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Je résume la vie de Félicie, lui sais gré de ses compliments relatifs à mon prodigieux avancement et lui dis comme quoi, non je ne suis pas encore marié : pas le temps, trop d’affaires sur les bras, trop de femmes des autres dans les bras. Il rit. Faut qu’on va se voir. Et si on se tutoyait ? On se tutoie ! Ouf, je peux arriver enfin à ce qui m’intéresse :

— Dis voir, cousin, votre petit service de renseignements fonctionne bien dans votre grande boutique, à ce qu’on m’a dit ?

Il rigole que c’est pas la C.I.A., mais que pour un département artisanal, il est très convenable.

— Tu pourrais m’obtenir des tuyaux sur un agent du F.B.I. qui possède le matricule 6018 ?

— Sûrement. Tu as son nom ?

— Witley Stiburne.

Il prend note.

— Où puis-je te rappeler, cousin ?

— C’est moi qui te rappellerai, cousin, car je n’ai pas de point fixe pour le moment. Dans combien de temps pourrai-je risquer le coup ?

— Essaie dans une heure, cousin.

— Dis-moi, ça tourne rond chez vous ! Faut dire que votre ambassade est si belle !

— Tu connais ?

— Et comment ! C’est une des plus belles du monde[21].

On se dit « cousin » encore quatre ou cinq fois, de part et d’autre, comme il sied à deux lascars qui viennent de prendre la décision de s’appeler de la sorte, et je raccroche, tout ragaillardi par le gendre de la cousine Mathilde ; une vieille acariâtre que ma Féloche n’aime pas beaucoup parce qu’elle est chicanière et daube sur tout le monde.

Un léger quart d’heure après cet appel, Angela émerge sur le toit voituré de l’immeuble.

« Belle et sûrement efficace », songé-je en la regardant s’avancer de sa démarche souple et naninanère (ajoute les mentions superflues qui pourraient te faire goder).

Un soleil pour publicité-de-jus-de-fruits-à-boire-très-frais l’illumine. Y a vraiment des nanas superbes sur cette planète ! Dire que j’aurais pu naître sur Mars ou Jupiter !

Elle a déjà la langue à demi sortie quand elle me rejoint. Je lui joue « la pelle de la forêt », coup de badigeon sur la voûte dentaire, nous nous embrassons jusqu’à nos molaires, en même temps, et c’est pas fastoche !

— Ça devient de la passion, dit-elle. J’ai une envie de vous qui me fait trembler.

J’ouvre la portière arrière, l’agenouille de guingois sur la banquette et me mets à la fourrer à la photographe d’avant-guerre, depuis l’extérieur.

Pile que je l’accomplis, un léger coup de klaxon m’alerte. C’est un vieux birbe, type sénateur ricain : chevelure blanche, lunettes à monture d’or, au volant de sa Mercedes.

— C’est bon ? il me demande.

— Délectable ! Mais je regrette, y en n’a pas pour deux !

— Par-derrière, c’est plus performant ! dit ce monsieur affable.

— Ah ! ce n’est pas à la portée de toutes les bourses, conviens-je.

— Aussi, je ne m’y risque plus, avoue-t-il peur de ne pas tenir la distance.

— Tout dépend de la partenaire !

— Moi, la dernière fois que j’ai pratiqué de la sorte, la femme avait le sexe situé trop en avant et les fesses rebondies, si bien que je me trouvais en situation instable. J’étais tellement préoccupé par cette configuration que je me suis senti mollir, progressivement, et dans ce cas précis, vous ne récupérez plus votre érection, c’est la panne irrémédiable.

— Sale blague ! dis-je.

— Ça ne vous est jamais arrivé ?

— Non, mais vous faites tout pour que ça m’arrive, avoué-je. Heureusement qu’elle est superbe et qu’elle me fait le casse-noix avec son sexe. Engagé dans ce délicieux étau, je suis en sécurité comme si je portais une prothèse.

— Je comprends, ça doit être bien ?

