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La Gaule septentrionale entre dans le jeu au même moment, c’est-à-dire dès la fin du VIIe s. Jean Hubert a très justement rapproché le tombeau d’Agilbert, à Jouarre, des croix anglaises contemporaines, celles de Reculver (Kent), de Ruthwell (Écosse) et de Bewcastle (Cumberland).

On peut considérer les recherches poursuivies dans l’Italie du Nord, en Grande-Bretagne et dans la Gaule

septentrionale comme les prémices du grand mouvement carolingien* de renovatio à l’antique. Celui-ci résulte d’un déplacement des centres de civilisation des bords de la Méditerranée jusqu’aux pays d’entre Meuse et Rhin ; il correspond à un déclin des voies de commerce traditionnelles et à l’apparition de nouveaux courants de relation.

Surtout, il constitue un effort conscient et résolu en vue de ressusciter la civilisation antique, sans distinguer entre la Rome de César et d’Auguste et celle de Constantin. On sait quels brillants succès sont à mettre à l’actif de Charlemagne et de son entourage. En matière d’art, ils comprennent la redécouverte de l’urbanisme, la mise en place d’une architecture civile et religieuse more romano ainsi que la généralisation de l’art figuratif dans l’orfèvrerie, la petite sculpture et la peinture.

On connaît cependant les limites

de cet effort, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur de l’Empire. Ne fallut-il pas composer avec l’art irlandais, qui est le triomphe du linéarisme expressif, même si, par ailleurs, le renouveau carolingien eut des prolongements jusque dans les Asturies* ? Surtout, l’existence de l’art carolingien devait être brève. Celui-ci disparut dès la mort de Charles II le Chauve en 877.

Cependant, il en fut du retour à l’antique comme du phénix qui ne meurt que pour renaître de ses cendres. Une fois surmontée la terrible crise résultant des invasions normandes et hongroises, on assiste, à la fin du Xe s., à un

brillant rétablissement de la culture, en Angleterre avec la Renaissance anglo-saxonne, en Allemagne avec la Renaissance ottonienne. Ces deux courants diffèrent sensiblement, cependant, de l’entreprise carolingienne. Par bien des points, cet art de l’an 1000 annonce déjà une Europe nouvelle, celle qui trouvera sa pleine expression dans le style roman.

M. D.

F Carolingiens / Irlande / Mérovingiens / Wisigoths.

J. Hubert, l’Art pré-roman (Éd. d’art et d’histoire, 1938) ; l’Architecture religieuse du haut Moyen Âge en France (Klincksieck, 1953).

/ A. Grabar et C. Nordenfalk, le Haut Moyen Âge (Skira, Genève, 1957). / J. Hubert, J. Porcher et W. F. Volbach, l’Europe des Invasions (Gallimard, 1967) ; l’Empire carolingien (Gallimard, 1968).

Moyen Âge

(musique du)

Bon gré, mal gré, les historiens de la musique se sentent tenus d’adopter pour leur discipline les cadres imposés par une tradition bien implantée selon laquelle est appelée Moyen Âge la downloadModeText.vue.download 3 sur 625

La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 14

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longue période de dix siècles comprise entre la dislocation de l’Empire romain (prise de Rome par Alaric Ier en 410 et chute de l’Empire romain d’Occident en 476) et la dernière partie du XVe s.

Pour les uns, la date charnière entre le Moyen Âge et les temps nouveaux est 1453, à la fois fin de la guerre de Cent Ans et, du fait de la chute de l’Empire romain d’Orient, fin de cette grande illusion qu’avait été le rêve plus ou moins avoué d’une hypothétique restauration de l’Empire romain. Pour d’autres, c’est 1492, avec la découverte de l’Amérique par Christophe Colomb, ou 1494, avec le début des guerres d’Italie.

