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Comme ils sont payés chers, les espoirs qu’il accorde !

Relevant la tête vers le Christ.

Il n’est donc nulle part une Miséricorde

Quand le malheur aveugle a trop broyé quelqu’un ?

Oh ! tes parts ne sont pas égales pour chacun,

Fatalité ; le bras est injuste qui frappe.

Se relevant en chancelant.

Comme je me sens faible et comme tout m’échappe !

Scene V

LA COMTESSE ; PIERRE DE KERSAC.

La comtesse apparaît subitement à la porte de gauche, pendant que Pierre de Kersac se précipite par celle de droite.

PIERRE DE KERSAC, à la comtesse.

Madame, les Anglais sont autour du château,

Et je crois qu’il l’instant ils vont donner l’assaut.

LA COMTESSE

Faites votre devoir, monsieur.

PIERRE DE KERSAC, avec hauteur.

J’ai l’habitude

De le faire toujours.

LA COMTESSE

Le combat sera rude,

Vous êtes peu nombreux, et je crains fort.

PIERRE DE KERSAC

Nous sommes,

Madame, bien assez, n’étant point de ces hommes

Qui comptent l’ennemi vivant ; dans un combat,

On compte seulement chaque front qu’on abat.

Scene VI

LES MÊMES, plus YVES DE BOISROSÉ avec une barrique sur l’épaule.

YVES DE BOISROSÉ, soufflant.

Me voici.

PIERRE DE KERSAC

Qu’est cela ?

YVES DE BOISROSÉ

Cela, c’est du genièvre.

PIERRE DE KERSAC

Où vas-tu le porter ?

YVES DE BOISROSÉ

Oh ! d’abord à ma lèvre,

Puis à ces bons Anglais que je veux enivrer !

PIERRE DE KERSAC

Es-tu fou ?

YVES DE BOISROSÉ

Pas du tout. Je vais leur préparer

Une boisson très chaude et très saine aux entrailles.

Car, lorsqu’ils auront mis une échelle aux murailles,

Je laisserai monter les hommes jusqu’au bout.

Puis, dés que le premier surgira, tout à coup

J’ôterai le bouchon, leur versant sur la tète

Un fleuve de genièvre.

Se frottant les mains avec joie.

Oh ! cela n’est pas bête,

Vois-tu, car, pénétrant chacun jusqu’à la peau,

J’arroserai du haut en bas leur vil troupeau.

Puis, lorsqu’ouvrant la bouche avec leur nez humide,

Tous ces pots bâilleront sous ma barrique vide,

Espérant qu’il en reste au fond encore un peu,

Ainsi qu’en des blés mûrs j’y bouterai le feu,

Et je verrai couler leur cascade enflammée,

Et je me réjouirai de sentir la fumée

Du genièvre qui brûle et des Anglais rôtis.

PIERRE DE KERSAC, riant.

Ah !... je demande à voir.

YVES DE BOISROSÉ

Allons, je t’avertis

Qu’en gens bien avisés, d’abord nous allons boire

A la santé des gueux.

PIERRE DE KERSAC

Non pas... à leur mémoire.

Ils sortent en riant.

Scene VII

LA COMTESSE ; SUZANNE D’ÉGLOU.

LA COMTESSE, avec une joie folle.

Je l’ai vu ! je l’ai vu de ma chambre. Il est là.

Mon amour à travers l’espace l’appela,

Et l’appel de mon corps l’a fait venir plus vite

Qu’un messager portant une lettre. Maudite

Soit l’épaisseur des murs qui nous sépare encor.

Mais vous allez tomber, remparts, tant il est fort.

Il vous fera courber, comme des fronts d’esclave,

Vils Bretons et trembler de peur, tant il est brave.

On entend à trois reprises différentes l’appel prolongé d’une trompette, puis la voix lointaine d’un héraut qui crie :

« Oyez, au nom de Jean, le comte de Montfort,

A tous chefs et soldats gardant ce château fort,

Moi, Sir Gautier Romas, qui commande une troupe

De mille cavaliers portant archers en croupe,

Ce jour de saint Martin de Tours, vous fais savoir

Qu’ayez à me livrer les clefs de ce manoir ;

Sinon, la place étant par mes gens occupée,

Vous serez tous passés par le fil de l’épée. »

Rire des soldats sur les remparts.

LA COMTESSE

Et moi je sentirai ses lèvres sur mon front

Et comme un fer ardent elles me brûleront.

On entend de nouveau une trompette plus rapprochée qui répond trois fois et une voix qui crie :

« Au nom de Jean de Blois, le seul duc de Bretagne,

A vous, Anglais félons que la honte accompagne,

Moi, Pierre de Kersac, qui commande en ce lieu,

Vous dis qu’avez ici besoin de prier Dieu,

Afin qu’il soit propice à recevoir vos âmes

Lourdes de forfaitures et de crimes infâmes. »

Cris de colère des Anglais dans le lointain. Quand les voix se sont tues, un grand silence.

LA COMTESSE

Voilà qu’on va se battre et qu’un frisson me mord.

Quel silence ! On croirait que tout le monde est mort.

SUZANNE D’ÉGLOU

Quel est donc ce bruit sourd comme un troupeau qui passe ?

LA COMTESSE

Les Anglais.

SUZANNE D’ÉGLOU

On dirait des branches que l’on casse

Et puis des sifflements qui se croisent dans l’air.

LA COMTESSE

Les flèches se brisant sur les cottes de fer.

SUZANNE D’ÉGLOU

Que d’hommes vont mourir !

LA COMTESSE, ironique.

As-tu le cœur si tendre ?

Les trompettes sonnent ; on entend des cris et un grand tumulte.

SUZANNE D’ÉGLOU

Écoutez.

LA COMTESSE

C’est l’assaut, l’assaut. J’ai cru l’entendre.

Oh ! j’ai peur maintenant, j’ai peur pour lui ; les coups

Au sein d’une mêlée ont des caprices fous ;

Et la mort qui s’y rue, ainsi qu’un chien qu’on lâche,

Prend parfois le plus brave à cité du plus lâche.

SUZANNE D’ÉGLOU

Ces cris me font un mal atroce, car j’entends