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L’idée me semble judicieuse devant le critique de la situation. Le Casanova de Venice (je dis bien « Venice ») sort chercher sa conquête.

Comme cette pièce pue atrocement le sang et la mort, je propose à la Pine d’aller attendre dans le séjour.

— Un instant, répond le Sagace. Tu m’avais chargé d’une mission particulière : trouver une hypothétique cachette dans cette maison…

— Au lieu de la chercher, tu as roupillé, riposté-je.

— Ne sois pas injuste, ni malveillant, Antoine.

— Objectif seulement, papa.

Je le peine, sa nouvelle cigarette, toute neuve, pas encore allumée, tremble entre ses lèvres minces.

— Ne prends pas la mouche, Don Diègue ! Je te charrie.

— Tu m’avais dit de chercher, j’ai cherché !

— Et tes recherches n’ont rien donné ?

— Non, admet ce loyal ami.

— Bon.

Il tourne vers moi son ineffable visage de bélier castré qui, avec ses rognons, a perdu tout esprit belliqueux.

— C’est quand j’ai cessé de chercher que j’ai trouvé, mon petit. Ah ! l’enseignement de la vie !

— Tu as trouvé quoi, où, quand, comment ?

— Pendant que je me tenais à ton côté contre le mur, les bras levés. Cette position me fatiguait, surtout l’épaule gauche que l’arthrite malmène. Pour m’aider à conserver la position, j’ai accroché mon petit doigt de la main gauche au crochet soutenant ce dessin de Magritte qui représente un arbre dépouillé, en forme de placard ouvert, ayant une feuille à l’intérieur.

« A ma grande surprise, j’ai constaté que ledit crochet sert aussi de fermeture au panneau sur lequel est fixé le dessin. L’astuce c’est qu’il est infiniment plus grand que celui-ci. Des tableaux masquant une porte secrète de coffre mural, c’est classique, banal même. Mais un tableau qui est, en fait, la serrure d’une grande cachette, voilà qui est plus affûté comme astuce, non ? »

Joignant le geste à la parabole, il va décrocher le dessin, puis il actionne le fameux crochet et tire. Une porte invisible, car elle est constituée de frisettes de bois dont les dimensions sont identiques à toutes celles qui recouvrent les murs, s’ouvre, dévoilant un placard muni de rayonnages chargés de dossiers.

18

CHAPITRE GLAUQUE

Le médecin hoche le chef, ayant passé l’âge de le branler. Il regarde avec une attention scrupuleuse les trois extraordinaires sexes proposés à son examen et à son savoir.

— Du jamais vu, marmonne-t-il (car ce sont les Savoyards qui marmottent).

Il les prend alternativement dans ses mains gantées de caoutchouc. L’on dirait qu’il examine des éléphants souffrant de la trompe. Il les cueille par ordre d’importance : celui de Bérurier pour commencer, puis celui de Félix et, pour terminer son étrange revue, celui du Marquis de Carabas.

Il pousse la condescendance jusqu’à les soigner, assisté d’une exquise infirmière noire aux formes alléchantes. Ce qui lui vaut la remarque suivante du Mammouth :

— Mande pardon, Doc. Est-ce serait-il possib’ que ça soye la Miss qui me tenasse l’ memb’ ; vous sucrez les fraises et j’ craindrais d’avoir une irruption bandante, ce dont j’ voudrerais pas qui vous vous méprisiez su’ mes mœurs.

Mais le toubib parle mal le français et pas du tout celui du Mahousse.

A la fin de la consultation, il se tourne vers Harold J.B. Chesterton-Levy.

— Ces comédiens sont inaptes à tourner le scénario que vous nous avez soumis, avant un laps de temps s’étalant de huit jours, pour le gros, à deux mois pour le jeune, déclare-t-il.

Il est l’expert mandaté par la compagnie d’assurances qui « couvre » les trois protagonistes du film érotique prévu et que notre bon produc a saisie devant la carence des « acteurs » engagés.

