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« Je passe sur les manigances prodiguées par la respectable femme pour réaliser l’intromission. Vous savez qu’elle doit avoir le fondement en caoutchouc ! Quelle énergie ! Quelle obstination ! Ah ! elles sont pugnaces, les chères âmes, lorsqu’elles se trouvent en rut. J’en pleurais d’admiration, Antoine. La chose confinait au sublime. Mon Dieu ! que d’ingéniosité pour assurer la lubrification de cette impériale biroute ! Que d’automutilations pour s’élargir au-delà du raisonnable ! Comme elle donnait de la croupe, cette exquise sexagénaire ! Mais peut-être est-elle d’un âge plus avancé ? Si vous aviez assisté à ce pathétique acharnement, Antoine ! Une tragédie minière est ridicule en comparaison. J’ai vécu, pendant deux heures au moins, l’imperceptible progression de la bête en cette caverne trop exiguë. Ce cheminement accompli, millimètre après millimètre, me serrait la gorge et si fortement la poitrine qu’à un moment donné j’ai craint un accident cardiaque.

« Enfin, quand elle a eu encaissé son maximum de queue, compte tenu de l’habitabilité dont elle disposait, elle a crié pouce. Seulement, dans ces cas anormaux, la femme commande, mais l’homme jouit. Le marquis Jean-Ferdinand de Lagrande-Bourrée, trop surexcité par la lenteur du parcours, a libéré sa sève avant que cette téméraire baiseuse ait pu profiter de ce pourquoi elle venait de consentir à d’aussi terribles souffrances. Elle a été privée, pauvre chère âme, du bénéfice de son héroïsme. Et à présent — ô comble de l’injustice —, son intime tuyauterie est obstruée. Que faire, secourable Antoine, vous qui connaissez, mieux que quiconque, les démons et impedimenta de la chair ? »

— On sépare les chiens au moyen d’un seau d’eau froide, réfléchis-je-t-il à haute voix. Cette thérapie conviendrait-elle à des humains ?

— Voire !

Déterminé, je me rends dans la maisonnette de la vieille radasse, dont la lourde est restée entrebâillée (au contraire de sa chatte). Dans ce logis misérable, il y a heureusement l’eau courante.

Un grand récipient de plastique est là, qui m’accueille. Deux minuscules minutes plus tard, j’en vide le contenu entre les deux antagonistes. Mémé glapit en trombe (de chasse d’eau) ; le Marquis claquechaille. Mais le phénomène espéré ne se produit pas.

— Il faut un docteur ! déclare Jean-Ferdinand de Lagrande-Bourrée.

Il commence à en avoir sa claque de ces siamoiseries, le descendant des croisés.

— Il a raison ! assure Félix.

C’est dans ces instants où la résignation nous rattrape qu’il me vient une idée.

— Félix, murmuré-je, vous pensez que le sinistre résulte d’une crispation des muscles vaginaux de cette brave femme ?

— L’évidence même, mon cher Antoine.

— Donc, il faudrait anesthésier madame afin de provoquer dans son être un total relâchement qui serait salvateur.

— Probablement.

— Voyons ! ajouté-je en m’approchant de la parturiente bloquée. Vous voulez bien fermer les yeux ? lui demandé-je.

Elle obtempère.

Ce qui me libère l’esprit pour lui décocher un crochet très cordial à la pointe de son menton barbu.

Elle est k.-o. instantanément. Se met à pendre en avant. Un bruit de bouchon de champagne nous comble d’aise, puis voilà la vieillarde à plat ventre sur le sol. Le Marquis et elle viennent de divorcer ! Youpi !

Après cette épique équipée on emporte médème en sa demeure, l’étendons (d’Achille) sur son lit. Poussons l’altruisme jusqu’à coller un linge mouillé entre ses cuisses décharnées, et prenons congé d’elle à son insu.

— Rentrez vous coucher ! conseillé-je au maître et à l’esclave ; vous l’avez bien mérité.

