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Un politicard dirait « raison garder ». Un jour, l’un de ces cons a lâché cette vieille formule en se faisant interviewer, et les autres l’ont reprise de volée, car ces enfoirés, n’importe leurs tendances, se piquent tout, sans vergogne, que ce soit leurs idées, leurs mots ou leurs tics.

Tout effort physique répété réclame du combustible ; aussi des gargouillements de ventre, peu gracieux, nous indiquent-ils que la faim se fait sentir. Ivy propose une dînette. Accepté, la grande ! D’où visite à son congélateur. Le désastre de Pavie (1525) ! Cette bouffe ricaine congelée filerait la gerbe à un rat malade. Qu’il s’agisse de poissons, de viandes ou de végétaux, les somptueuses étiquettes des emballages me flanquent une angoisse existentielle.

— Qu’est-ce qui vous plairait, darling ? elle me demande.

Puis-je lui répondre « rien » ?

Dans les cas désespérés, j’ai toujours, tu le sais, le geste qui sauve.

Je déponne la porte du simple réfrigérateur, ensuite celle d’un petit « économat ».

— Aimeriez-vous que je vous fasse de la french food, Lumière de ma vie ?

— Oh ! oui, dit Ivy en battant des mains.

Je me mets à grouper les denrées comestibles que je peux trouver dans ces armoires frigorifiques inhospitalières.

Crois-moi, ça sert d’avoir une maman comme ma Féloche. Bien qu’étant toujours resté simple spectateur, j’en ai emmagasiné, des recettes. Par osmose. Cela dit, lorsque j’étais mignard, je confectionnais des petites bouffes, parfois le jeudi (jour de congé scolaire d’alors). Des gâteaux, surtout, elle me faisait faire, m’man. Avec la peau du lait bouilli, je me souviens. Ou des quatre-quarts fastoches à réaliser. Les calories volaient bas ! Ah ! bonheur, que je n’avais pas reconnu au passage !

La Ivy, je parviens à lui servir une salade niçoise à peu près conforme, et ensuite, des œufs en sauce blanche sur du riz grillé.

Elle méduse pire que Géricault, tant c’est bon. Les Français, elle les voit démiurges, la tendre chérie. Tringleurs émérites, metteurs en fuite de truands, cuisiniers d’instinct. Un peuple de surdoués, elle estime. Qu’en plus on est marrants comme tout, tu trouves pas ? Sans cesse le bon mot aux lèvres ! Des comme nous, tu peux te lever de bonne heure pour en trouver ! Passer des annonces dans le Nouille York Times ou le Los Angeles Tribioune : zob !

Notre souper est adorable. D’amoureux. Je lui donne la becquée ! Elle me caresse le paf ! J’ai négligé le beaujolais en boîte dont le pasteur détenait quelques centilitres, pour boire du whisky (du vrai) en mangeant. Et pourtant, à part la vodka avec le caviar ou le saumon, je ne lichetrogne pas autre chose que du pinard, quand je clape.

L’ayant entraînée dans mon sillage (en mêlant du Coca à son scotch), elle est légèrement grise à la fin de notre bouffement. Alors je me dis que je pourrais peut-être bien joindre l’utile à l’agréable et je prends la photo de la pauvre Martine Fouzitout dans le tiroir du haut de ma veste.

Je lui salade que maman possédait une petite cousine dont elle n’a plus de nouvelles, qui avait quitté Paris pour la Californie. Un jour, elle lui avait écrit de Morbac City en lui adressant la photo ci-jointe ; Ivy se souviendrait-elle de l’avoir aperçue dans la rue principale et unique du patelin ?

Elle saisit l’image et, spontanément, déclare :

— Bien sûr que je la reconnais ; mais il y a déjà un certain temps que je ne l’ai plus revue.

Chère Ivy ! C’est Dieu qui, dans Sa grande et inépuisable bonté, m’a guidé sous votre toit !

— Vous pouvez me parler d’elle, adorable salope[12] ?

Elle continue de défrimer la très ancienne maîtresse du père Félix.

— Elle est venue à Morbac City de temps à autre, mais pendant quelques années.

— Elle passait plusieurs jours d’affilée ?

— Je ne le pense pas. A la longue, j’ai compris qu’elle arrivait par le car du matin et repartait par celui du soir.

