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Je suis la belle épouse de pasteur sur l’arrière de la maison, laquelle est en longueur comme un wagon de chemin de fer. Pareille au village, elle a été bâtie selon le principe de la branchette de dattes. Au lieu de maisons bordant une rue, ce sont des piaules bordant un vestibule.

Pas le grand luxe, oh ! que non. Du bois qui grince, qui n’insonorise pas. Du bois disjoint, poreux, au travers duquel tu peux mater d’une pièce dans l’autre. J’ai trouvé ce genre de crèche au Groenland et aussi en Afrique. Note, des constructions de bois, y en a sous toutes les latitudes.

La dame ouvre les deux dernières portes qui se font vis-à-vis, comme dit Mme Lefournaux, la pédicure de maman. Vis-à-vis, c’est son expression d’Ingres, à l’éplucheuse de durillons. On a tous des tics verbaux, j’ai remarqué.

Les deux pièces comportent chacune des lits jumeaux.

Je vais me sacrifier : en prendre une avec Pinuche ; Béru et Félix adopteront l’autre, quant au Marquis de Carabas, il pieutera sur le plancher ; on lui trouvera sûrement une couvrante et un oreiller.

La dame attend mon appréciation.

— Voilà qui est parfait, assuré-je. Puis-je vous demander votre prénom ?

— Ivy.

— J’adore. Moi, c’est Antoine.

Elle répète avec un merveilleux accent :

— Annetouenne ?

— Exactement !

J’ajoute :

— Vos lèvres ont la couleur des framboises mûres et je parie qu’elles en ont aussi le goût !

— Vous croyez ?

Qu’est-ce que tu veux, mon neveu : faut assumer, j’annonce ma bouche. Pelle éblouissante ! J’en redemande ; elle en redonne.

— Après vous s’il en reste ! clame l’organe égrillard du Gros. Dis donc, grand, chez c’pasteur, c’est la maison du bon Dieu !

8

CHAPITRE INTRANSITIF

Son membre tuméfié ne pouvant souffrir le contact d’une étoffe, on a dû fabriquer une sorte de robe à panier au Gros afin que son chibre bénéficie d’un espace vital convenable. Oh ! certes, ainsi attifé, il ne ressemble pas à Marie-Antoinette, mais pour circuler dans un patelin où, le soir tombé, s’organise un carnaval, cette tenue apporte sa contribution à la liesse générale.

C’est Ivy qui, de ses doigts de fée, a confectionné le travesti d’Alexandre-Benoît, épouvantée qu’elle fut, la belle âme, par la vue d’une aussi belle chopine en si cruel état. Femme de cœur, femme d’élite, sans doute négligée par un époux dont je n’ai pas encore aperçu le visage (toujours dissimulé sous son livre), et qui parfois, au mépris de son salut éternel, doit céder aux exigences charnelles avec un partenaire de bonne fortune. Moi, en cette belle occurrence, car je compte bien, demain, dès potron-minet aller lui faire minette à l’heure où les maris — fussent-ils pasteurs — cuvent, libérant ainsi leur conjointe des liens pas si sacrés que ça du mariage.

Curieux comme s’organise, se compose et s’exalte la fête du banc à Morbac City.

Cela commence par des illuminations, naturellement, dont, au jour, je n’avais pas vu l’infrastructure. Des guirlandes d’ampoules de couleur rose cernent chaque demeure et des cœurs immenses, percés de flèches symboliques, sont tendus en travers de LA rue.

Des haut-parleurs brailleurs diffusent des musiques fanfaresques qui meurtrissent les tympans. Des tréteaux sont sortis, sur les planches desquels on amène des boissons variées, toutes alcoolisées. On trouve là du whisky, du punch, de la tequila, et même du vin californien.

Plus tard, les majorettes déboulent : culcul-jupe-ras-de-touffe, corselet rouge semé de cœurs dorés, fanfare que domine ce pachyderme de cuivre qu’est l’hélicon basse. Les baguettes des tambours frappent en cadence et se relèvent pour monter au ras des moustaches. Vient la horde travestie, puis les autres, les vioques, les pattemouilles qui se déguisent d’un nez rouge ou trait de crayon blanc sur la gueule. Drapeau américain ! Mêlées à toutes les sauces, les cinquante étoiles : burlingue présidentiel, la Lune, mon prose-sur-la-commode !

