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LÉON SAVAL

Des filles. De vraies jeunes filles ?

JEAN DE SERVIGNY

Oui, mon cher, et pourquoi pas ? Elles en ont comme d’autres, ces femmes-là : et elles les marient quand elles peuvent. Celle de la marquise est délicieuse.

LÉON SAVAL

La fille de la marquise ?

JEAN DE SERVIGNY

Oui, Yvette. Une merveille, grande, magnifique, mûre à point, aussi blonde que sa mère est brune, admirable rejeton d’aventurière poussé sur le fumier de ce monde-là.

LÉON SAVAL

Et le moral ?

JEAN DE SERVIGNY

Je ne sais pas, on ne sait pas. Naïve ou rouée ? impossible de le dire, peut-être les deux. Il y a des jours où je la crois une sainte, et d’autres où je la crois une rosse. J’éprouve un entraînement irraisonné vers sa candeur possible et une méfiance très raisonnable contre sa rouerie non moins probable. Elle dit des choses à faire frémir une armée, mais les perroquets aussi. Elle est parfois imprudente à me faire croire à sa candeur immaculée et parfois niaise, d’une niaiserie invraisemblable à me faire douter qu’elle ait jamais été naïve. Elle provoque comme une courtisane et se garde comme une vierge. Je ne sais pas. Mais tu vas la voir.

LÉON SAVAL

Tiens, ça commence à m’amuser d’aller là-dedans.

JEAN DE SERVIGNY

Tu sais que je vais te présenter sous le nom de comte Saval.

LÉON SAVAL

Ah ! mais non, par exemple.

JEAN DE SERVIGNY

Pourquoi ?

LÉON SAVAL

Je ne veux pas être ridicule.

JEAN DE SERVIGNY

Mais tout le monde est titré là-dedans, mon cher, tout le monde.

(Feuillet du manuscript manquant.)

JEAN DE SERVIGNY

Qu’est-ce que ce nouveau visage, la jolie dame ?

YVETTE

La baronne Diodore.

JEAN DE SERVIGNY

Qu’est-ce que c’est que ça ?

YVETTE

Une personne très influente.

JEAN DE SERVIGNY

Où ça, très influente ?

YVETTE

Dans les ministères.

LA MARQUISE, à Léon Saval

Oh ! je ne reste guère à Paris plus de cinq à six mois par an. Nous passons les froids dans le Midi, et l’été quelque part à la campagne. Je viens d’ailleurs de louer une villa à Bougival, j’espère que vous me ferez le plaisir d’y venir avec le duc.

LÉON SAVAL

Avec bonheur, Madame.

YVETTE

Oh ! oui, Muscade viendra nous voir à Chatou. Nous ferons un tas de bêtises, à la campagne.

JEAN DE SERVIGNY

Je vous suivrai partout où vous me direz d’aller, mam’zelle.

YVETTE

Eh bien ! Muscade, je vous nomme général en chef.

LÉON SAVAL

Pourquoi donc Mlle Yvette appelle-t-elle toujours mon ami Servigny « Muscade ».

YVETTE

C’est parce qu’il vous glisse toujours dans la main, Monsieur. On croit le tenir, on ne l’a jamais.

LA MARQUISE, indolente, à Saval

Elle est très drôle avec eux, mais si folle. J’ai beau faire, je ne puis la rendre sérieuse. Et puis le duc l’excite à commettre un tas d’imprudences, il me la gâte, et on finira par prendre mauvaise opinion d’elle.

JEAN DE SERVIGNY, souriant

Oh ! marquise, c’est impossible, avec l’éducation et l’exemple que vous lui donnez !

YVETTE

Maman, laisse-le tranquille, c’est le plus amusant de tous.

JEAN DE SERVIGNY

Merci, mam’zelle, pour la comparaison.

YVETTE

Il faudra que nous enrégimentions M. Saval.

LÉON SAVAL

Dans quel régiment, mademoiselle ?

YVETTE

Dans le mien, Monsieur.

LÉON SAVAL

J’en suis d’avance.

LA MARQUISE

C’est une gaminerie qu’elle a imaginée. Comme ces messieurs sont très gentils avec elle, elle les tourmente sans raison...

YVETTE

Vous avez vu La Grande-Duchesse ?

LÉON SAVAL

Oui, mademoiselle.

YVETTE

Moi aussi ; j’ai vu la reprise, bien qu’on m’ait défendu de le dire. Eh bien ! je me suis proclamée grande-duchesse et j’ai formé un régiment que je passe en revue tous les jeudis. Vous allez voir.

Elle crie.

Prince... prince...

Un monsieur chauve à favoris, constellé de croix, s’avance en souriant. Yvette présentant.

Baron Saval, prince Kravalow. Le prince est le chef de ma police, en sa qualité de Russe. Il met tout le monde dedans excepté moi qui connais son jeu.

LE PRINCE

Mademoiselle...

YVETTE crie

Chevalier !... chevalier.

Un homme maigre, brun et lent s’approche. Yvette, présentant.

Chevalier Valréali, Baron Saval.

(Fin du manuscrit - Inachevé)

Guy de Maupassant, Jacques Normand. Musotte

Comedie. Adaptation de la nouvelle, L’Enfant

A Alexandre Dumas Fils

Hommage de grande admiration et d’affectueux dévouement

Personnages

Jean MARTINEL, neveu de M. Martinel, artiste peintre, célèbre déjà et décoré, 30 ans

Léon de PETITPRÉ, frère de Gilberte Martinel, jeune avocat, 30 ans

M. MARTINEL, ancien armateur havrais, 55 ans

M. de PETITPRÉ, ancien conseiller à la Cour, officier de la Légion d’honneur, 60 ans

Dr PELLERIN, médecin très élégant, 35 ans

Mme de RONCHARD, sœur de M. de Petitpré, 55 ans

Henriette LÉVÊQUE, surnommée MUSOTTE, petit modèle, ancienne maîtresse de Jean Martinel, 22 ans

Mme FLACHE, sage-femme, ancienne danseuse de l’Opéra, 35 ans

Gilberte MARTINEL, fille de M. et Mme de Petitpré, mariée le jour même à Jean Martinel, 20 ans.

Lise BABIN, nourrice, 26 ans

DOMESTIQUES

De nos jours à Paris, en 1890.

Scene premiere

M. DE PETITPRÉ, M. MARTINEL, Mme DE RONCHARD, LÉON DE PETIPRÉ, JEAN, GILBERTE, en robe de mariée, sans couronne ni voile.

MADAME DE RONCHARD, après avoir salué M. Martinel, qui lui donnait le bras, va s’asseoir à droite, puis