjà d’autres chats accourent vers lui, visiblement affamés.
Ses jambes fines se déploient, quittent le lit et l’amènent vers la cuisine. Ses mains aux doigts graciles versent les croquettes dans les différentes écuelles. Il déclenche la fontaine. Une pensée lui vient avec un léger retard :
« Merci d’être vivante.
Merci d’avoir un corps.
J’espère me montrer digne aujourd’hui de la chance que j’ai d’exister. »
Il se dirige vers le miroir et se reconnaît.
Je suis l’esprit de l’écrivain Gabriel Wells dans le corps de la médium Lucy Filipini. Non, je ne suis pas fou. Non, je ne rêve pas. Non, tout ce qui se passe n’est pas uniquement issu de mon imagination. Oui, cela pourrait être pire.
Debout dans la cuisine, il sent ses poumons qui se gonflent et se dégonflent, il sent son cœur qui bat.
Il ferme les yeux, il perçoit le sang propulsé dans ses veines qui arrive jusqu’à l’extrémité de ses doigts et de ses orteils.
Il ouvre la fenêtre et respire amplement, avant de mettre de nouveau en fond musical l’Adagio de Samuel Barber qu’il apprécie de plus en plus.
On se rend compte de la chance qu’on a d’être vivant quand… on a connu l’expérience de la mort, se dit-il.
Il note cette phrase, réalisant qu’il n’a rien perdu de ses habitudes d’écrivain, consignant les pensées qui pourraient être reprises dans son prochain roman.
Finalement, être auteur est une forme de névrose. Ou tout du moins de pathologie assumée.
Il se souvient qu’il va devoir rendre ce corps fabuleux à sa propriétaire, mais cette pensée, loin de le décevoir, lui donne envie de profiter de chaque seconde, qui recèle tant de possibilités.