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Pour des raisons qu’il n’ose s’avouer, il ne révélera l’existence de la jeune fille à son véritable père, cousin et ami de

jeunesse du Genji, qu’une fois qu’elle aura cédé à l’un des prétendants qu’il a lui-même introduit chez elle.

3. Du livre XXXIV au livre XLI : une nouvelle fois, le roman change de sens et de visage. Pris au piège de son ambition et de la raison d’État, le Genji est contraint de recueillir une princesse, fille de son frère, l’empereur retiré, et d’en faire, malgré qu’il en ait, sa femme principale au grand dépit de Murasaki. Le prince n’est plus le « héros d’amour », mais un homme d’âge mûr fort embarrassé par la présence de cette fillette de treize ans que les us du monde lui imposent de traiter en épouse. Quand il découvrira un peu plus tard que l’enfant qu’elle attend ne peut être de lui, il ne l’en reconnaîtra pas moins pour sien, car il voit dans sa mésaventure une juste rétribution de l’insulte infligée jadis à son propre père. Il est à remarquer, toutefois, que son attitude ne découle pas de la croyance en quelque châtiment céleste, mais du sentiment tout humain de la nécessité d’une sorte d’équilibre et de justice morale. Cependant que les coupables, accablés par cette générosité pour eux incompréhensible, trouvent en eux-mêmes leur propre châtiment : l’amant meurt torturé par le remords, et la femme entre en religion. Quand au Genji, désabusé, accablé bientôt par la mort de Murasaki, il songe lui aussi à se retirer du monde.

Au commencement du livre XLII,

nous apprenons que le prince est mort.

Des années se sont écoulées. Kaoru est devenu un adolescent mélancolique que la révélation du secret de sa naissance achèvera de dégoûter du siècle, convaincu qu’il est qu’une sorte de malé-

diction pèse sur lui. Il incline à la vie religieuse, mais les tourments d’amour ne lui seront pas épargnés. Indécis, il hésitera entre les trois filles du prince d’Uji, mais chaque fois il se verra préférer le même rival, le jeune prince Niou, petit-fils du Genji. La soeur aînée, qui avait sacrifié son propre amour pour Kaoru au béné-

fice de la cadette, meurt sous ses yeux, lui révélant l’existence d’une forme de passion sublime. La troisième, séduite par Niou, mais qui elle aussi aime en secret l’instable Kaoru, se jette à l’eau pour échapper à ce tragique dilemme. Sauvée par des passants, elle se retire dans un ermitage où elle s’efforce d’oublier les attachements mondains.

Trouvera-t-elle la paix, ainsi que son soupirant malheureux ? Nous ne le saurons jamais, car, sur ce dernier épisode dans le meilleur style romantique, le roman se termine soudain sans que rien ne laisse prévoir cette fin brutale et définitive comme la mort d’un être humain

— et peut-être en effet fut-ce la mort de l’auteur qui en interrompit le cours.

R. S.

F Japon.

Murat

(Joachim)

Maréchal de France, roi de Naples (Labastide-Fortunière [auj. Lahastide-Murat] 1767 - Pizzo, Calabre, 1815).

L’homme

Ce fils d’un aubergiste est le dernier-né d’une famille de douze enfants.

D’abord destiné par son père à la prê-

trise, il s’engage (1787) dans un régiment de cavalerie, d’où il est renvoyé deux ans plus tard pour indiscipline.

Reprenant du service, il entre dans la garde constitutionnelle du roi, est nommé officier (1792), mais ses idées politiques le poussent vite à quitter ce « lieu infect » (c’est son mot). Ce jacobin convaincu raconte alors que son vrai nom est Marat et qu’il est cousin du grand patriote. Après Thermidor, il niera avec la même énergie cette parenté imaginaire. La journée du 13-Vendémiaire, où il sauve la Convention en amenant l’artillerie de la plaine des Sablons, donne au jeune chef d’escadron l’occasion de connaître Bonaparte. Celui-ci l’appelle près de lui comme aide de camp : la prestance et l’audace de ce joli garçon l’ont séduit. Pendant toute la campagne d’Italie, le magnifique cavalier qu’est Murat se fait remarquer par ses charges impétueuses. En Égypte, ses prouesses lui valent le grade de général de division (1798). Il est désormais tout acquis à Bonaparte. Le 19-Brumaire, il rétablit la situation en expulsant les députés de l’Orangerie de Saint-Cloud.

Une ambition effrénée

Deux ans plus tard, commandant la garde consulaire, il épouse (janv. 1800) la coquette et ambitieuse Caroline Bonaparte, qu’il a conquise par sa faconde et sa belle allure. L’avenir s’ouvre brillant devant lui. Aiguillonné par sa femme, Murat est chaque jour plus avide d’honneurs et d’argent. Après la seconde campagne d’Italie, il reçoit la fonction de gouverneur de Paris (1804) et doit désigner les membres du tri-

bunal militaire chargés de condamner le duc d’Enghien. Il reçoit une grosse gratification pour ses bons offices —

ce qui ne l’empêchera pas, plus tard, de manifester une grande indignation contre le crime de Vincennes...

L’Empire est fait. L’ambition de Murat grandit encore. Il devient maréchal (1804), grand amiral et prince d’Empire (1805), grand aigle de la Légion d’honneur ; après Austerlitz, il reçoit le titre de grand-duc de Berg et de Clèves (1806), où il joue au potentat.

Il parade dans des costumes splendides et extravagants. Pendant la campagne de Prusse, le grand sabreur fonce sur l’ennemi à Iéna, puis à Eylau (1807).

Montera-t-il, comme il l’espère un peu, sur le trône de Pologne ? Non : Napoléon l’envoie à Madrid persuader les princes espagnols de se laisser attirer à Bayonne. Mais les Madrilènes se soulèvent et, le « dos de Mayo » (2 mai 1808), Murat réprime dans le sang l’insurrection. Ce haut fait l’incite à croire qu’il va ceindre la couronne de Charles Quint. Lorsqu’il apprend qu’elle est destinée à Joseph, sa déception est si grande qu’il tombe malade.

« Ce titre de roi vous

a tourné la tête »

(Napoléon)

Désigné par Napoléon pour remplacer ce même Joseph à Naples (juill. 1808), Murat connaît une certaine popularité auprès de ses sujets et travaille à la réorganisation du pays. Mais il se lasse vite des exigences financières et économiques que lui impose l’Empereur, irrité par ses dettes et ses manquements au Blocus continental. Il s’entoure, en outre, d’Italiens suspects (comme le ministre de la Police Antonio Maghella

[1766-1850]) et met à l’écart certains hauts fonctionnaires et officiers fran-

çais. Dans l’espoir de reconquérir la Sicile, il entreprend une fâcheuse expé-

dition contre l’île (sept. 1810).

L’année suivante (juin 1811), il veut obliger les Français employés dans son administration à acquérir la nationalité napolitaine, mesure que Napoléon annule en leur donnant la double nationalité. Ses querelles de ménage avec Caroline, dont l’ambition est in-

satiable, exaspèrent l’Empereur, qui, par ailleurs, condamne les initiatives malheureuses de son beau-frère, grisé par le pouvoir. (« La reine, dit-il, a plus d’énergie dans son petit doigt que le roi dans toute sa personne. »)