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La petite tige métallique fila vers la tache rouge, commença à retomber avant de l'atteindre et, tournoyant, en frôla l'extrême bord inférieur. La porte s'ouvrit avec un déclic et Jâ faillit être déséquilibré par la secousse.

Heureux, il s'empressa de redescendre. Le sas était ouvert. Il allait falloir s'attaquer à la deuxième porte.

* * *

Quand Jâ eut rejoint Nira et Terol, il se sentit fatigué. Une sensation d'épuisement le contraignit à s'asseoir sur le sol. Comme dans un rêve, il remarqua que ses compagnons paraissaient également affectés. Il sombra dans une demi-inconscience.

Après un temps indéterminé, il ouvrit les yeux et vit Terol occupé à essayer de faire revenir à elle la jeune femme. Jâ joignit ses efforts à ceux du physicien et Nira s'éveilla enfin.

– Que nous est-il arrivé? demanda-t-elle.

– Regardez-vous, bougonna Terol. Cette sensation d'étouffement était symptomatique, nous avons grandi trop vite.

Jâ compara sa propre taille à celle de la grande porte.

– Je mesure bien dix centimètres, il me semble.

Oui, et nous pouvons nous dépêcher si nous ne voulons pas nous faire prendre. Nom d'un chien!…

– Quoi?

– J'allais oublier autre chose, dit Terol en se fouillant fébrilement.

Il tira de sa poche une petite boîte et en vida le contenu dans sa main.

Il tendit aux autres de petites pilules blanchâtres.

– Avalez-en chacun une, ordonna-t-il…

– Pourquoi faire? demanda Jâ après avoir obéi.

– Pour modifier votre type de bio-ondes, malheureux! Je m'étonne qu'ils ne nous aient pas encore trouvés.

– Vous êtes plein de ressources, Terol, dit Nira.

– C'est possible, avoua le physicien, mais je n'ai guère de présence d'esprit. Eh bien, Jâ, si vous fermiez cette porte derrière nous.

Jâ passa dans le sas, suivi de ses compagnons. Sa taille lui permettait maintenant des prouesses. Sans se fatiguer inutilement à grimper jusqu'à la serrure, il jeta la polyclé en l'air et atteignit la tache rouge du premier coup. Mais la porte ne se ferma pas.

– Elle a touché du mauvais côté, dit Terol, Recommencez!

Au quatrième essai, la porte claqua derrière eux et le sas se vida automatiquement de l'air qu'il renfermait.

Ce fut presque un jeu d'enfant de franchir la deuxième porte et de pénétrer dans la fusée par la même méthode.

– Nous n'avons plus qu'à partir, dit Terol. Mais il faudra attendre d'avoir grandi encore. Je n'aurai jamais la force d'appuyer sur le bouton de départ.

– Nous avons vécu des heures fatigantes, dit Benal. Je propose que nous cherchions une cachette à notre taille en attendant le moment d'agir. D'ici là, n'importe qui pourrait nous surprendre et tout serait à l'eau.

– Avec nos désintégrateurs, nous pourrions soutenir un siège en règle, remarqua Nira.

– Certes, dit Terol. Mais c'est une éventualité qu'il vaut mieux ne pas envisager.

Jâ se glissa sous le tableau de bord.

– Pensez que vous allez encore grandir pendant votre sommeil, dit Terol. Vous risquez de vous trouver coincé là-dessous. Je crois qu'il vaut mieux veiller chacun notre tour. Je vais commencer. Si votre taille prend des proportions gênantes, je vous avertirai.

Jâ protesta. Il voulait veiller le premier. Mais le physicien finit par lui faire admettre que les efforts physiques qu'il avait fournis lui donnaient droit à un repos immédiat.

* * *

Le garde de la terrasse marchait de long en large. De temps en temps, il se grattait la cuisse. Quelque chose le gênait. Il s'accouda au parapet et poussa un faible cri de surprise. Coincé entre lui et la rampe, un angle de l'antigé l'avait meurtri.

Il mit la main à sa poche et en sortit sa trouvaille. Ses sourcils se froncèrent. Il n'avait pas la berlue, pourtant. Il était sûr d'avoir ramassé un jouet grand comme une boîte d'allumettes. Celui-ci était beaucoup plus volumineux. il avait failli déchirer sa poche.

