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Nous nous déplaçons à bord de deux immenses Lincoln long châssis. La fille est assise sur le canapé faisant face au mien, dans le sens contraire à celui de la marche. Elle m’interroge en cours de route pour commencer à établir mon dossier : nos noms, qualités, adresses.

Pour la rubrique emploi, je réponds « fonctionnaire d’Etat » et c’est bien suffisant comme ça.

Lorsqu’elle en a terminé avec ses questions, je lui demande ce que Mister Chesterton-Levy attend de mes scouts.

Elle répond, impassible :

— Qu’est-ce qu’un producteur de films peut attendre de phénomènes ?

— Les montrer ?

Une brève mimique, qui peut être d’approbation ou de n’importe quoi, me répond.

Et donc, on arrive. Avant de commencer son interrogation orale, Angela a téléphoné à un certain Bruce pour l’informer de notre arrivée et lui ordonner de faire préparer cinq chambres et un lunch copieux.

Et puis tu vois, on est à pied d’œuvre chez les parents de Scarlatine au Haras (Béru a vu Autant en apporte le vent).

The faste ! Un majordome en veste noire et pantalon rayé nous accueille au pied du perron. Je descends de la première voiture que je partage avec la donzelle et Pinaud. J’ai du mal à le réveiller car il est terrassé par le décalage horaire.

Félix et son anormal sont déjà à quai. Le prof maugrée. Explications : Béru a récidivé dans la bagnole et ; effectivement, c’est un tas de merde qui s’extrait, cul nu en avant. Frime du majordome ! De mémoire de larbin…, etc. Le Mahousse est maintenant sur le fin gravier blanc, tenant son futal à bout de bras. Son chauffeur vient rejoindre le mien pour tout lui raconter. Histoire douloureuse d’un gros côlon en perdition et d’un trou du cul vaincu par l’adversité. Déchéance d’une Lincoln de haut prestige d’où l’on retire habituellement les poussières à la pince à épiler !

Le Gros tend sa main libre (mais souillée) au pape des esclaves.

— Salut, mon grand ! j’ai z’eu un ennuille de tuyauterie, mais inquiétez-vous pas, avec K 2 R, c’s’ra un vrai bonheur d’récupérer c’te banquette !

Il confie son futal indescriptible au majordane terrorisé par « la chose étrange venue d’ailleurs », puis va à une vasque (il adore les vasques de Los Angeles décidément) d’albâtre où glougloute un dauphin d’or à l’œil abruti et y prend un bain de siège.

— C’est pas que j’aime ça, nous lance-t-il, mais faut bien s’enlever le plus gros, non ? Ces ablutions publiques attirent un peuple qu’elles sidèrent. Il est curieux de constater à quel point tout fait anormal, ou qui tranche avec la monotonie du quotidien, rassemble les badauds. Je te l’ai sûrement dit quelque part, mais j’ai souvenance d’être tombé en panne, un jour, à la lisière du Sahara, dans un paysage lunaire, sans aucune forme d’habitation. Cinq minutes plus tard, une vingtaine d’autochtones me cernaient en piaillant !

Des larbins déguisés en abeilles, des femmes de chambre échappées de pièces de boulevard, se massent pour admirer l’homme à la grosse bite en train de se décaper le fion.

— S’agit-il d’un primate ou réellement d’un homme ? me demande Angela.

— Je le connais depuis plus de vingt ans et n’ai jamais résolu le problème, avoué-je.

Le personnel (surtout le féminin) ne se lasse pas de contempler la chopine du Mastard. Les jeunes filles écarquillent du regard et de la moniche devant cet appareil imposant, supputant en aparté (voire in petto) si elles seraient aptes à l’engouffrer.

Enfin, Angela rompt le sortilège pour nous convier à pénétrer dans la demeure. Le majordome veut restituer son futal au Gros, lequel le renie d’un geste.

— Non, mon pote, laisse : j’en aye un aut’ dans ma valdingue ; j’ t’ l’fais cadeau ! Bien briqué av’c Ariel-Plus-Ammoniaqué, tu pourras l’ mett’ pour aller à la pêche, en l’serrant bien à la taille.

Et voilà qu’il se tait et adopte la posture élaborée du « Penseur » de Rodin.

