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– Je ne sais pas ce que c'est qu'une atmosphère, je suis une femme.

– Pourquoi les femmes…

– Seuls les hommes ont le droit d'être instruits. Une camarade m'a dit qu'il y a des femmes qui savent lire parmi les fonctionnaires attachées au Conseil, mais je ne l'ai pas crue. C'est défendu.

– Vous ne savez pas lire? demanda Jâ stupéfait.

– Bien sûr que non. Maintenant, citoyen, vous feriez bien de passer votre maillot. Et n'oubliez pas qu'il est interdit de le retirer.

Jâ passa une jambe dans le vêtement. La jeune femme rit encore.

– Non, pas comme ça, dit-elle. Je m'y attendais. Il faut retirer votre slip d'abord, vous le mettrez par-dessus.

– Ah, bon! dit Jâ.

Il regarda fixement la jeune femme.

– Eh bien? dit-elle.

– Vous restez là?

– Oui, pourquoi?

– Pendant que je m'habille?.

Elle ouvrit de grands yeux et haussa les épaules.

– Ah oui, c'est vrai! Si ça peut vous faire plaisir, je passe dans la pièce voisine. Vous autres, Terriens, vous avez de ces pudeurs! Je ne comprendrai jamais, dit-elle en sortant.

Jâ sourit en regardant la porte redevenir opaque. Il passa son maillot qui le moula aussitôt à la perfection et mit son slip par-dessus. Pour la tête, il ne sut comment faire, l'étoffe restait béante sur la nuque.

– Hé! cria-t-il.

La jeune femme revint. Jâ désigna son cou.

– Comment s'y prend-on?

– Laissez. Ça va se souder tout seul dans dix minutes. Jâ se leva du siège où il s'était installé pour s'habiller. Son geste le précipita en l'air, il se cogna fortement la tête au plafond et retomba sur le sol. Sa chute donna une impression de lenteur.

La jeune femme étouffait de rire.

– Vous trouvez ça drôle! s'emporta Jâ.

– Ça, je l'attendais aussi, hoqueta la femme. Les nouveaux arrivants le font tous; ça m'amuse. Vous avez oublié de remettre vos cothurnes.

«Elle est complètement idiote», pensa Jâ. Il chaussa les lourds cothurnes qui le grandirent de dix centimètres.

– Maintenant, laissez-moi faire, dit l'habilleuse.

Elle passa sur le crâne et le visage de Jâ une petite éponge imbibée d'un liquide tiède.

– Qu'est-ce que vous faites?

– Vos cheveux et votre barbe commençaient à repousser. Il faudra vous passer du Dépil tous les mois.

Elle recula de quelques pas et détailla Benal.

– Maintenant, vous êtes bien, dit-elle. Vous êtes même très bien! Et moi, comment me trouvez-vous?

Jâ rougit un peu en évitant de porter les yeux sur le corps de la jeune femme.

– Vous êtes très jolie, dit-il gentiment.

Elle n'était pas laide. Elle apprécia vivement la remarque de Jâ et sourit.

– J'ai envie de vous demander si vous vouliez me prendre pour femme, je serais bien contente. Je m'appelle Sore, numéro A.G.4172. Vous vous rappellerez?

– Sûr, dit Jâ ahuri.

– Chic! dit-elle en levant les bras au plafond, dans un geste enfantin. Maintenant, vous pouvez sortir. A bientôt

Jâ s'empressa de filer par le couloir.

– Eh bien, mon vieux! murmura-t-il, les déclarations sont rapides, ici.

Un pas pressé retentit derrière lui. Il se retourna. Le drôle de petit numéro A.G. quatre mille, etc… lui courait après.

– Vous oubliez votre laissez-passer, criait-elle en brandissant un papier.

Jâ lui épargna la moitié du chemin. Elle devint rouge de confusion.

– Oh non, citoyen, ne vous donnez pas la peine, voyons! Je suis une femme.

Elle lui donna le laissez-passer.

– Merci, dit Jâ.

Il hésita et ajouta gauchement

– Eh bien, au revoir.

Elle avança la main et lui caressa le bras.

– Au revoir, M…Maître! vous permettez que je vous appelle déjà comme ça?

– Maître? dit Jâ. Oh oui, bien sûr!