— Royal !

— C’est elle qui gémit comme ça ?

— Non : la banquette. Cette Pontiac a plus de vingt ans !

— Elle est bruyante quand elle démarre ?

— La Pontiac ?

— Non, votre amie ?

— Je n’appellerai pas ça du bruit, tant c’est mélodieux.

— Y en a pas beaucoup qui prennent leur plaisir avec grâce.

— Je vous l’accorde : c’est rarissime.

— Vous pensez qu’elle va bientôt jouir ? J’ai rendez-vous dans trois quarts d’heure à Malibu et je ne voudrais pas rater ça.

— L’orgasme ne devrait pas tarder, d’autant que je lui ai déjà fait l’amour à trois reprises tout à l’heure. La répétition engendre la rapidité.

— En ce cas, si vous n’y voyez pas d’inconvénient, je vais attendre, quitte à téléphoner pour m’excuser de mon retard.

— Comme vous voudrez, réponds-je. Quand on se risque à faire l’amour dans un lieu public, il faut s’attendre à avoir des spectateurs ; bien que le voyeurisme ne m’excite pas, il ne me perturbe pas davantage.

— Là encore, je vous admire. Un jour que je faisais l’amour avec ma pédicure, quelqu’un est intervenu, qui m’a parlé et fait perdre contenance.

— Il faut pouvoir se raconter des histoires pour passer outre les importuns.

— Dans le cas en question, c’était impossible car il s’agissait de ma femme.

— Evidemment, le problème est transcendé. Attendez, je crois qu’elle commence à vibrer.

Il se tait. Très peu de temps. Hasarde :

— Vous ne pourriez pas la reculer un tout petit peu pour que je puisse admirer son agitation dans la phase finale ?

— Vous savez, elle a ses appuis, ce n’est pas le moment de la déstabiliser.

— Quelques centimètres suffiraient.

Etant un être courtois, j’amène la croupe de ma chère Angela vers l’extérieur.

— Merci ! lance le témoin passionné ; ne touchez plus à rien : c’est bon pour moi, vous avez le feu vert !

Le feu, Angela, c’est plutôt au cul qu’elle l’a ! Brusquement, elle pique un sprint effréné. Là, je ne peux plus parler ; me voilà parti pour franchir le point de non-retour.

Elle se met à roucouler des plaintes que ni flûte de Pan ni cithare d’Europe centrale ne sauraient reproduire. C’est long, mélodieux, déchirant et d’une sensualité insoutenable.

Partis séparément, c’est ensemble que nous atteignons la ligne d’arrivée.

Superbe, époustouflant.

Le conducteur de la Mercedes applaudit par la portière.

— Jamais rien contemplé de plus beau ! dit-il. J’ai assisté à un concert de Pavarotti, le mois dernier, c’était de la merde comparé à ça ! Maintenant, il faut que j’annule mon rendez-vous de Malibu pour aller faire un tour chez « Darling Chérie », la Française. Elle a reçu des petites pensionnaires très convenables.

16

CHAPITRE MOBILE

L’amateur éclairé s’en va et c’est alors que se présente un grand gueulard en combinaison rouge et blanche : le préposé du parking. Il a une tronche précolombienne d’hydrocéphale inabouti, des cheveux et des yeux d’albinos et il bave en parlant comme un gastéropode en pèlerinage sur le Lac Salé.

— J’ai tout vu ! me dit-il. J’étais là entre deux voitures.

— Espèce de voyeur !

— Me parlez pas comme ça, sinon j’appelle la police et vous vous expliquerez avec les flics sur cet outrage à la pudeur.

Il ajoute, sans ciller :

— A moins que vous me filiez vingt dollars.

— C’est votre tarif ?

— Et même je me demande si je vais pas vous en réclamer cinquante, car y a eu exhibition. Le vieux de la Mercedes, je le connais, c’est un abonné ; il pourra témoigner. C’est passible de prison, votre putain de séance !

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21

Et je le pense !