— Elle rendait visite à quelqu’un, fatalement ?

— Oui : au cow-boy suisse.

Du coup, mes falots deviennent aussi larges que des phares de De Dion-Bouton.

— Le cow-boy suisse ? répété-je, indécis, et charmé quelque part en présence d’un tel sobriquet, moi si poète de partout.

— Il est très pittoresque, assure-t-elle.

— Vous pouvez me raconter ce type, mon petit cœur embrasé ?

Elle évasive de l’expression.

— C’est un vieil homme d’origine suisse qui vit dans la contrée depuis plusieurs décades. On l’a surnommé le cow-boy à cause de sa tenue, toujours pareille. Il porte un chapeau de cow-boy, une veste de daim effrangée, des santiags, et il s’est fait la tête de Buffalo Bill : moustaches longues, barbiche pointue ; un original, quoi !

— Pour ne pas dire un « timbré » ?

Elle rit et dit :

— Soyons charitables.

— Et c’est lui que ma petite cousine venait visiter ?

— Je les voyais souvent ensemble lorsqu’elle se trouvait ici.

— Où demeure cet étrange bonhomme ?

— A quelques miles à l’ouest, il a acheté un vieux ranch en ruine situé en plein désert. Il y vit seul et ne fréquente personne. Parfois, il vient à Morbac City pour les provisions, mais ne s’y attarde pas. Le temps de remplir sa Jeep déglinguée et il repart, comme un moine dans son monastère.

— Comment se nomme-t-il ?

— Je ne saurais vous le dire ; pour tout le monde, ici, c’est le cow-boy suisse.

— Par où passe-t-on pour aller chez lui ?

— Vous continuez la route deux miles encore après le motel de l’Indien, vous apercevrez alors sa maison, à main droite, au bout d’un chemin de terre. Vous ne pouvez pas la rater, c’est la seule construction où l’on trouve un arbre et quelques buissons.

— Ma parente se rendait chez lui comment ?

— A pied, je suppose. Je vous répète que c’est à deux miles environ d’ici. Peut-être faisait-elle du stop jusqu’à son chemin. Il se peut également qu’il soit venu l’attendre car il la ramenait au bus, le soir.

J’éprouve le besoin de regarder la photo que m’a remise la pauvre Grace ; à cause de cette main d’homme posée sur son genou. Grosse paluche aux tendons saillants, couverte de poils pâles.

Etaient-ils amants ? Parents ? Quels liens étranges les unissaient ? Et pourquoi cette visite mensuelle toujours fixée au premier vendredi ? Visite qui n’emballait pas Martine et qu’elle considérait un peu comme un pensum, aux dires de la servante noire du père Machicoule.

Le repas achevé, je l’aide à desservir. Maintenant que faire ? On ne va pas encore baiser ! J’ai les burnes à plat, moi ! Alors quoi, dormir ? Ce serait la sagesse même. Seulement il se fait un tel boucan dehors, que, pour fermer l’œil, il faut auparavant se boucher les oreilles.

J’emmène néanmoins Ivy jusqu’à sa matrimoniale couche ; l’y allonge, lui fais un petit bisou (je hais ce mot stupide) sur chaque sein, une légère languette sur le clito, après l’avoir bien dégagé de son emballage, de mes deux mains posées à plat.

Puis rabats sa chaste limouille nocturne.

Elle est peinardos pour roupiller. Quand son singe rentrera, il sera murgé à mort et s’écroulera sur le canapé du salon. Ces festivités représentent des espèces de vacances pour elle. Ah ! que d’épouses stagnent dans les grisailles du mariage ! Elles rêvassent en se caressant le doux trésor près de leurs gros sacs à merde de maris. Et la vie passe. Le temps s’enfuit, leur nostalgie demeure. Ah ! baisons, mes amis ! Baisons, baisons sans nous économiser toutes ces malheureuses restées en carafe sur le quai de gare de leurs illusions ! Plantons nos membres actifs dans leurs culs délaissés en leur chuchotant les mots que, depuis qu’elles furent fillettes, elles ont envie d’entendre. Disons-leur l’amour en le leur faisant ! Il s’agit là d’une œuvre pie (3,1416) ; d’une œuvre pine !

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12

Les moins cons de parmi toi auront compris que j’ai énoncé la fin de ma réplique en français.