— Oh ! fan de pute, gémit l’Obèse, caisse y m’arrive ?

Son visage se transforme à vue d’œil, se crispe, pâlit et violit simultanément, comme une photo polaroïd décolorée au soleil.

— Eh bien ? le pressé-je, alarmé, redoutant quelque infarctus de mauvaise rencontre.

— Mon prose ! gémit Alexandre-Benoît.

— Quoi, ton prose ?

— Y m’brûle comme si j’m’aurais assis dans une bassine de piment en sauce ! C’est d’l’acide qui coule dans c’bassin, ou quoice ?

Je vais tremper ma main dans la vasque où le dauphin continue de dégueuler sempiternellement.

— De l’eau, mon grand, belle et fraîche !

— Pas possib’ ! J’ai l’œil d’bronze en feu, grand ! Et aussi l’entr’miches. Intolérab’, Ouille ! Oh ! Seigneur ! Saint Alexand’, Saint Benoît, prilliez pour moi ! J’agonise du cul ! Faites quéqu’chose, tout l’monde ! App’lez un docteur, un médecin, un toubib, n’importe !

Et il geint à fendre l’âme. Il court à la pelouse, s’y assoit, traîne son dargif dans l’herbe rase comme font les chiens après leurs besoins. Ses cris se changent en clameurs. C’est aussi horrible que la salle des sévices, au temps de la Sainte Inquisition.

— Appelez un médecin ! dis-je à Angela. Je vais m’agenouiller auprès du supplicié.

— Montre un peu ton dargeot, Gros !

Il.

A mon tour d’exclamationner. Spectacle tellurique ! L’intérieur des fesses béruréennes n’est qu’une effroyable tuméfaction pourpre agrémentée de bubons royaux, énormes, dont chacun ressemble au Fuji-Yama enneigé, miniaturisé.

— C’est vilain ? demande le malade entre deux plaintes.

— Pas racontable, fais-je en retenant un spasme qui allait trahir les croissants du petit déje.

La suite est plutôt confuse. Angela m’apporte un pot de pommade et des gants confectionnés dans un caoutchouc fin comme celui des préservatifs. Je domine mon hyper-répulsion et tartine la raie culière du Gros, ce qui accroît ses hurlements déchirants.

Pinaud donne des conseils qui ajoutent à ma nausée. M. Félix et son protégé, jugeant leur présence inutile, sont allés prendre possession de leurs appartements.

Une demi-heure plus tard, un médecin coiffé queue-de-bourrin, vêtu de blanc, chemise bleue à pois blancs, grosses bagues à tous les doigts, s’apporte, examine, et court gerber derrière la roseraie voisine. Quand il réapparaît, il ordonne l’hospitalisation urgente de notre malheureux compagnon.

— De quoi souffre-t-il ? demandé-je à l’homme de l’art.

L’interpellé hoche la tête.

— Ce type a dû avoir des relations sexuelles avec un singe, diagnostique-t-il ; je pencherais pour un babouin.

— Caisse y dit ? demande mon Béru.

Je lui traduis.

Alors le Gravos arrache un de ses souliers et le propulse dans la frite du docteur.

Ce dernier morfle la tatane de son client en pleine poire.

Le lancer a été aussi rude qu’un lancer de nain[3] car le pif du doc explose, de même que sa lèvre supérieure.

— Dis à c’pédoque qu’ j’ y bricol’rai les portugaises et la mâchechoire sitôt qu’ j’serai en état ! déclare l’homme dont le derche joue « Volga en flammes ».

On mande un autre docteur pour soigner le médecin ; ainsi qu’une ambulance pour évacuer Bérurier, et la vie redevient comme un long fleuve tranquille.

La Résidence est princière (celle d’un prince qui aurait du goût). A quoi bon te la décrire puisqu’on s’y trouve d’une façon très provisoire ? Ça ne servirait qu’à te faire envie. A lire ça dans ton F 4 tu bicherais de l’urticaire ; la jalousie en provoque fréquemment.

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3

Le lancer de nain est un sport interdit en France, certains de mes amis (dont je tairai le nom) ayant fait campagne contre, par crainte de servir de projectile.