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Naturellement, le prof et son débile cocoricant sont ravis. Nous convenons sans barguigner que Pinaud prendra vingt pour cent de la mise afin de se rembourser des débours concernant notre voyage, et que le reste sera divisé en trois. Car, malgré leur insistance, je décline toute commission, n’étant point homme à monnayer la bite de ses amis. Il existe en moi une grande pureté, concernant le fric et l’honnêteté, qui confine à la maniaquerie. Papa et maman m’ont éduqué ainsi, et mémé de même chez qui j’ai passé bien du bon temps. Respecter le bien d’autrui est un précepte fondamental chez nous autres Dauphinois. Oh ! certes, il y a probablement dans nos campagnes quelques noctambules déplaceurs de bornes ou vendangeurs de vin de lune[5], mais il s’agit là d’une toute petite minorité. Nos paysans aiment trop l’argent pour ne pas respecter celui des autres.

— Eh bien, conclus-je, il ne reste plus qu’à aller prendre des nouvelles de Béru en lui apprenant celle-là.

A peine ai-je décidé qu’un tapage éclate dans le hall, au sein duquel, telle une mère de vinaigrier, agit l’organe inimitable du Gros.

— Y sont laguches, mes potes ? barrit le Mammouth.

Nous nous ruons pour le lui démontrer. Béru s’agite entre deux infirmiers très embêtés. Sa mise est troublante puisqu’il a découpé tout le fond de son pantalon pour laisser s’épanouir un cul énorme et flamboyant, bien plus gros et saignant que celui du chimpanzé qu’on lui destinait.

La chose monstrueuse comprend des boursouflures, par-dessus l’enflure initiale, sommées soit de plaies vives, soit de plaques sanieuses où s’enchevêtrent des filaments de verte purulence.

En nous apercevant, il se calme.

— Les mecs ! sanglote l’Obèse au dargeot simiesque. O mes bons mecs, si vous sauriez l’aventure dont j’viens d’échapper. Ces cons ricains voulaient m’découper l’prose pour m’greffer un dargif d’singe ! V’v’rendez-vous compte ? Béru av’c une courge au der ! Y sont barges dans c’te principauté, merde ! Comment qu’j’ai mis les voiles. Y voulaient m’garder d’force. C’qui les a retiendus c’est d’savoir qu’on habite chez le grand producteur Trucmuche-Levy ! Ici, l’blé, la situasse, ça impressionne davantage qu’alieurs. Pour pouvoir enfiler mon grimpant, j’ai dû pratiquer une ébréchure dans l’fond, mais j’ai gardé l’morcif, histoire d’l’faire estopper. J’sais, maint’nant, c’dont qu’il m’a produit c’te carnerie : la plante d’l’hôtel qu’j’m’ai servi d’ses feuilles v’loutées pour m’détartrer l’oigne. J’vas les attaquer endommagé-enterré[6].

Il respire profondément, s’approche d’un immense miroir soleil accroché dans le hall, ajuste une distance propice et se baisse, le fessier tourné vers la glace, essayant de mesurer l’importance du sinistre à travers ses jambes écartées. Seulement, son ventre… Alors, il se redresse pour opérer d’autres contorsions.

— Importe quel tribunal, voiliant un fion pareil, m’voterera au moins vingt mille balles d’réparation ! affirme-t-il. Y sont pincecornés dans c’t’hôtel d’laisser une plante comme ça en circulation !

Le maître absolu de la Gloria Hollywood Pictures est venu à la rameute, flanqué de son brain-trust.

Ce cul sinistré lui désoblige l’estomac et voilà qu’il se met à vomir dans le décolleté d’une de ses secrétaires.

— Emmenez ça ! Emmenez ça ! enjoint-il à la ronde et entre deux spasmes.

Vite, je prends le bras du Gros.

— Viens, Sandre, dans ton appartement. Nous allons téléphoner à Ramadé, l’épouse de Jérémie, les plantes tropicales vénéneuses, ça la connaît, une fille de sorcier comme elle ; je parie qu’elle aura une recette de perlimpinpin à nous donner.

Telle fut notre première journée à Los Angeles.

