Le chef du
mouvement national
Après une période difficile, durant laquelle le mouvement national est décapité, Muḥammad V reprend son action en faveur de l’indépendance. Reçu par le général de Gaulle en 1945, il fait part au chef du gouvernement provisoire des aspirations du peuple marocain à la liberté. Quelque temps plus tard, il prend ouvertement la direction du mouvement national.
Son discours de Tanger (10 avr.
1947), dans lequel il souligne le caractère arabo-musulman du Maroc sans faire la moindre allusion à la puissance protectrice, est interprété par les autorités françaises comme un acte d’indé-
pendance. Désormais, l’attitude du sultan vis-à-vis de la France est de plus en plus ferme. Muḥammad V conteste l’interprétation du gouvernement fran-
çais selon laquelle les pays du protectorat font partie ipso facto de l’Union française. Bien plus, pour affirmer sa souveraineté sur le Maroc, il refuse de signer les mesures législatives et administratives qui lui sont soumises par la Résidence. Invité en France en 1950,
il résiste aux pressions du gouvernement de la République et demande au cours de conversations politiques une modification profonde des relations franco-marocaines.
En 1951, il entre en conflit ouvert avec les autorités du protectorat.
Sommé par le résident général de désavouer les représentants de l’Istiqlāl au Conseil du gouvernement — qui profitent de la discussion du budget pour le présenter comme servant uniquement les intérêts des Français du Maroc —, il refuse de s’exécuter sous prétexte qu’il est au-dessus des partis.
Les autorités françaises s’appuient alors sur le Glaoui, qui parvient, grâce à son influence dans les milieux berbères, à réunir autour de lui des caïds contre le sultan et les nationalistes.
Parallèlement, le pacha de Marrakech dépêche des cavaliers de tribus berbères dans les villes de Fès et de Rabat.
À la fin de février 1951, cédant à ce coup de force, Muḥammad V rend hommage à la France, accepte de se sé-
parer de ses collaborateurs de l’Istiqlāl et autorise le grand vizir à condamner les méthodes de ce parti.
Mais le mouvement national sort
renforcé de la crise de 1951. L’Istiqlāl consolide ses assises populaires et élargit son audience internationale. À
l’automne 1951, la question marocaine downloadModeText.vue.download 23 sur 625
La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 14
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est même portée pour la première fois à l’ordre du jour de l’O. N. U.
De l’exil au pouvoir
L’évolution des rapports de force encourage le sultan marocain, qui revient à la charge avec plus de vigueur. Le 14 mars 1952, dans une note au président de la République, Muḥammad V
réclame l’ouverture de négociations pour garantir au Maroc sa pleine souveraineté et établir des relations avec la France sur des bases nouvelles. Les autorités françaises envisagent alors
l’éloignement de ce souverain, avec lequel ils ne conçoivent plus de collaboration possible. Comme en 1951, elles suscitent contre lui l’opposition de certains chefs berbères, qui réclament son remplacement. Le 20 août 1953, le résident général est autorisé à déposer Muḥammad V, qui refuse d’abdiquer.
Exilé d’abord en Corse, puis à Madagascar, Sidi Muḥammad ibn Yūsuf
gagne en popularité et devient aux yeux du peuple marocain le symbole de la lutte de libération nationale. À
l’automne 1955, il est l’interlocuteur le plus valable auquel le gouvernement français fait appel pour mettre fin à la résistance armée et trouver une solution à la question marocaine. Il mène alors des négociations avec la France qui aboutissent, le 2 mars 1956, à la reconnaissance de l’indépendance du Maroc. Le 7 avril, l’Espagne reconnaît, elle aussi, l’indépendance du Maroc.
Le roi du Maroc
indépendant
Muḥammad V doit alors faire face aux problèmes que pose la construction du Maroc indépendant. Il commence d’abord par étendre son autorité sur la zone espagnole et la ville de Tanger, qui perd pour un temps son statut international.
Mais le plus difficile est de concilier les deux courants, le moderne et le traditionnel, qui se partagent le pays.
Muḥammad V compte sur l’enseigne-
ment, auquel il accorde un intérêt particulier, pour transformer les structures mentales de la population et l’engager progressivement, mais pacifiquement dans la voie du modernisme. En attendant, il se pose comme arbitre entre les divers courants et essaie, avec beaucoup de tact et de prudence, de concilier l’existence du Maroc traditionnel avec les exigences du monde moderne.
Le code du statut civil, par exemple, promulgué à la fin de 1957, protège la femme marocaine des excès du droit musulman en matière matrimoniale, sans pour autant mettre en cause cette législation.
De la même façon, Muḥammad V
rompt avec les traditions théocratiques attachées à la monarchie ‘alawīte, sans
s’engager franchement dans la voie constitutionnelle. En 1956, il institue une assemblée dont les membres, dési-gnés par lui, ont un pouvoir purement consultatif. Proclamé roi en 1957, il prend même la direction du gouvernement, auquel il associera son fils, le prince héritier, comme vice-président.
En matière économique et sociale, il admet le principe d’une planification de l’activité du pays sans, pour autant, se réclamer du socialisme. Le plan biennal (1958-1959) et le plan quinquennal (1960-1964) ne touchent pas à la propriété privée. Ils visent à la modernisation de l’économie, à l’augmentation du revenu national et à la création d’emplois pour faire face à un taux de croissance démographique de l’ordre de 3 p. 100.
Pour atteindre ces résultats,
Muḥammad V fait appel à l’aide de la France. Mais, malgré le respect des in-térêts français au Maroc, l’affaire algé-
rienne a, pour un temps, envenimé les rapports franco-marocains. À la fin de 1956, les relations diplomatiques sont même coupées entre les deux pays.
Toutefois, l’année suivante, le roi parvient à apaiser la situation et signe avec l’ancienne métropole des conventions de coopération technique, culturelle et judiciaire. En 1960, il peut même obtenir l’évacuation totale des troupes fran-
çaises du Maroc. Mais l’affaire mau-ritanienne, soulevée la même année, refroidit quelque peu ses rapports avec la France.
Pour sortir le Maroc de son isolement, Muḥammad V établit des rap-
ports diplomatiques et commerciaux avec des pays communistes et s’engage dans une politique arabe et africaine.
En 1958, il donne son adhésion à la Ligue arabe. La même année, il participe à la conférence d’Accra et noue des relations étroites avec certains pays africains. À sa mort, survenue subite-ment en 1961, les problèmes du Maroc sont loin d’être résolus. Mais le pays connaît une certaine cohésion, qui repose essentiellement sur l’attachement de la population à la personne de ce souverain « bien aimé ».
M. A.
F Maroc.
Mulhouse
Ch.-l. d’arrond. du Haut-Rhin ;
119 326 hab. (Mulhousiens). L’agglomération compte 220 000 habitants.
La ville est née autour d’un moulin sur les bords de l’Ill. Pendant tout le Moyen Âge, elle joue un rôle insignifiant, essayant de préserver son autonomie face aux évêques de Strasbourg et de Bâle ainsi qu’aux Habsbourg.
Devant le danger bourguignon, elle cherche à se rapprocher des cantons suisses. En 1515, elle s’associe à ces derniers. Alors que l’Alsace devient française en 1648 (Strasbourg en
1681), elle n’intègre la communauté française qu’en 1798.
C’est au cours de la période « suisse »
qu’a été introduit dans la ville le travail du coton : filature, tissage, impression sur tissus (indiennage). Mulhouse comptait en 1787 vingt-six fabricants de coton, dont dix-neuf imprimeurs sur tissus. Les indiennages nécessitaient l’emploi d’eau en quantité considé-