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– tiens, mais c'est très supérieur au divorce, ce système-là!

Elle le regarda et fit la moue.

– je ne parlerai plus, dit-elle, car je vois que vous vous moquez de moi, vous ne croyez à rien…

– mais non, je ne ris pas, car je n'ai pas des idées bien arrêtées là-dessus. J'avoue qu'au premier abord, tout cela me semble pour le moins improbable; mais quand je songe que tous les efforts de la science moderne ne font que confirmer les découvertes de la magie d'antant, je reste coi. C'est vrai, reprit-il, après un silence, pour ne citer qu'un fait: a-t-on assez ri de ces femmes changées en chattes, au Moyen Age? Eh bien, l'on a récemment amené chez M. Charcot une petite fille qui, subitement, courait à quatre pattes, bondissait, miaulait, griffait et jouait ainsi qu'une chatte. Cette métamorphose est donc possible! Non, on ne saurait trop le répéter, la vérité c'est qu'on ne sait rien, et que l'on n'a le droit de ne rien nier; mais pour en revenir à vos Rose-croix, ils se dispensent, avec ces formules purement chimiques, du sacrilège?

– c'est-à-dire que leurs vénéfices, en supposant qu'ils sachent assez bien les apprêter, pour qu'ils réussissent, -ce dont je doute, -sont faciles à vaincre; toutefois cela ne signifie point que ce groupe dans lequel figure un véritable prêtre, ne se serve pas au besoin d'eucharisties souillées.

– ça doit encore être un bien joli prêtre, celui-là!

– mais, puisque vous êtes si renseignée, savez-vous aussi comment l'on conjure les maléfices?

– oui et non; je sais que lorsque les poisons sont scellés par le sacrilège, lorsque l'opération a été faite par un maître, par Docre, ou par l'un des princes de la magie à Rome, il est très malaisé de leur opposer un antidote. On m'a cependant cité un certain abbé, à Lyon, qui réussit, à peu près seul, à l'heure actuelle, ces difficiles cures.

– le docteur Johannès!

– vous le connaissez?

– non, mais Gévingey qui est parti chez lui pour se guérir m'en a parlé.

– eh bien, j'ignore comment celui-là s'y prend; ce que je sais, c'est que les maléfices qui ne sont point compliqués de sacrilèges sont évités, la plupart du temps, par la loi du retour. On renvoie le coup à celui qui le porte; il existe encore, à l'heure actuelle, deux églises, l'une en Belgique et l'autre en France où, lorsqu'on va prier devant une statue de la Vierge, le sort qui vous a lésé rebondit sur vous et va frapper votre adversaire.

– bah!

– oui, l'une de ces églises est à Tougres, à dix-huit kilomètres de Liège, et elle porte même le nom de Notre-dame de Retour; l'autre est l'église de L'Epine, un petit village près de Châlons. Cette église a été autrefois bâtie pour conjurer les vénéfices que l'on pratiquait à l'aide d'épines qui poussaient dans ce pays et servaient à transpercer des images découpées en forme de coeur.

– près de Châlons, dit Durtal, qui cherchait dans sa mémoire. Il me semble, en effet, que des Hermies m'a signalé, à propos de l'envoûtement par le sang des souris blanches, des cercles diaboliques installés dans cette ville.

– oui, cette contrée a été, de tout temps, l'un des foyers les plus véhéments du Satanisme.

– vous êtes joliment ferrée sur la matière; c'est Docre qui vous a infusé cette science?

– je lui dois, en effet, le peu que je vous débite; il m'avait prise en affection, et il voulait même faire de moi son élève. -j'ai refusé et j'en suis maintenant contente, car je me soucie beaucoup plus que jadis d'être constamment en état de péché mortel.

– et la messe noire, vous y avez assisté?

– oui, et je vous le dis d'avance, vous regretterez d'avoir vu d'aussi terribles choses. C'est un souvenir qui reste et fait horreur, même… surtout…

lorsque l'on ne prend pas part personnellement à ces offices.

Il la regarda. Elle était pâle et ses yeux enfumés battaient.

– vous l'aurez voulu, reprit-elle, vous ne pourrez donc vous plaindre, si le spectacle vous épouvante ou vous écoeure.

Il resta un peu interloqué par le ton sourd et triste de sa voix.

