L’infanterie constitue encore l’essentiel de l’armée ; il y a quelques corps de mercenaires, notamment celui des archers nubiens.
Au nord-est, il fallait avant tout, d’une part, mettre le Delta à l’abri des incursions des Asiatiques — qui, après la VIe dynastie, avaient constitué un réel fléau — et, d’autre part, assurer la liberté du commerce pour les villes de Basse-Égypte. Il y avait donc deux voies essentielles à protéger.
1. La voie de terre. Amenemhat Ier fait construire sur la frontière orientale du Delta une série de forteresses, les
« Murs du Prince » (dont nous connaissons l’existence par plusieurs textes, notamment les Aventures de Sinouhé), qui, pourvues de garnisons permanentes, devront protéger le royaume.
Ce fait est sans doute à l’origine de la tradition, transmise par les Grecs, selon laquelle un souverain aurait construit une muraille ininterrompue depuis Péluse jusqu’à Héliopolis (!) : l’imagination populaire magnifia un système défensif de fortifications simple, mais certainement efficace, car l’infiltration étrangère fut arrêtée ; les immigrés déjà installés semblent avoir été réduits à la servitude sur les domaines des temples ou ceux des nobles. Dans
l’arrière-pays, après une campagne militaire menée par Sésostris III jusqu’à Sichem (l’actuelle Naplouse), les chefs de tribus, tant en Syrie qu’en Palestine (ces noms actuels sont employés pour leur commodité d’usage, mais ne correspondent à aucune réalité politique à cette époque ; la Palestine ne sera créée que sous la XIXe dynastie, par les Philistins venus d’Asie Mineure), reconnaissent la suzeraineté du roi d’Égypte ; les inscriptions les désignent parfois du même titre que les grands de la cour de Licht : heqa, our.
Plus au nord, il est vraisemblable que les Sésostris ont envoyé des missions, appuyées de garnisons militaires, pour contrôler certains grands centres, comme Megiddo (relais de caravanes), Ougarit (l’actuelle Ras Shamra) ; cela a été confirmé par la découverte récente, en Syrie septentrionale, d’un monument, contemporain de la XIIe dynastie, sur lequel est représenté un dieu pourvu des insignes royaux égyptiens.
2. La voie de mer. Elle est aussi soigneusement protégée ; pour cela, les monarques de la XIIe dynastie reprennent la politique déjà traditionnelle : imposer leur protection aux ports phéniciens, notamment Byblos, des tributs annuels témoignant de la suzeraineté ainsi reconnue ; à Tôd (Haute-Égypte) a été retrouvé le tré-
sor adressé dans ce dessein par Byblos à Amenemhat II : coffres de bronze contenant des bijoux et des objets d’or-fèvrerie, des lingots d’or et d’argent, des perles, des lapis-lazuli, etc. Mais le roi ne participe pas aux opérations commerciales ; il pourvoit seulement à la sécurité de ses marchands. Il en va de même dans les relations maritimes avec Chypre et la Crète, qui se développent alors. Cette influence prédominante que la XIIe dynastie sait exercer sur Byblos et la Syrie donne également à l’Égypte le contrôle des routes caravanières de l’Asie, particulièrement importantes à ce moment, où Babylone connaît une grande prospé-
rité commerciale.
L’ensemble de ces rapports dénote une politique relativement pacifique, non point de conquête, mais de protection des frontières et de sauvegarde intelligente des intérêts économiques.
Vers le sud, il en va autrement.
Mentouhotep Ier a dû reconquérir la Nubie, qui a profité des troubles pour s’ériger en royaume indépendant.
Dans ces régions, on se heurte à une civilisation indigène peu avancée ; les expéditions en quête d’or, d’ivoire, d’ébène sont longues, coûteuses, dangereuses aussi et doivent donc être accompagnées d’une forte garde armée.
