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Apercevant Angela, il l’apostrophe :

— Tu voyes, salope, où c’ qu’ ça mène quand tu r’pousses l’homme au lieu d’ l’ morfler dans les miches comme eusse fait un’ dame d’ la bonne société ?

Puis, à moi.

— Si tu voudras qu’ j’ t’ dise, grand, moi et l’Amérique, on n’est pas compatibes. Ils ont des idées dont j’ te jure ! Comme leur combine d’ vouloir m’ greffer un cul d’ singe, j’ t’ d’mande un peu ! Si j’ les aurais laissés faire, j’aurais l’air malin, maint’nant !

C’est là que la capiteuse sonnerie du téléphone retentit dans l’immense demeure et qu’on vient me prévenir que la communication est for me.

— J’écoute ?

Une voix amoindrie murmure :

— Mister San-Antonio ?

— Tout à fait. Qui est à l’appareil ?

— James Smith.

— Quelque chose qui ne va pas ?

— Je viens d’en prendre plein la gueule !

— Une mauvaise nouvelle ?

— Une grêle de coups de matraque.

— D’un flic ?

— Non ; de deux types en smoking. Vous pouvez venir ?

— Bien sûr. Où êtes-vous ?

— Résidence Tequila, sur Sunset Boulevard, très près de Beverly Hills. Faites vite !

— Le temps de sauter dans mon pantalon d’abord, puis dans une bagnole ensuite et je me pointe !

Taudis, tôt fait !

Angela à qui je demande de me prêter le chauffeur, me dit qu’elle va me piloter elle-même, à bord de sa vieille Mercedes décapotable, parfaitement entretenue.

Chemin faisant, elle m’annonce qu’elle va faire jouer l’assurance pour la bite de Béru, la maison qui a équipé les chambres en poupées gonflables est responsable et devra casquer. Selon elle, une bite pareille doit valoir plus d’un million de dollars.

Je lui assure que nous n’avons pas l’esprit chicanier et que nous ne répondrons pas à l’hospitalité par un procès.

Elle me rétorque que je suis un gentleman et que je pourrais être anglais.

Je lui réponds que je préfère n’être qu’une imitation de gentleman et rester français car, entre nous, l’Angleterre, de nos jours, hein ? Y a plus de quoi pénétrer nuitamment dans la case de la mère Zabeth number two pour la regarder roupiller.

Elle en convient.

6

CHAPITRE ÉSOTÉRIQUE INVERSE

L’interminable Sunset Boulevard (100 km) développe ses lampadaires à l’infini. La voie est large, bordée de luxueuses propriétés cachées derrière des frondaisons luxuriantes (et où se pratique la luxure). Après quarante minutes de tire, on se pointe à la villa Tequila, extrêmement ravissante.

Une grille peinte en vert bronze, une large pelouse sur laquelle des soldats rouges et bleus, de je ne sais quelle armée d’opérette, sont figés dans une manœuvre qui pourrait être britannique. Au-delà, une grande maison cubique, blanche, avec des briques vernissées autour des ouvertures. C’est là que l’ultime Smith coule ses heures de repos. Il y a de la lumière plein l’intérieur.

J’actionne le timbre de l’entrée et la grille s’ouvre. Depuis icelle, j’aperçois l’ami James sur la terrasse, qui m’attend. A mesure que je le gagne, je constate qu’il est dans un fichu état. Il était en pyjama de soie blanc, à revers gansés de noir, lorsqu’on l’a agressé. Sa gueule est en compote et son vêtement de nuit plein de sang.

— Merci d’être venu ! m’écrie-t-il du plus loin.

Son pif a doublé de volume, ainsi que sa bouche et ses pommettes.

Il tient un grand verre de scotch à la main et s’en téléphone quelques centilitres à tout instant. Il n’a pas essayé de nettoyer ses plaies, probablement pour se montrer à moi dans tout son dénuement physique. Je le trouve plutôt courageux, ce mec. Combien, dans son état, auraient déjà rameuté la police et se seraient fait driver dans une clinique où se pratique la chirurgie plastique ?

