Après le règne de Sésostris III, il n’y a plus de monuments de nomarques dans la vallée du Nil ; les nécropoles provinciales même disparaissent. La Cour est le centre véritable de toute la vie administrative du pays.
Le puissant clergé de Rê est soigneusement surveillé, et cela d’autant plus aisément d’ailleurs que deux « nouveaux venus » attirent à eux de nombreux fidèles.
Les dieux et l’au-delà
Certes, le grand dieu cosmique Rê, dieu de la Lumière et du Jour, animateur
des puissances fécondantes de l’univers, dieu dynastique, continue d’attirer toutes les ferveurs. Sésostris Ier lui élève un temple près d’Héliopolis, à Matarièh, dont il ne subsiste actuellement qu’un obélisque.
Mais l’expansion d’autres person-
nalités divines, puissantes, « nationales », vont, d’une part, populariser les rites funéraires et achever la libé-
ration de la conscience individuelle en permettant à tout homme d’accé-
der à une survie éternelle (jusque-là fait royal), et d’autre part, permettre une « politique » religieuse plus aisée et plus souple. Osiris, dieu d’origine agraire, dieu de la Végétation et de la Fécondité des plantes (annuellement renouvelées suivant un cycle inéluctable), est devenu, tout au long de la vallée, un dieu très populaire. Son culte, depuis le Delta, d’où il est issu, s’est largement répandu (à partir de la fin de l’Ancien Empire) dans le pays tout entier, supplantant parfois les divinités locales (Andjty à Busiris, Khentiimentiou à Abydos), les assimilant en partie (Sokaris à Memphis) ou s’alliant à elles (ennéade d’Héliopolis).
Le souverain thébain Antef II, s’étant emparé d’Abydos au cours de ses luttes contre les Hêrakleopolitains, y installe définitivement le culte d’Osiris (pensant peut-être utiliser pour sa cause la dévotion populaire envers cette divinité). Fêtes religieuses et pèlerinages se succèdent alors dans la ville. Osiris, en effet, par sa mort et son immersion dans les eaux du Nil, suivies de sa glorieuse résurrection, évoque, sur le plan mythique, les phases de la vie de la nature, avec son renouvellement périodique ; « Ré-animé » par les pratiques rituelles de son épouse Isis, assistée d’Anubis notamment, il donne aux hommes un exemple de résurrection, lié au cycle même, inévitable, de l’univers. Reproduire ces rites (d’abord pour le roi seul, puis pour chaque homme), c’est assurer la survie de tous. La leçon est immense ; Osiris n’a nul besoin de clergé puissant : la ferveur de chacun est grande pour qui lui montre et lui enseigne ainsi formellement les chemins de la vie éternelle. Ce processus idéologique n’est point particulier à l’Égypte : Baal, en Asie, est chargé d’un sens tout à fait
analogue. Si la survie du roi se diversifie (compagnon du Soleil, dans le ciel supérieur, pendant le jour, il rejoint, au soir, à travers la montagne d’Occident, le ciel inférieur, domaine souterrain où règne désormais Osiris, suivant un partage tacite d’attributions entre les deux divinités), celle de chaque individu est désormais assurée. Pour les plus aisés, le corps embaumé, momifié, etc., maintenu donc dans son intégrité et sa santé physique, pourra être « ré-animé » par la grâce magique des formules et des rites, ceux-là même qui furent utilisés par Isis et ses aides au jour de la première résurrection modèle ; pour mieux garantir cette survie, la momie est placée dans un sarcophage, cuve de bois, décorée et peinte, conçue comme une maison : l’image d’une
porte orne ses flancs, par laquelle peut sortir le mort, qui a aussi la possibilité de voir au-dehors, à travers deux yeux dessinés au pinceau sur un côté de la cuve, et qui retrouve les objets nécessaires à sa vie quotidienne reproduits en longues colonnes, véritables frises, de part et d’autre de cette « maison magique » ; l’efficience de celle-ci est accrue encore par l’inscription, à l’intérieur des parois du sarcophage, du rituel même de la résurrection. Pour les plus humbles, de petites statuettes de bois placées auprès du maître, reproduisant leurs gestes, leurs attitudes de travailleurs pourront s’animer dans les mêmes conditions, corps de chair ou enveloppe (réaliste) de pierre ou de bois réagissant identiquement à la downloadModeText.vue.download 8 sur 625
La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 14
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magie des mots ; ces humbles seront éternellement laborieux, mais vivants.