Or, si, en musique, on peut déjà dif-

ficilement admettre que le Ve s. constitue un point de départ, il est encore plus difficile d’accepter la fin du XVe s.

comme terme d’une esthétique. Car, même si, à certains points de vue, une évolution se manifeste à la lisière entre le XVe et le XVIe s., une transformation beaucoup plus sensible encore s’opère au seuil du XVIIe s., et radicale celle-là, tant dans le mode d’expression (la monodie accompagnée supplante alors la polyphonie), dans la naissance d’un sentiment harmonique (accompagnement en accords avec chiffrage d’une basse) que dans la destination même de la musique (c’est à ce moment que s’impose définitivement la musique dramatique).

Le temps est révolu où l’on consi-dérait le Moyen Âge comme monoli-

thique, en englobant tous les siècles qui précédaient la Renaissance dans un même mépris. Le XIXe s. a beaucoup contribué à faire renaître le goût pour cette période et en a commencé, parfois maladroitement, la restauration.

Le XXe s., qui en poursuit la prospection systématique et favorise ainsi une connaissance moins passionnelle, permet enfin de distinguer des périodes brillantes comme des heures plus

sombres. Le Moyen Âge musical, très long, est naturellement fort divers. À

l’intérieur même de ce Moyen Âge, on distingue aujourd’hui une période de renaissance et un style classique, que pour la commodité on appelle siècle de Saint Louis.

Si les limites historiques sont malaisées à déterminer, il en est de même des limites géographiques. Et s’il reste vrai que ce sont les pays d’Europe occidentale qui constituent la terre d’élection du développement musical (Italie, Espagne, Angleterre, Irlande et surtout France), on sait désormais que dans bien d’autres régions existait une vie musicale aujourd’hui mieux connue et que préciseront dans quelques décennies les études en cours : c’est le cas de pays comme l’Allemagne orientale, la Pologne et les pays scandinaves.

Le bilan musical de ces dix siècles est loin d’être identique, du seul fait que les documents écrits ne remontent pas au-delà du milieu du IXe s. ;

encore s’agit-il là de documents qui ne peuvent être déchiffrés que grâce à des manuscrits postérieurs. La notation neumatique, apparue vers 850, n’indique que les accents musicaux, mais ne se soucie pas des intervalles. Il faut, pour la période antérieure, se contenter de descriptions plus ou moins précises et de documents liturgiques où allusion est faite au chant d’église (jusqu’au XIIe s., la musique notée n’est que religieuse ou parareligieuse). C’est ainsi que nous connaissons mieux l’histoire de la formation du répertoire appelé à tort chant grégorien que l’état de ce chant durant le Ier millénaire. On sait que, dès les premiers temps de la chrétienté et dans toutes les régions christianisées de l’Empire romain, on utilisa des chants pour les réunions de fidèles, à l’image de ce qui se pratiquait à la synagogue. D’uniformité, il n’était pas question. Les initiatives disparates firent sans doute ressentir à Rome le besoin d’élaborer des cadres qui pussent lutter contre les essais de féodalité. Ce fut l’oeuvre de saint Grégoire le Grand, pape de 590 à 604. Mais, malgré les efforts de centralisation, les apports dans le chant d’église sont multiples, et l’on parle aujourd’hui de chant vieux-romain, milanais, byzantin, gallican, mozarabe, etc.

On ne peut prétendre que l’apparition d’une notation* musicale suffise à déterminer un changement d’ère, et cela d’autant moins que les manuscrits que nous possédons sont moins le reflet de l’époque à laquelle ils ont été écrits que l’écho d’époques antérieures et qu’ils traduisent le désir de fixer par écrit une tradition orale déjà longue.

D’une tout autre importance est

l’avènement de la polyphonie*, dont les premiers témoignages sont, eux aussi, du IXe s., mais dont les premières réalisations artistiques remontent au XIIe s. La polyphonie ne sonne pas le glas de la production musicale monodique, qui se poursuivra longtemps encore, mais elle déplace vers elle le centre d’intérêt. Sauf pour les premiers essais, qui semblent bien n’être que l’analyse consciente d’un phéno-mène inconscient (le fait de chanter à la quarte ou à la quinte), elle n’est pas essentiellement différente de la mono-