5

CHAPITRE FUMIGÈNE

Le dîner fut exquis, le bon J.B. Chesterton-Levy n’y participa pas car il avait une soirée à San Francisco où son jet privé l’emporta. Il nous laissa en gage la belle Angela qui nous coupa le souffle à tous dans une robe moulante en lamé argent qui lui donnait l’apparence d’une sirène. Assis sur un oreiller de duvet, Béru la gratifia de moult compliments, nonobstant son prose aux dimensions de lessiveuse. Elle eut le bon goût d’en sourire et de pousser son devoir d’hôtesse jusqu’à me faire du pied sous la table, ce qui me porta à la reconnaissance.

Le Mastard souffrait un peu moins, Ramadé nous ayant conseillé une décoction dont je te donne la recette pour le cas où il t’arriverait de confondre un basic-instinct-corrosif avec du papier chiottes Lotus. Tu épluches trois bananes, tu les écrases dans un mortier avec un oignon frais, un jaune d’œuf et une aubergine. Tu y ajoutes un verre d’huile d’olive et un verre d’urine de chienne. Une fois que le tout est parfaitement mélangé, tu étales la pommade sur les parties affectées et tu te mets à genoux pendant une heure devant le patient. Ce délai passé, les douleurs s’atténuent et le voilà en route pour la guérison !

N’ayant pas de chienne à disposition, nous compensâmes par de la pisse de chien additionnée d’urine de chatte, et cette entorse à l’ordonnance de Ramadé fut parfaitement tolérée. Le Français qui est ingénieux de tempérament, use souvent de tiers procédés compensateurs lui permettant de retomber sur ses pattes.

Donc, pour en revenir à ce début de chapitre, le repas du soir fut à marquer d’une paire blanche comme disent les prostiputes noires. Jus-je-zan : huîtres pochées au caviar (il y avait tellement de caviar dans chaque coquille qu’on ne voyait plus l’huître !), rosbif sauce Cumberland livré avec des truffes en croûte, testicules de coq en gratin, délice aux fruits rouges. Le tout était arrosé de Dom Pérignon, de Château Talbot et d’un Sainte-Croix-du-Mont de chez Brun Camille 1955 dont on pressentait le cousinage d’esprit avec Yquem.

Exténués par le voyage à longue portée, nous gagnâmes rapidement nos appartements, sans gâcher un aussi beau sommeil par un moka quelconque.

Une fois dans mes draps frais, je crus m’endormir, mais au moment de lâcher la rampe de ma lucidité, il se fit en moi l’un de ces sots déclics qui vous déprogramment sec et, en très peu de temps, vous rendent votre couche insupportable (de logarithmes).

J’eus la sensation confuse d’une présence dans ma chambre. J’allumai : personne ! cependant, cette impression d’insolitude perdura. Mon cerveau fut marqué fortement par la photographie de Martine Fouzitout que m’avait remise Grace, la servante du bon père Machicoule. J’en fus troublé au point que je me levai pour l’aller prendre dans mon veston.

Je me mis alors à la contempler ardemment pour tenter de percer l’énigme que cette fille constituait pour moi, sans que je pusse m’en expliquer la raison.

Son regard, sur le cliché, me lançait un appel, A moi ! A moi qui ne l’avais jamais connue, ignorant son existence jusqu’à ces tout derniers jours.

Qui était-elle, cette ancienne étudiante baisée par son prof surdimensionné ? Une nympho ? Une follingue ? Comment s’était-elle procuré autant d’argent en Californie, au point de se constituer une collection de dessins de maîtres ?

Prostitution ?

J’examinai son corps quelconque, sa gueule de fille triste, sans grande grâce ; rien en elle ne provoquait le désir ; il existait à Los Angeles des milliers de pétasses autrement sexy qu’elle ! De plus, qu’allait-elle fiche dans l’Utah, le premier vendredi de chaque mois ? La source de ses mystérieux revenus s’y trouvait-elle ?

Une fois encore, je tentai de lire les lettres tracées sur le panneau indicateur de l’arrière-plan ; mais il était dans l’ombre déchirée d’un arbre et je ne parvenais pas à en capter les caractères.

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5

On appelle ainsi, dans mon natal pays, les paysans qui allaient chaparder du raisin, la nuit, dans les vignes des voisins.

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6

Le Gros veut-il parler de « dommages et intérêts » ?