Brève présentation d’Angela.

Il nous fait pénétrer dans un grand living. Il a étendu une serviette de bain vaste comme la place de la Concorde sur un canapé recouvert de chintz blanc pour éviter de le souiller, mais on lit des traînées sanglantes sur la moquette claire.

— Ils ne m’ont pas fait de cadeau, hé ? murmure-t-il avec des lèvres bien plus grosses que celles de Jérémie Blanc.

— C’est le moins qu’on puisse dire. Vous me racontez ?

Il ne se fait pas prier :

— Je venais de m’endormir après avoir visionné une cassette hard quand mon téléphone a sonné. Un homme se recommandant de vous m’a dit que vous deviez me voir de toute urgence pour une question de vie ou de mort et que vous alliez arriver chez moi quelques minutes plus tard. En effet, un quart d’heure après cet appel, on a sonné à la grille. J’ai ouvert et aperçu deux hommes en smoking qui se dirigeaient vers la maison ; l’un deux était grand et, dans la nuit, je l’ai pris pour vous.

« C’est à la dernière minute que j’ai compris qu’il ne s’agissait pas de vous, mais, c’est stupide à dire, le fait qu’ils étaient en tenue de soirée m’a mis en confiance.

« Je les ai fait entrer. Alors, sans un mot, ils ont tiré de leurs pantalons des matraques noires et se sont mis à me frapper comme des malades. C’était si soudain et si inattendu que je n’ai pu réagir. J’ignore si c’est cela, un passage à tabac, toujours est-il que je ne savais plus ce qu’il m’arrivait. Il y avait plein d’étoiles dans ma tête. Ils frappaient avec une telle violence qu’au bout d’un moment je me suis écroulé.

« Alors ils ont cessé de cogner et attendu que je retrouve mes esprits. Quand ils ont vu mon regard lucide à nouveau, le plus grand m’a dit :

« — Voilà, il y a deux solutions. La première, on vous pose quelques questions. Si vous y répondez, on vous laisse comme ça. La seconde, vous ne répondez pas, et on vous achève ; c’est simple et net, non ? »

« J’ai répondu qu’en effet. »

— Et c’était quoi, les questions ? ne puis-je me retenir de demander, tant tellement je suis avide d’en apprendre davantage.

— Le type m’a dit :

« — C’est vous qui avez réglé la succession d’une fille nommée Martine Fouzitout, demeurant à Venice ? »

« J’ai répondu “oui”. Il a poursuivi :

« — C’est un vieux type qui a hérité sa maison ? »

« — Effectivement », ai-je répondu.

« Il s’est agenouillé près de moi et a placé sa matraque en travers de mon cou. Il la tenait à deux mains de chaque côté de ma gorge, et appuyait ; ça m’écrasait le larynx.

« — Comment se fait-il que le grand patron de la police parisienne et deux autres flics de là-bas l’accompagnent ? »

« J’ai dit que vous étiez des amis de Félix Legorgeon. Que ce vieil homme était un peu à côté de la plaque et que vous l’assistiez. Alors ils se sont remis à me cogner dessus en disant que je me foutais d’eux et qu’un homme de votre importance ne fait pas douze mille kilomètres pour tenir la main d’un vieux débris qui hérite une baraque de guingois dans le quartier négro de Venice. Il a ajouté que vous furetiez partout à propos de la Française morte, et qu’est-ce que ça signifiait cet intérêt ?

« Que vouliez-vous que je leur réponde ? Malgré ma physionomie en compote, j’ai tenté de faire bonne figure. Je leur ai expliqué calmement que j’étais notaire, dépositaire d’un testament. Qu’à la mort du légataire j’avais informé l’ayant droit, comme j’en avais le devoir, et que je n’y pouvais rien s’il s’amenait avec le chef de la police parisienne ou même le président de la République française. Que mon métier consistait à rédiger des actes, et pas à m’occuper des gens qu’un héritage passant par mon canal concernait.