– mais lui, enfin, ce Docre, d'où sort-il, qu'a-t-il fait autrefois, comment est-il ainsi devenu un maître du Satanisme?

– je l'ignore, je l'ai connu prêtre habitué à Paris, puis confesseur d'une reine en exil. Il a eu d'horribles histoires que grâce à des protections, l'on a étouffées, sous l'empire. Il a été interné à la Trappe, puis chassé du clergé, excommunié par Rome. J'ai également appris qu'il avait été, plusieurs fois, accusé d'empoisonnement, mais acquitté, car les tribunaux n'ont jamais réussi à faire la preuve. Aujourd'hui, il vit je ne sais comment, dans l'aisance, et voyage beaucoup avec une femme qui lui sert de voyante; pour tout le monde, c'est un scélérat, mais il est savant et pervers et puis il est si charmant!

– oh! Fit-il, comme votre voix, comme vos yeux changent! Avouez que vous l'aimez!

– non-je ne l'aime plus, car pourquoi ne vous le dirai-je pas, nous étions fous l'un de l'autre, à un moment!

– et maintenant?

– maintenant, c'est fini, je vous le jure; nous sommes restés amis et c'est tout.

– mais alors vous êtes allée souvent chez lui. Etait-ce au moins curieux, avait-il un intérieur hétéroclite?

– non, c'était confortable et c'était propre. Il possédait un cabinet de chimiste, une bibliothèque immense; le seul livre curieux qu'il me montra, ce fut un office sur parchemin de la messe noire. Il y avait des enluminures admirables, une reliure fabriquée avec la peau tannée d'un enfant mort sans baptême, estampée sur l'un de ses plats, ainsi que d'un fleuron, d'une grande hostie consacrée dans une messe noire.

– et que contenait ce manuscrit?

– je ne l'ai pas lu.

Ils gardèrent le silence, puis elle lui prit les mains.

– vous voici remis, dit-elle; je savais bien que je vous guérirais de votre mine grise. Avouez, tout de même, que je suis bonne enfant de ne pas me fâcher.

– vous fâchez? Et pourquoi?

– mais parce que c'est fort peu flatteur pour une femme, je suppose, de n'arriver à dérider un homme que lorsqu'on l'entretient d'un autre!

– mais non, mais non, dit-il, en l'embrassant doucement sur les yeux.

– laisse, fit-elle, tout bas, cela m'énerve et il faut que je parte, car il est tard.

Elle soupira et s'en fut, le laissant ahuri, se demandant une fois de plus, dans quel amas de vase la vie de cette femme avait plongé.

CHAPITRE XVIII

L e lendemain du jour où il avait vomi de si furieuses imprécations sur le tribunal, Gille De Rais comparut de nouveau devant ses juges.

Il se présenta la tête basse et les mains jointes. Il avait, une fois de plus, bondi d'un excès à un autre; quelques heures avaient suffi pour assagir l'énergumène qui déclara reconnaître les pouvoirs des magistrats et demanda pardon de ses outrages.

Ils lui affirmèrent que, pour l'amour de Notre-seigneur, ils oubliaient ses injures et, sur sa prière, l'évêque et l'inquisiteur rapportèrent la sentence d'excommunication dont ils l'avaient frappé, la veille. Cette audience, d'autres, furent occupées par la comparution de Prélati et de ses complices; puis, s'appuyant sur le texte ecclésiastique qui atteste ne pouvoir se contenter de la confession si elle est " dubia, vaga, generalis, illativa, jocosa, ", le promoteur assura que pour certifier la sincérité des aveux, Gilles devait être soumis à la question canonique, c'est-à-dire à la torture.

Le maréchal supplia l'évêque d'attendre jusqu'au lendemain et réclama le droit de se confesser tout d'abord aux juges qu'il plairait au tribunal de désigner, jurant qu'il renouvellerait ensuite ses aveux devant le public et la cour.

Jean De Malestroit accueillit cette requête et l'évêque de Saint-brieuc et Pierre De L'Hospital, Chancelier De Bretagne, furent chargés d'entendre Gilles dans sa cellule; quand il eut terminé le récit de ses débauches et de ses meurtres, ils ordonnèrent qu'on amenât Prélati.

A sa vue, Gilles fondit en larmes et alors qu'après l'interrogatoire, on s'apprêtait à reconduire l'italien dans sa geôle, il l'embrassa, disant: