« Là, voilà ! T’es parfait’ment à point pour toucher ton bon d’caisse, la mère ! Soye aimab’ : guide M’sieur Popaul jusqu’à la suite présidentielle. Gaffe qu’y rentre pas d’poils en même temps que lui, ça m’le rayerait biscotte il est encore plus chauve que M’sieur Daniel Boulanger, l’académicien. Bien. Croive pas qu’j’vas arquebrouter ! Pas de ça, Lisette : force et souplesse. Milord rentre chez lui sans ses fractions, su’ la pointe du nœud : c’t’un délicat. La sauvagerie, il laisse ça aux Cosaques ! La baisouille franchouillarde, ma jolie. Normande ! Donc la vraie.
« Voilà, tu le sens mon gros raminogrobis qui te chuchote dans la moniche ? Tu croirerais le clapotage des vagues su’ l’lac du Bourget. Féerique, non ? Ah ! tu vibres, hein ? Ça t’intéresse mieux qu’un discours de Maurice Chirac ! Assure bien ton assiette, fillette, il se pourrerait qu’j’ poussasse les feux. Quand je frénésise, moi, j’ai du mal à r’tenir la telage. Voilà, c’est parti pour la gagne ! Mon infanterie pilonne l’arrière d’tes positions. Dis, la petite mémé, c’est pas ta joie d’viv’ qu’je te pratique là ? Non, surtout gueule pas, tu risquerais d’alerter ton vieux ! Comment ? Il est constipé des feuilles ? Ah bon ! Nanmoins t’as des voisins !
« Mais qu’est-ce y s’passe ? Oh ! dis : ta chienne qui m’lèche les noix ! C’t’affectionneux, ces p’tites bestioles, hein ? Tu peux pas y dire d’rester tranquille, ça m’fait marrer, la chatouille. Elle s’appelle comment t’est-ce ? Finette ! Voilions, Finette, laisse mes roustons peinards ; on n’joue pas av’c ça, c’est des choses sérieuses ! Allons bon : l’oignon, maint’nant. C’t’une vraie gourmande ! On m’avait dit : les fosse-terriers, c’est viceloque ! Toujours la truffe au cul d’quéqu’un !
« Attends, môme, bouge plus : v’là du monde. J’t’le conjure, reste immobile, j’t’ finirai dès qu’y s’ront r’partis. Et ta pute de chienne qui me tire des grands coups de langue râpeuse su’ l’filet, merde ! »
Le Mastard se tait, because une voiture a pénétré dans l’impasse, y a manœuvré comme si elle entendait repartir, mais elle stoppe au niveau de la bagnole de Joël Larmiche. Le conducteur coupe les gaz et les phares. Il descend de son siège, suivi d’une fille vêtue on ne peut plus court de collants noirs, d’une jupe-culotte à peine plus étoffée qu’un slip et d’un manteau trois-quarts en fourrure. Détail croustillant : elle porte des cuissardes noires, moulantes comme des gants de chevreau.
Le couple marche jusqu’à la grosse tire ricaine. L’homme sort de menus outils de sa poche et entreprend de libérer le verrouillage central. Pendant qu’il s’active, sa camarade fait le guet.
Elle chuchote :
— C’est impressionnant, ces statues au clair de lune.
Son panoramique stoppe sur le groupe Béru-femme du sculpteur.
— Tiens, il fait dans l’érotique ! note-t-elle.
Elle va pour s’approcher du couple uni par la levrette éternelle, mais son ami la rappelle à l’ordre :
— Dis, on n’est pas au musée, Charlotte !
Alors elle revient à lui.
Il a ouvert et l’un et l’autre pénètrent dans la tire du dealer : l’homme à l’avant, Charlotte à l’arrière. Les voilà qui se mettent à jouer les fourmis, examinant tout avec componction. Quand ils en ont terminé de cette inspection, ils sortent, enlèvent les banquettes et les dossiers afin de poursuivre plus loin leur exploration minutieuse. Mais ils doivent rester sur leur faim car ils rouscaillent à mi-voix.
Béru, toujours dans les fesses de la dame au fox-terrier hardi, commence à prendre des fourmis dans le virevolteur de complaisance. Quant à sa partenaire, à gestes insensibles, elle recule pour que s’engage plus avant le chibre monumental de sa nocturne rencontre. Finette continue de savourer l’incomparable rectum béruréen, mais elle a la judicieuse initiative de procéder sans bruit ni clapage intempestif, en chienne bien élevée qu’elle est.
Les visiteurs du soir remettent maintenant les banquettes en place et vont ouvrir le coffre. Bien que celui-ci soit vide, ils en explorent les recoins : roue de secours, trousse à outils, tas de chiffons, boîte à chaînes pour la neige. Mais décidément ils ne trouvent rien de ce qu’ils sont venus chercher. Alors quoi, que veux-tu qu’ils branlent dans ce jardin où les statues baisent ? Ils remontent dans leur carrosse et se font la belle.
Toutes affaires cessantes, Bérurier qui commençait à se les geler, se les réchauffe et la promeneuse de chienne lubrique dérouille une bitée farouche qui la fait gueuler nonobstant les adjurations du Gros !
Tu vas trouver que je m’exprime grossièrement, et j’en conviens extrêmement volontiers, mais tu voudrais écrire ou parler comment, toi, dans le monde décati, le monde de catins au sein duquel nous tentons de gérer nos pauvres restes ? Tout est si abominable et foutu ! Pernicieux et obstrué ! Déshumanisé et poisseux ! Egaré chez tous ces occlusés intestinaux ou ces diarrhéiques injugulables. Perdu dans un vivier grouillant de cons barboteurs qui se noient en croyant nager, la langue de Montaigne et de Dutourd n’a plus son efficacité. Les tympans saturés ne perçoivent plus que les jurons. On ne caresse plus les chiens, mais les porcs-épics. Les visages sont devenus inexpressifs et l’on ne réagit plus encore qu’à quelques culs. Même la mort n’intéresse personne. On a beau gonfler les disparitions illustres (et te gonfler avec), elles ne font pas recette. Y a désabusance totale, démobilisation générale. Puisque rien ne peut durer, que tout finisse donc ! A force d’à force, tu sais quoi ? On finit par ne plus s’aimer soi-même, on n’en a rien à branler de son destin !
Quelques extrasensibles s’intéressent un peu à leurs enfants, juste pour dire… N’empêche qu’ils les laissent se camer et leur achètent des motos, acceptent sans broncher qu’ils s’en aillent traîner leurs lattes à travers les hémisphères, les longitudes, pour se forger un moral de clodo, de cloporte. De nos jours, un môme qui sort premier d’H.E.C., ses vieux n’osent pas le dire aux amis et connaissances, tellement que ça fait louche. Leur grande fille est reçue au bac avec mention very well ? On organise dare-dare la conjuration du silence, tant on a honte qu’elle soit pas vaillamment partie pour Katmandou avec les autres, cette brebis galeuse ! La mode, c’est roulasse, pétasse, drogasse, connasse. L’amour ? Ques aco ?
Voilà pourquoi, moi qui sais tout ça, plus le reste ! voilà pourquoi je balance ferme et fort. Y a plus d’oreilles chastes : y a que des oreilles mitées ! Faut pas craindre, mon fils ! Crache-leur bien tes noyaux de mots à travers la gueule ! Et s’il pouvait y avoir un peu de glave autour, ça n’en serait que mieux !
Donc, Béru a dûment assaisonné les meules de la dame au chien. En homme épris d’hygiène, il s’essuie subrepticement le braque avec le pardingue du sculpteur qui semble avoir été soustrait à une invasion de gastéropodes et promet à sa partenaire de la revoir bientôt ; un de ces soirs. Il fera comme le train : il sifflera trois fois sous ses fenêtres. A quoi bon se gêner puisque son Léonard de Vinci a les cages à miel fanées. Il lui recommande de préparer une carouble pour la prochaine, et surtout de laisser son cador bouclarès dans la cuisine, vu que c’est pas joyce de se faire pourlécher le recteur et les aumônières en cours d’ébats. Y a des tordus que ça ferait frétiller de la membrane, mais lui, Alexandre-Benoît Bérurier, il est pas porté sur la zoophilie. Il a bien sodomisé une chèvre, quand il était adolescent, mais uniquement parce qu’elle avait de beaux yeux.
Il envoie une caresse osée à la moulasse en cours d’expertise de la dame. Il embrasse peu, le Mastard, tu remarqueras. Le baiser buccal, c’est pour l’amour vrai, « celle » qui te chancetique le guignol et te laisse des langueurs. Sa prise de congé habituelle, c’est la paluche plongeante entre les cuisses de l’intéressée.