Il ne peut s’agir que d’un commerce royal, d’État. Au Moyen Empire, une politique de pénétration en Nubie est menée systématiquement ; des expéditions sous le commandement du vizir s’enfoncent progressivement dans le Sud ; sous Sésostris Ier, elles atteignent la troisième cataracte du Nil ; Sésostris III, roi guerrier, pousse jusqu’à l’actuel Soudan. Le gouvernement
égyptien établit en Nubie une véritable colonisation : les chefs de tribus sont soumis au paiement régulier d’impôts en nature, à l’envoi de troupes mercenaires. La construction d’une série de forteresses (assez rapprochées les unes des autres) a pour objet de maintenir le pays dans l’obédience du royaume d’Égypte : les plus importantes sont érigées à Bouhen et à Mirgissèh (au niveau de la deuxième cataracte), à Semnèh et à Koumma (Koummèh), plus
au sud ; des garnisons les occupent en permanence, communiquant entre elles par signaux de fumée. Pour compléter cette protection avancée de l’Égypte, Sésostris III interdit aux bateaux nubiens descendant le Nil d’aller en aval de la deuxième cataracte.
Vers l’est, des expéditions royales exploitent systématiquement les mines de cuivre et de pierres précieuses (ma-lachite, turquoise) ainsi que les gisements de quartz aurifère du Sinaï. La tradition des missions vers le pays de Pount (en quête d’arbres à encens, de myrrhe, d’électrum, notamment) est reprise dès Mentouhotep II. Sésostris Ier remet en valeur les mines et les carrières du Ouadi Hammamat (particulièrement les mines d’or) ; sur cette longue piste (lit d’un oued desséché), qui, à travers un désert aride, mène les caravanes, en quatre jours de marche, de Coptos (sur le Nil) à Kosseir (sur la mer Rouge), il crée de place en place des points d’eau, dont la présence va
permettre de développer les échanges avec l’Orient.
Il y a là une politique concertée, intelligente d’une monarchie qui a su rendre prospérité et sécurité à son royaume.
Arts et littérature
Sécurité et prospérité restaurées s’accompagnent naturellement d’un renouveau original dans tous les domaines de l’expression artistique et littéraire.
Si l’architecture ne retrouve pas sa forme colossale, c’est que la remise en ordre du royaume nécessite encore quelque épargne ; on utilise des ma-tériaux peu coûteux, plus légers (calcaire, brique). Le pavillon de la fête downloadModeText.vue.download 9 sur 625
La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 14
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jubilaire de Sésostris Ier (Karnak) est de taille réduite, mais l’élégante justesse de ses proportions en fait une oeuvre admirablement achevée. D’une conception nouvelle (dont s’inspirera l’architecte de la reine Hatshepsout), le temple funéraire des Mentouhotep II et III constitue à Deir el-Bahari la première architecture en terrasses, parfaitement adaptée au site naturel.
Avec l’apport thébain, une école de sculpture plus durement réaliste, plus énergique prend alors naissance, opposant sa jeune vigueur aux traditions de l’école memphite, plus idéaliste, plus académique : voir la statue massive et brutale de Mentouhotep Ier (trouvée à Deir el-Bahari ; Musée égyptien, Le Caire), le visage anguleux et tourmenté de Sésostris III (Médamoud, Le Caire) et les portraits souriants, à l’expression douce, presque efféminée, d’Amenemhat III (Hawara, Le Caire).
D’une conception architecturale par sa structure et ses lignes, la statue-cube apparaît à ce moment. Les bas-reliefs témoignent du même contraste d’écoles : scènes religieuses, d’un traitement froid et lisse, sculptées sur les parois du pavillon de Sésostris Ier ; scènes animées, d’un réalisme plein d’humour, des tombes de Meir. La
grande nouveauté est le développement de la peinture pure dans les tombes : notamment à Beni-Hassan. Le Moyen Empire marque aussi le triomphe de la joaillerie égyptienne : pectoraux, colliers, diadèmes, bagues, bijoux, d’or et de pierres précieuses, constituent un admirable trésor.