— Et attendre qu’une autre Aes Sedai que Moiraine découvre qui je suis et décide de m’apaiser ? (Rand détesta son ton presque méprisant, mais il ne pouvait rien y changer.) C’est ce que tu veux ?
— Non !
Cette réponse spontanée mit du baume au cœur à Rand – à un point tel qu’il aurait été incapable d’exprimer sa gratitude.
— Rand, tu n’as pas peur de… ? (Même s’ils étaient seuls, Egwene regarda autour d’elle et baissa la voix.) Moiraine Sedai dit que tu n’es pas obligé d’entrer en contact avec la Source Authentique. Si tu restes loin du saidin, sans tenter d’utiliser le Pouvoir de l’Unique, tu ne risqueras rien.
— Je ne recommencerai pas, tu peux me croire ! Même si je dois me couper une main pour ça !
Oui, mais si je ne peux pas m’en empêcher ? Je n’ai jamais voulu canaliser le Pouvoir. Même face à Ba’alzamon, quand je l’ai abattu. Alors, que faire si ça se passe malgré moi ?
— Tu vas rentrer chez nous ? demanda Egwene. Ton père doit mourir d’envie de te voir. Même ce farceur de Mat manque sûrement au sien. Moi, je retournerai l’année prochaine à Champ d’Emond. Provisoirement, bien sûr…
Rand passa la paume sur le héron de bronze qui ornait la poignée de son épée.
Mon père… Mon foyer… Par la Lumière ! je donnerais cher pour…
Allons, arrête ça !
— Non, je n’irai pas chez nous…
Il me faut un endroit où je ne risquerai de blesser personne, si ça me reprend… Un lieu où je serai seul.
Soudain, Rand eut l’impression qu’on gelait comme en plein hiver, sur ce balcon.
— Je m’en vais, mais pas pour retourner au bercail…
Egwene, pourquoi faut-il que tu sois une de ces femmes ?
Rand enlaça la jeune fille et lui souffla à l’oreille :
— Non, pas pour retourner au bercail…
Dans les jardins privés d’Agelmar, à l’ombre d’une charmille constellée de bourgeons blancs, Moiraine bougea très légèrement sur sa chaise longue. Les fragments du sceau épars sur ses genoux, elle tenait du bout des doigts la chaîne d’or qu’elle portait parfois autour du front. La petite gemme bleue qui y était accrochée cessa soudain de briller intensément et l’Aes Sedai eut l’ombre d’un sourire. En soi, la pierre n’avait aucun pouvoir. Mais, dans son enfance, au palais royal de Cairhien, alors qu’on l’initiait au Pouvoir de l’Unique, elle avait appris à utiliser le talisman pour espionner des gens qui se croyaient bien trop isolés de tout pour qu’on les entende.
— Les prophéties se réaliseront, murmura Moiraine. Car le Dragon s’est réincarné.
Glossaire
Le calendrier tomien (conçu par Toma dur Ahmid) fut adopté environ deux siècles après la mort du dernier Aes Sedai, et il compte les années à partir de la Dislocation du Monde (AD : Après Dislocation). Durant les guerres des Trollocs, beaucoup d’archives furent détruites, et l’ancien système calendaire fut remis en question. Tiam de Gazar en proposa un nouveau, censé célébrer la fin de la menace représentée par les Trollocs. À partir de là, on compta en Années Libres (AL). Vingt ans après la fin des conflits, le calendrier gazarien fut universellement adopté. Artur Aile-de-Faucon tenta d’en imposer un nouveau, basé sur la Fondation de son Empire (FE), mais la greffe ne prit pas, et, aujourd’hui, seuls les historiens y font encore référence. Après les ravages de la guerre des Cent Années, un quatrième calendrier fut établi par Uren din Jubai Envol-Goéland, un érudit du Peuple de la Mer. Le panarche Farede de Tarabon décida de son adoption. Le calendrier farendien, qui commence à la date (arbitrairement déterminée) de fin de la guerre des Cent Années, compte les années de la Nouvelle Ère (NE) et est toujours en vigueur.