Le garde posa l'objet sur le sol et le regarda d'un air méfiant. Sa surprise s'accrut soudain. Il lui sembla voir l'objet grandir à vue d'œil L'homme se contraignit à fermer les paupières pendant cinq minutes. Quand il regarda à nouveau, l'antigé avait vingt centimètres de long. Le garde siffla doucement entre ses dents et quitta son poste. Il pénétra dans le palais et parla dans le transmetteur.

– Ici, garde de la terrasse. Passez-moi le citoyen Mox. Quoi? Il est occupé? Passez-moi son secrétaire alors. C'est important.

En attendant, le garde jeta un coup d'œil à l'antigé. Celle-ci grandissait toujours.

– Oui? dit le garde. C'est vous? Écoutez un peu ce qui m'arrive. J'ai trouvé une antigé minuscule tout à l'heure. J'ai pensé que c'était un jouet. Mais depuis ce temps-là, elle n'arrête pas de grandir, elle a au moins un mètre de long.

Une voix précipitée nasilla dans l'écouteur.

– Puisque je vous le dis, dit le garde avec mauvaise humeur. Je ne suis pas fou… Bon, je vous attends.

Il quitta le transmetteur et revint à l'antigé. Celle-ci paraissait avoir stoppé sa mystérieuse croissance. Le garde s'assit sur le parapet et ne quitta pas l'objet des yeux.

Au bout de quelques minutes, un homme apparut sur la terrasse. Il était suivi de deux officiers des gardes. Il considéra pensivement le petit appareil et se fit répéter l'histoire de sa découverte. Enfin, il prit une décision.

– Suivez-moi, dit-il aux hommes qui l'accompagnaient. Et vous, ouvrez-moi le hangar.

Ils fouillèrent minutieusement le hangar sans rien trouver de suspect. Ils s'approchèrent de la porte du sas.

– Ouvrez-moi ça, commanda l'homme.

CHAPITRE XXXIII

– Qu'est-ce que…? fit Jâ.

Puis il se tut, le visage grave, Terol avait mis un doigt sur ses lèvres.

– On vient! souffla-t-il. Laissons-nous glisser dans la soute à bagages.

Les trois amis sautèrent à l'étage inférieur par une ouverture circulaire. Ils se blottirent dans les angles les plus sombres de la petite pièce.

Bientôt, ils entendirent claquer la porte du sas. Puis des pas lourds ébranlèrent les cloisons métalliques de l'appareil. Après avoir déambulé quelques minutes dans la chambre de pilotage, les pas se rapprochèrent de la soute à bagages. Les fugitifs braquèrent leurs désintégrateurs sur l'ouverture supérieure.

Un visage tendu se pencha au-dessus d'eux, une lampe balaya rapidement le plancher de son faisceau lumineux.

– Personne! dit l'homme. Je…

Il s'interrompit et éclaira un point précis de la pièce.

Nira se sentit enveloppée de lumière. Elle tira. La tête du garde pendit lamentablement vers le sol où son casque tomba avec bruit.

– Ils sont là! clama une voix.

Le cadavre disparut, tiré sans doute par les autres gardes. L'ouverture redevint vide.

– Ils sont armés, dit la voix, ne vous montrez pas. Vous! Allez donner l'alerte.

Jâ jeta un bref regard à Terol, puis il se précipita sur l'échelle métallique. Sa taille réduite ne lui permettait pas d'y grimper normalement. Il s'éleva par une vingtaine de rétablissements successifs de barreau en barreau.

Accroupi sur le dernier échelon, le jeune homme se dressa peu à peu, puis il passa lentement son désintégrateur au-dessus de sa tête et tira au hasard dans la chambre de pilotage.

Un cri retentit, puis un bruit sourd. Et brusquement, toute la fusée fut ébranlée par une terrible secousse. Jâ retomba en arrière et s'évanouit.

* * *

L'imposant visage de l'Ancêtre s'étalait sur l'écran situé dans le bureau de l'Excellence. Le gros homme était plié en deux devant son maître. A ses côtés, dans la même position servile, se trouvait un autre homme.