– Chic! explosa-t-elle en battant des mains.

Elle s'en alla en trottinant. «Si elles sont toutes comme ça, ça promet, pensa Jâ».

CHAPITRE XIX

Jâ suivit les flèches indiquant la sortie et pénétra dans une pièce circulaire. Deux hommes s'approchèrent de lui. Ils portaient à la ceinture une espèce de tringle de métal brillant terminée par une petite boule, rappelant dans l'ensemble un fleuret. Il apprit plus tard qu'il suffisait de braquer l'arme sur quelqu'un pour l'immobiliser.

– Votre laissez-passer, citoyen!

Jâ le leur donna..

– Vous pouvez sortir! Ce citoyen vous conduira.

Jâ se retourna et aperçut un autre homme qu'il n'avait pas encore remarqué. Celui-ci s'approcha.

– Vous êtes bien Jâ Benal?

Jâ inclina la tête. L'homme lui tendit la main.

– Las Tem! Je suis chargé de faciliter vos premiers contacts avec notre civilisation. Voulez-vous me suivre?

Ils sortirent dans une allée bordée d'arbres.

– Ma parole, dit Jâ, ce sont des tilleuls!

– Nous avons beaucoup d'arbres dans la cité, sourit Tem.

Jâ regarda le ciel. D'énormes étoiles brillaient dans le ciel noir autour de la Terre énorme, jetant sur le sol les ombres nettes des tilleuls.

– Mais nous sommes dans le vide! dit-il.

– Vous n'y êtes pas. La cité est bâtie dans un immense cirque naturel fermé en haut par un dôme transparent de trois kilomètres de rayon. Ce dôme est soutenu au milieu par cette grande colonne que vous distinguez là-bas. Ici, nous pourrions vivre sans maillot, nous sommes dans l'air.

– J'ai tout à apprendre.

– En effet… Dites-moi, j'ai beaucoup intrigué pour arriver à me faire désigner comme votre guide. J'ai toujours eu envie de connaître un Terrien de mon âge. Les vieux ne parlent pas de leur passé. Si vous me parliez de la Terre.

– Vous êtes né ici?

– Oui.

– Je ne sais que vous dire sur la Terre, mon vieux. Je suis encore tout étourdi par mes aventures et par tout ce que je vois autour de moi.

– Bien sûr, pas aujourd'hui! Je voulais simplement vous demander si ça ne vous ennuierait pas trop de me revoir de temps en temps pour me parler de là-bas, quand vous serez un peu moins secoué.

– Tant que vous voudrez.

– Merci. Et maintenant, posez-moi les questions que vous voudrez sur la Lune.

– J'en ai tellement en tête que je ne sais pas où commencer. D'abord! où allons-nous?

– Chez vous. La demeure qui vous a été assignée est voisine de la mienne.

– C'est encore loin?

– Nous sommes presque sortis du quartier administratif, ce ne sera plus long.

Ils prirent une rue animée. Des hommes, des femmes allaient et venaient d'un pas pressé entre deux falaises d'immeubles percés de milliers de hublots, étageant leurs dômes transparents et leurs terrasses à des hauteurs variées. Aucun véhicule n'était visible. Des marronniers d'une taille surprenante poussaient au milieu de la rue. Par instants, on voyait planer au-dessus des maisons de bizarres boites de verre. Tem remarqua l'étonnement de Jâ.

– Vous en aurez une, dit-il.

– Une quoi?

Tem pointa son doigt vers le ciel, désignant un appareil.

– Une antigé.

– Vous volez partout avec ça, même dans le vide?

– En principe oui, mais il est défendu de s'en servir hors de la cité, elles sont trop fragiles pour résister au choc des météorites. Pour sortir, nous en avons de plus solides, comme celles qui sont allées vous repêcher dans la chaîne de Pluton.

Tout à coup une cloche sonna. Tem arrêta son compagnon.

– L'heure des imprécations! dit-il. Faites comme moi.

Il regarda en l'air. Tout le monde s'immobilisait dans la rue et levait les yeux vers la Terre. Un murmure passionné monta de la foule:

«Terre, qui nous es refusée!

Nous avons faim de toi comme du fruit pendu à la branche,

(Ils deviennent tous cinglés! pensa Jâ).