Adan, Heran : Gouverneur de Baerlon.
Aes Sedai : Capables de canaliser le Pouvoir de l’Unique. Depuis l’Ère de la Folie, les Aes Sedai sont exclusivement des femmes. Unanimement craintes et détestées, elles sont souvent tenues pour responsables de la Dislocation du Monde et systématiquement soupçonnées d’ingérence dans les affaires des nations. Cela dit, presque tous les dirigeants ont une Aes Sedai pour conseillère, y compris dans les royaumes où il est préférable de garder la chose secrète. Utilisé comme un titre honorifique : Sheriam Sedai. Tournure encore plus honorifique : Sheriam Aes Sedai. Voir également « Ajah » et « Chaire d’Amyrlin ».
Âge des Légendes : L’Âge auquel la guerre des Ténèbres et la Dislocation du Monde mirent un terme. Une époque où les Aes Sedai accomplissaient des miracles inimaginables. Voir également « Roue du Temps ».
Agelmar ; seigneur Agelmar de la maison de Jagad : Seigneur de Fal Dara. Emblème : trois renards roux courant.
Aiels : Habitants du désert des Aiels. Connus pour leur férocité et leur courage, ces guerriers se mettent un voile avant de tuer. D’où l’expression : « Agir comme un Aiel voilé de noir », qui décrit une personne faisant montre de violence. Redoutables avec une arme ou à mains nues, les Aiels n’utilisent jamais d’épée. Partant au combat au son des cornemuses, ils ont un surnom bien à eux pour la guerre, qu’ils appellent simplement la « Danse ».
Aiguillon : Minuscule insecte mortellement dangereux.
Ajah : Les sept sous-ordres qui composent l’ordre des Aes Sedai. Ils sont identifiés par une couleur : Ajah Bleu, Ajah Rouge, Ajah Blanc, Ajah Vert, Ajah Marron, Ajah Jaune et Ajah Gris. Chaque Ajah a sa propre conception de l’usage du Pouvoir et de la mission ultime des Aes Sedai. L’Ajah Rouge, par exemple, se consacre à la recherche des hommes capables de manier le Pouvoir, afin de les contrôler et de les « apaiser ». À l’opposé, l’Ajah Marron est totalement coupé du monde et se voue à la recherche du savoir. Une rumeur (qu’il vaut mieux éviter de mentionner devant une Aes Sedai) prétend qu’il existe un Ajah Noir qui sert en secret le Ténébreux.
Al Ellisande : Dans l’ancienne langue, signifie : « Pour la Rose du Soleil ».
al’Meara, Nynaeve : La Sage-Dame de Champ d’Emond.
al’Thor, Rand : Un jeune berger du territoire de Deux-Rivières.
al’Vere, Egwene : La plus jeune fille de l’aubergiste (et bourgmestre) de Champ d’Emond.
Aldieb : Dans l’ancienne langue, « Vent d’Ouest », à savoir le vent qui apporte les pluies printanières.
Andor : Le royaume auquel appartient le territoire de Deux-Rivières. Emblème : un lion blanc rampant sur champ rouge.
Angreal : Un artefact très rare qui permet à tout utilisateur du Pouvoir d’en canaliser une quantité bien supérieure à celle qu’on peut supporter sans aide. L’art de fabriquer ces vestiges de l’Âge des Légendes est désormais perdu. Voir également « Sa’angreal ».
Apaiser : Désigne l’intervention d’une Aes Sedai sur un homme capable de canaliser le Pouvoir de l’Unique. Cette « neutralisation » est indispensable, car la souillure qui frappe le saidin condamne tout Aes Sedai mâle à la folie. Et, dans sa démence, le sujet commet obligatoirement des horreurs avec le Pouvoir dont il dispose. Un homme apaisé sent encore la présence de la Source Authentique, mais il n’y a plus accès. L’apaisement enraie l’évolution de la folie mais ne la guérit pas. Si l’intervention est assez précoce, la mort peut être évitée.