Quand le défilé parvient au fameux banc, il stoppe et entonne l’hymne à l’amour composé par un compositeur de l’Utah nommé Charlaz Navour, d’origine argentine, donc doué pour le rythme. Ces voix ! De toute beauté ; les larmes t’en salent les joues. Les amoureux font la bite (pardon : la queue) pour s’asseoir côte à côte sur ce siège de fonte légendaire. S’y roulent une galoche sous les applaudissements de la foule.

Après quoi, le défilé repart pour un tour, mais en marquant des stations devant les marchands de boissons. Et c’est alors que les libations commencent ; elles dégénèrent vite, au fil de ce chemin de croix, en ivresse collective, puis en noire beuverie. Moines, femmes, vieillards, enfants, tout le monde lichetrogne.

Ivy, embusquée derrière son rideau, regarde déferler la cohorte poivrée. Elle m’explique qu’elle ne supporte pas l’alcool, trouve son usage nocif et son abus dégradant. Son pasteur le tolère mal, mais son ministère lui fait un devoir de se mêler à l’ivresse publique, sinon il serait mis en quarantaine et c’est le Seigneur qui en pâtirait. Elle va le réveiller car il est temps qu’il aille passer une nouvelle couche. Thérapie de choc : café noir additionné d’ammoniaque, puis un bourbon et deux jus de citron mélangés. Après cette double ingurgitance, Marty se prend une douche froide, se rase et repart à la pêche aux âmes.

C’est un type plutôt neutre, au teint blafard, aux gros sourcils bruns, à la calvitie méthodique (lui, il est méthodiste). Il a laissé pousser ses cheveux sur la droite, et les ramène sur le front où il les maintient fixés à la gomina. Détail : il est affublé d’un bec-de-lièvre mal opéré qui donne à sa bouche l’aspect d’un glaïeul. Cela dit, c’est un homme de bonne taille, surtout du côté gauche où son épaule domine la droite de vingt bons centimètres.

Ivy me présente, mais il est encore sonné par sa biture de la nuit passée et ma présence chez lui l’indiffère ; je crois que, même s’il me voyait tirer sa gerce (ce qui ne saurait tarder), la chose ne le ferait pas sourciller.

Ivy l’assiste, lui sort des fringues propres, les lui passe et le fout à la porte ; tout cela en un temps record. Marty, la démarche évasive, s’intègre dans le cortège de soiffards où déambulent déjà mes quatre compagnons.

Nous sommes seuls, la dame et mézigue. J’ai la nuit et ma bite devant moi pour entreprendre cette femme de bonne rencontre, si suave dans sa mélancolie d’épouse résignée. Les femmes frustrées sont les meilleures à prendre. Une fois la lourde bouclarès à trois tours, je pousse un soupir capable de gonfler un pneu de bulldozer.

— Je vais baisser les rideaux, dit-elle, cette cacophonie est insoutenable. Comment peut-on participer à ce triste carnaval ? Les gens sont des enfants, et des enfants demeurés !

M’étant assis dans le canapé où roupillait son jules, je lui tends la main. Docile, elle me la prend, vient s’asseoir à mon côté, se laisse renverser de manière à avoir la tête sur mes genoux. Moment de douce félicité. Baiser, toujours baiser, soit, mais un instant d’abandon ne messied pas, comme disait un égoutier de mes relations. Je caresse doucement son visage, me penche par instants pour lui donner un baiser ou lui en prendre un. Le temps passe. On est cool.

— C’est bon, la France, murmure-t-elle, les paupières baissées.

Comme c’est bien dit ! Ça pourrait être de moi !

En geste de reconnaissance, je fourvoie ma dextre sous sa robe. Elle est nu-jambes ; sa peau est satinée, si douce… Le renflement de sa chatte sous le slip qui doit être blanc chez cette honnête créature. La toison élastique feutre ma caresse. Je tire légèrement sur son entre-deux Renaissance, puis expédie Mathieu et Babylas (mon médius et mon annulaire en chômage) dans des régions vénusiennes déjà noyées de plaisir, comme l’écrit Sa Majesté la comtesse de Paris dans « Quand j’étais jeune fille ou les Mémoires d’Henri III ».