D’origine obscure, divinité ado-
rée dans la petite bourgade thébaine, Amon est un dieu dont le destin se confond avec celui, prestigieux, de sa ville. Il semble que sa « montée » ait été le résultat d’une politique délibérée des souverains du Moyen Empire, qui, en opposant le clergé de Thèbes à celui d’Héliopolis (suivant un jeu habile), pensaient demeurer les arbitres obligés de tout éventuel conflit d’ordre spiri-
tuel. On peut bien parler de politique délibérée, car il apparaît que ces rois du Moyen Empire ont tenté d’établir, pour soutenir la nouvelle centralisation monarchique, une première centralisation religieuse officielle, un véritable syncrétisme idéologique d’État. Seule la personnalité d’Osiris, trop populaire, ne pouvait entrer dans aucun système concerté de ce genre. Un premier rassemblement de dieux locaux s’opère autour du dieu d’Héliopolis : les dieux des provinces perdent de leur indépendance en se solarisant, en devenant des kheperon (c’est-à-dire des formes, des hypostases) de Rê (aussi bien Horus d’Edfou, Min de Coptos que Montou d’Hermonthis, Thot d’Hermopolis ou Sobek du Fayoum notamment). Entre Rê et Amon, il y a composition, mais composition d’inspiration politique ; Amenemhat Ier (dont le nom même,
« Amon-est-en-tête », est une profession de foi religieuse) confère l’autorité suprême au dieu thébain sur les dieux des autres villes en l’associant à Rê (qui tendait déjà à regrouper en sa personne les divinités provinciales) sous le nom d’Amon-Rê ; l’ordre des mots étant révélateur d’une pensée en Égypte ancienne, Amon a donc le pas sur l’Héliopolitain. Désormais, c’est Amon-Rê (et non plus le seul Rê) qui règne. Thèbes devient centre théologique ; la réflexion de ses clercs vaut à Amon de devenir le chef d’une en-néade, parfois constituée sur le modèle de celle d’Héliopolis, parfois formée par l’adjonction des huit divinités primordiales d’Hermopolis — en un souci d’accommoder, au mieux des
intérêts du Thébain, les systèmes cosmogoniques déjà existants. Les prêtres de Thèbes entrent dans l’histoire d’Égypte, où, notamment au Nouvel Empire, ils vont jouer dès lors un rôle éminent.
L’Égypte et
le monde extérieur
Dans ce domaine aussi, la monarchie du Moyen Empire a dû tirer la leçon des événements ; pour la première fois, les frontières naturelles du royaume d’Égypte n’ont pas arrêté l’invasion étrangère au nord-est. Il y faut remé-
dier pour l’avenir, en même temps qu’accroître les ressources écono-
miques du pays, ruiné par plus d’un siècle d’anarchie. Expéditions militaires et commerciales demandent la participation ou la « couverture » d’une armée permanente plus importante.
L’armée royale, recrutée essentiellement par conscription, se développe : une stèle du Caire nomme un fils royal
« qui a été envoyé pour recruter un régiment de soldats et qui donna un homme sur 100 mâles à son seigneur » (proportion moyenne) ; il est vraisemblable aussi que les nomarques entretiennent encore quelques milices dans leurs provinces. Mais le roi est alors assez fort pour empêcher un usage trop personnel de ces éléments militaires locaux, parmi lesquels il prélève d’ailleurs des contingents (choisis parmi les recrues les mieux entraînées) qui s’acheminent aussi vers la cour de Licht. Peu de changements sont intervenus dans l’armement depuis l’Ancien Empire, bien que, sous la XIIe dynastie, on commence à substituer le bronze au cuivre.