— Bien, fait-il. Comme les comédiens ont d’autres engagements signés ailleurs pour les mois à venir, le contrat me liant à eux est rompu et votre putain de compagnie devra me rembourser les frais engagés.

Le praticien hausse les épaules en signe de « ce-ne-sont-pas-mes-oignons ». Béru qui s’en ressent pour sa petite assistante noire, essaie de palucher celle-ci en douce, mais la mère Cathy qui assiste à la séance, défend sa chopine plus âprement que Jeanne Hachette défendit Beauvais contre le Téméraire, en 1472 (si mes souvenirs et le petit Larousse sont exacts).

Elle intervient :

— Si je pars en France avec vous, darling chéri, c’est pour une existence sérieuse.

Je traduis.

Le Gros rigole grand comme l’Arche de la Défense.

— Ces putasses rangées de voitures veuillent toutes r’deviendre pucelles, alors qu’é z’ont la babasse plus large qu’un’ porte d’ grange ! Dis-y qu’ c’est pas pour jouer « Remets-l’eau et Juillet » qu’ j’ l’embarque, mais pour faire femme-d’ménage-partouzeuse chez moive. La Berthy qu’est salingue à ses heures, déteste pas qu’on lu mignarde l’ogne à la menteuse ou au salsif du temps qu’ é m’ ch’vauche l’ poney sauvage ! D’ même, quand j’y déguste la r’moulade, elle raffole brouter un’ dame qui l’acalifourche. D’autant, dans l’ cas d’ Cathy, qu’y s’agite d’une coloriée-voumanesse, ça pimente.

Je l’abandonne à ses problèmes de couple et vais prendre congé d’Angela. J’aimerais lui tirer mon feu d’artifice d’adieu à cette inoubliable qui aura tant fait pour moi. Mais son singe est rentré de ses équipées moscovites et ils ont un agenda qui n’est pas chargé à blanc !

Je la prends dans mes bras et lui donne des baisers humides dans le cou, là où se risquent des cheveux fous échappés au domptage du hairdresser.

Elle frissonne.

— Vous me téléphonerez, mon amour ? La nuit je suis toujours là et, avec le décalage horaire, ce sera le jour pour vous.

— Juré ! réponds-je.

Sincère.

Mais avec les arrière-pensées de l’expérience.

Je le sais mieux que quiconque que « loin des yeux, loin du cœur ». Les êtres qui résistent à l’absence et demeurent intacts dans ton cœur se comptent sur l’annulaire d’une seule main.

Certes, je lui téléphonerai… Le jour de mon arrivée, et puis la semaine suivante. Et peut-être encore une ou deux fois, à la suite d’un coup de vague à l’âme, croyant qu’elle en est l’objet, m’apercevant que non, après avoir raccroché. Tant va l’homme à la cruche qu’à la fin elle se casse. Oh ! vie, qu’il est profond ton silence et qu’elle est conne ta bruyance.

* * *

Deux heures plus tard, nous sommes à l’aéroport, au grand complet, en beaux complets ; rutilante équipe sur le retour. Surtout en ce qui concerne Félix et César !

Et toi, lecteur interloqué de te dire, avec incrédulité, mais te le disant quand même « Non, sans blague, ce con d’Antonio va pas nous laisser quimper comme ça, sans nous cracher le fin mot de la fin ! Il est tellement jobastre, quand il s’y met, cet oiseau, qu’il en serait tout à fait capable ! »

Avoue que tu penses comme ça ?

Comment dis-tu ? Non ? Tu as confiance en ma probité professionnelle ? Merci, c’est gentil de me le dire. Je t’aime bien, tu sais. Je fais semblant de te houspiller, parfois, mais c’est pour plaisanter. Pour te chiner comme on dit peut-être encore à Bourgoin-Jallieu, Saint-Chef, Ruy, Saint-Alban-de-Roche, Four, La Tour-du-Pin, Morestel, La Côte-Saint-André ! Bonjour, Berlioz !

Il y a des gens que j’aime et que je traite de cons ; par contre, y a pas de cons auxquels je dis que je les aime !