Ils en conviennent. Le cher Jean-Ferdinand de Lagrande-Bourrée marche comme une paire de ciseaux ouverts. Estropié du panard à son tour !

C’est pas de chance pour des mecs qui s’apprêtent à tourner un film « X ». Ils vont se produire dans « Les éclopés de l’andouille à col roulé », mes lascars !

Une fois seul, je me mets à me distancier de la fête. Son grondement, ses clameurs de sauvages pris de boisson me chancetiquent le caisson. J’ai pas trop mélodramatisé, au sujet du méchant clown, mais il me donne à penser, l’artiste. Me fournit la preuve que je suis observé à la loupe d’horloger, filoché de première. Le revolver qui, à présent, fait pendre la poche droite de mon futiau, m’annonce que si ce vilain s’est introduit chez le pasteur Marty, c’était pas pour m’inviter à la Journée de la femme. Il belliquait, le mec. Une arme pourvue d’un silencieux dernier cri n’est pas faite seulement pour intimider l’épicier auquel on veut chouraver la caisse. C’est l’accessoire du tueur, le silencieux. Quand on te braque avec un outil de ce type, n’hésite pas à recommander ton âme à Dieu, car c’est comme si ton Créateur la recevait déjà en port payé !

Embusqué dans un coin d’ombre, je sonde les abords. N’aperçois qu’un couple d’amoureux en train de niquer à la verticale, contre un arbre. La fille est cramponnée au cou du matou, elle a noué ses cannes autour de ses hanches (une virtuose) et c’est elle qui s’active en lançant des petits cris qu’on dirait de rage. Son cul blafard fait la nique à la lune. Le « supporter » lui cramponne les jambons pour assurer sa position infernale. Se laisse prendre, le grand sot, que non seulement il doit dégorger le bigornuche, mais de plus faire des poids et haltères, ce con !

Je les laisse aller au bout de leur propos. Comme ils sont jeunes, la conclusion suit de près la préface. La miss, mollement comblée, remet pied à terre, tandis que le luron décapote son cabriolet. Il lance cette offrande sur une pelouse, remet Mister James dans sa geôle, part d’un grand rire de brute assouvie et entraîne sa partenaire vers le chaudron brûlant de la foire d’empoigne.

J’attends un peu, toujours sur le qui-vive, la mano crispée sur la crosse de l’arme abandonnée par le clown. Mais en dehors du tohu-bohu proche, tout est calme. La lune se vautre sur le désert blanc. Alors, ma pomme, désensommeillé complet par ces multiples péripéties qui rendent mes books incontournables, je me mets en marche sur la route menant au motel (LA route, quoi, puisqu’il n’en existe pas d’autres).

J’arque à pas non cadencé mais rapide. Lorsqu’une bagnole se pointe (à l’avant ou à l’arrière), je saute le maigre talus et me couche jusqu’à ce qu’elle ait disparu.

Le motel est éclairé. Les carapaces des bagnoles luisent dans la nuit. Dans l’un des bungalows, des gens chantent à voix alcoolisées.

Je passe devant les maigres constructions et poursuis mon chemin. L’air reste étouffant. Il n’a pas dû pleuvoir à Morbac City depuis l’assassinat d’Abraham Lincoln en 1865. Ce coin d’univers est sec comme la langue d’un spahi perdu dans le Sahara, ou comme la chatte d’une nonagénaire (passé soixante-dix, pour les faire mouiller, celles-là, faut amener son bidon de vaseline !).

Il me vient une pépie forcenée et je rêve au seau de flotte que j’ai versé naguère sur le monument en viande du Marquis.

Environ deux kilbus et je peux distinguer le ranch du cow-boy suisse, à main droite.

Construction basse, en forme de tortue tapie entre quelque végétation de l’enfer.

Tu sais qu’il est pas feignasse, ton Sana, chérie. Toujours animé de sa belle détermination, il part en direction de l’habitation située à une bonne quinzecentaine de mètres.