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Les conditions socio-

historiques de la

pensée médiévale

Les textes

On ne peut considérer la pensée médié-

vale comme une simple somme d’élé-

ments disparates. Certaines conditions communes en font l’unité.

Tout d’abord, de même que la pé-

riode patristique qui la précède, la pensée du Moyen Âge se nourrit de textes, comme s’il était tacitement admis que la sagesse dormait dans des oeuvres qu’il fallait s’approprier et transmettre.

Or, la source est double : Écritures et textes des saints, d’une part ; textes antiques progressivement retrouvés, d’autre part. Leur confrontation sera le travail inlassable des penseurs du Moyen Âge, soit qu’ils cherchent une conciliation entre le contenu de la foi et celui de la philosophie antique, soit qu’ils refusent tout compromis.

Le Moyen Âge n’est donc pas,

pour autant, une période de stérilité livresque. Pour concilier ou refuser, il faut que la pensée soit active et que le choix s’effectue en fonction d’une expérience vécue, notamment l’expé-

rience religieuse de la méditation. (La plupart des penseurs médiévaux sont des théologiens.) Bref, l’écrit n’est qu’un chemin, indispensable certes, mais dépassable, vers la sagesse.

L’enseignement au Moyen Âge

Le livre, sa lecture, sa compréhension et son dépassement éventuel dans un commentaire requièrent une technique et une méthode. On comprend, dès

lors, que le Moyen Âge ait vu naître et se développer l’enseignement sous une forme très proche de celle qu’il a encore de nos jours.

y L’école d’Alcuin et de Charle-

magne. C’est certes par amour des lettres et piété sincère, mais surtout par nécessité politique que Charlemagne* décida de réorganiser l’enseignement. Il fallait former des fonctionnaires assez instruits pour assurer la marche d’un État centralisé.

Sous les Mérovingiens*, l’ensei-

gnement était tombé dans une décadence complète : prêtres ignorants au point de ne pas comprendre le latin des prières, pénurie de livres. C’est d’Angleterre que lui vient son principal collaborateur : Alcuin (v. 735-804)

[v. Carolingiens].

L’idée grandiose de ce dernier était de « construire en France une nouvelle Athènes », de restaurer le temple de la Sagesse, bâtie sur les sept arts libéraux.

Dans la pratique, Alcuin reconstitua une bibliothèque en faisant venir des livres d’Angleterre, en rédigeant des manuels, et il fonda des écoles annexées aux cathédrales. C’était ouvrir l’enseignement à un nouveau public : celui, séculier, des jeunes gens étrangers aux monastères.

L’enseignement comprenait trois

niveaux : apprendre à lire et à écrire, et s’initier aux rudiments de la Bible et de la liturgie ; s’initier aux sept arts libéraux et lire un certain nombre (très variable) d’auteurs païens et chrétiens ; étudier, enfin, l’Écriture dans ses deux sens (littéral et spirituel) et de trois points de vue différents : grammatical, historique, théologique.

Il est intéressant de noter l’intérêt qu’on prit alors pour le premier des arts libéraux : la grammaire. La reconquête du patrimoine classique qui caractérise cette époque supposait d’abord celle de la langue.

Les sept arts

Selon la tradition de la culture latine reprise par Cassiodore, dans ses Institutions des lettres divines et séculières, l’enseignement, tel qu’Alcuin, puis les universités du XIIIe s. l’organisèrent, est fondé sur les « sept arts libéraux » : trois arts (trivium) proprement dits (grammaire, rhétorique, dialectique) et quatre disciplines (quadrivium)

[arithmétique, musique, géométrie, astronomie]. La différence entre un art et une discipline, c’est que le premier a un objet contingent, alors que la seconde traite de choses qui ne peuvent se produire autrement qu’elles ne font.

Un organisateur de

l’enseignement Alcuin

Ce savant religieux anglo-saxon a vécu de 735 environ à 804. Charlemagne le rencontra en Italie et fit de lui un de ses principaux collaborateurs. Il dirigea l’école du palais d’Aix-la-Chapelle et celle de Tours.

Membre de l’Académie palatine, il y avait pris le pseudonyme de Albinus Flaccus.

Son action a été très importante sur quatre points : restauration culturelle (enseignement de la grammaire, de l’art de bien parler et de bien écrire, conservation des manuscrits antiques par les copistes), lutte contre les hérésies, cessation des violences dans la conversion des Saxons, couronnement impérial de 800.

y Les universités (« universitas stu-diorum » = la communauté de ceux

qui étudient). Elles sont nées d’un besoin d’indépendance du corps enseignant à la fois envers l’autorité ecclé-

siastique, qui, par l’intermédiaire de l’évêque, pesait sur les écoles établies près des cathédrales, et envers le pouvoir laïque.

Assez curieusement, elles trouvèrent un sérieux appui, dans la revendication de leur indépendance, auprès du pouvoir pontifical. Pour les papes, en effet, ce fut, comme plus tard pour les ordres mendiants, le moyen d’assurer directement leur autorité. C’est donc le Saint-Siège qui octroya aux universités les statuts d’exception que l’on sait : exemption de la juridiction laïque ; indépendance intellectuelle.

Quant aux princes, ils s’en accommodèrent assez rapidement : les universités constituaient pour eux une pépinière d’administrateurs, et le prestige en rejaillissait sur la ville. Dans les faits, elles furent donc de plus en plus liées au gouvernement laïque : on ne peut plus séparer les universités de Plaisance et de Pise de la gloire des Visconti et des Médicis, ni la Sorbonne de celle du régent Bedford.

y L’évolution des universités.

1. Universalité puis spécificité

de la formation. Au XIIIe s., lorsque furent fondées les premières universités (Bologne est la première), maîtres et écoliers étaient itinérants ; ils ne séjournaient que quelques années au même endroit, ce qui assurait une sorte d’universalité de la formation universi-

taire. Cette universalité cessa lorsque, au XIVe s., les établissements se multiplièrent sous la poussée des princes, qui voulaient contrôler la formation de leurs administrateurs. C’est ainsi que furent créées les universités de Prague, de Cracovie, de Turin, de Dole, d’Aix, de Louvain.

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La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 14

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2. Les locaux. Au début, ces universités n’avaient pas toujours de locaux propres. On se réunissait chez les maîtres, dans les chapelles des couvents, etc.

Les collèges étaient les résidences des étudiants boursiers (les bourses étaient, comme les arts à cette époque, fruit du mécénat).

En 1257, le chapelain de Louis IX, Robert de Sorbon (1201-1274), fonda un collège, la future Sorbonne.

Mais la plupart des étudiants vi-

vaient chez l’habitant ou à l’auberge, intimement mêlés à la vie de la ville.

3. Fonction rétribuée et ordres mendiants. Au XIIIe s., la fonction ensei-gnante était une profession. À la rétribution des auditeurs s’ajoutaient les bénéfices ecclésiastiques.

C’est en particulier en protestation contre cet ordre de choses qu’apparurent les ordres mendiants. Les

maîtres séculiers, se sentant menacés dans leurs privilèges, ne tardèrent pas à évincer Franciscains et Dominicains.