Choisi pour faire partie du camp de Châlons, il fut envoyé à Strasbourg, où se réunissaient les hommes désignés pour Châlons.
Pendant son séjour à Strasbourg, il sauve deux chevaux et deux hommes du même régiment que lui. Malheureusement, sur les deux hommes, un seul arrive vivant à terre; l'autre a été tué d'un coup de pied de cheval.
Le marquis de la Place avait promis à Fosse, une fois au camp, de lui faire donner la croix par le duc d'Orléans; mais le camp n'eut pas lieu, à cause de la mort du duc d'Orléans.
En 1841, Fosse se trouve à Besançon: un soldat se noyait dans le Doubs; deux autres soldats s'élancent à son secours; tous trois tombent dans un trou, tous trois allaient s'y noyer, quand Fosse les en retire tous les trois, et vivants.
Ce fut à ce propos qu'il obtint sa troisième médaille de deuxième classe.
En tirant de l'Ill les deux canonniers et les deux chevaux, Fosse s'était ouvert le flanc avec une bouteille cassée.
Au mois de mai 1845, Fosse revint en congé à Beaucaire. La famille avait fort souffert de son absence: il se remit immédiatement au travail; elle s'était augmentée: Fosse avait maintenant à nourrir son beau-père, sa mère et neuf frères et soeurs.
Mais ce n'était plus le beau temps des portefaix: la foire de Beaucaire, à peu près morte aujourd'hui, dès ce temps-là s'en allait mourant.
Il se fit scieur de long, et, admirablement servi par sa force herculéenne, gagna de six à sept francs par jour. Il profita de cette augmentation dans sa recette pour se marier.
En 1847, Fosse entra comme facteur chef à la gare des marchandises à Beaucaire; une des conditions de la place était de savoir lire et écrire. On demanda à Fosse s'il le savait; Fosse répondit hardiment que oui. Tout ce qu'il connaissait, c'étaient ses chiffres jusqu'à 100. Fosse prit deux professeurs: un de jour, un de nuit.
M. Renaud était son professeur de jour; il venait chez lui de midi à deux heures; Fosse lui donnait six francs par mois.
M. Dejean était son professeur de nuit; Fosse lui donnait douze francs.
Au bout de deux ans, l'éducation de l'écolier de vingt-huit ans était faite.
Dans ses moments perdus, Fosse continuait de sauver les gens.
Un marinier de Condrieux veut accoster le quai avec son bateau; en sautant de son bateau sur un radeau, le pied lui manque, il tombe dans le Rhône et passe sous le radeau.
Par bonheur, il y avait un trou au radeau.
Fosse, qui entend crier à l'aide, accourt; on lui explique qu'un homme est passé sous le radeau: il plonge par le trou et sort avec l'homme par l'une des extrémités.
Au mois de juillet suivant, il sauve la vie à un garçon boulanger qui, en essayant de nager, avait perdu à la fois pied et tête.
Quelques jours après, il se jetait dans le feu,-il faut bien varier,-pour tirer des flammes un enfant qui était sur le point d'être asphyxié. L'escalier était en feu; il s'agissait d'aller chercher l'enfant au second étage, la compagnie des pompiers avait jugé la chose impossible. Fosse, sans hésiter, se jeta dans les flammes, et cette chose jugée impossible, il la fit.
Le 20 avril 1848, Fosse fut nommé à l'unanimité porte-drapeau de la garde nationale de Beaucaire.
Quelque temps après, il obtint l'entreprise des travaux de remblai sur les bords de la Durance.
Au commencement de 1849, il reçut sa cinquième médaille; mais tout cela ne satisfaisait pas son ambition.
C'était la croix de la Légion d'honneur que voulait Fosse. Il part pour Paris, le 19 mai, se faisant à lui-même le serment de ne pas revenir sans sa croix.
Il avait, en effet, la croix lorsqu'il revint à Beaucaire, le 15 juin suivant, c'est-à-dire près d'un mois après en être parti.
À son retour, il créa un établissement de bains sur le Rhône, et se mit à faire le commerce des vieilles cordes et des vieux chiffons.
Un établissement de bains, c'était le vrai port de notre sauveteur!
Aussi, en 1849, sauve-t-il la vie à trois ou quatre personnes qui se noient dans le Rhône, et, entre autres, à un garçon confiseur et à un commis d'une maison de commerce.
En 1830, la compagnie du chemin de fer l'appelle à diriger le transport du charbon, entre Beaucaire et Tarascon.
Comme il n'y a que le Rhône à traverser pour aller d'une ville à l'autre, Fosse, tout en dirigeant son charbon, continue à tenir son établissement de bains, et à faire son commerce de vieilles cordes et de vieux chiffons. Cela dure jusqu'en 1854.
Le 30 janvier 1852, il reçut une médaille en or de première classe.
Le 1er octobre 1852, il fut nommé membre de la commission chargée de l'examen des machines à vapeur, et obtint par le préfet un bureau de tabac.
Le 1er janvier 1853, Fosse est nommé par le ministre des travaux publics maître du port à Beaucaire.
Dans le courant de l'année, Fosse sauve encore deux personnes qui se noient dans le Rhône: un maquignon, nommé Saunier, et un danseur espagnol qui croyait se baigner dans le Mançanarez.
En 1854, le choléra se déclare en pleine foire de Beaucaire; Fosse soigne les malades et essaye de soutenir ses compatriotes par son exemple.
Mais compatriotes et étrangers prennent peur et s'enfuient. Fosse achète, au prix qu'ils veulent les lui vendre, tous les bois des fuyards; et, tout en se conduisant avec son courage habituel, réalise un bénéfice considérable.
Possesseur d'un petit capital, Fosse donne sa démission de maître du port, et met de côté le commerce de bois pour le commerce de grain.
Son dernier acte comme maître du port fut de sauver un bateau de vin chargé pour la Crimée. Ce bateau venait de Mâcon: il se heurte à une jetée sur la digue de Beaucaire, et se brise par le milieu. Sur quinze ou seize cents pièces de vin dont il était chargé, il ne s'en perdit qu'une quarantaine.
Fosse sauva le reste.
Au milieu de tout cela, un enfant se noie dans le canal; Fosse sauve l'enfant.
Au mois de mai 1836, le Rhône monte si rapidement et si obstinément, que l'on comprend que l'on va avoir à lutter contre un de ces débordements terribles qui portent la désolation sur les deux rives du fleuve. Pour être libre de ses actions, Fosse envoie femme et enfants à l'hôtel du Luxembourg, à Nîmes.
Le Rhône monte toujours, et atteint une hauteur de vingt-trois pieds au-dessus de son cours ordinaire.
Cet événement coïncidait avec un envoi de grains d'Odessa. Les grains arrivèrent à Marseille; mais, quelle que fût la nécessité de sa présence dans cette dernière ville, Fosse resta à Beaucaire.
C'est que Beaucaire était cruellement menacée.
L'eau passait par la porte Beauregard, malgré tous les obstacles qu'on lui opposait, Fosse eut l'idée de boucher la porte avec des sacs de terre.
Il travailla vingt-quatre heures avec de l'eau jusqu'à la ceinture.
De Boulbon à la montagne de Cannes, l'inondation avait deux lieues d'étendue, et, à la surface de l'eau, flottaient des berceaux d'enfant, des toits de maison, des meubles de toute espèce.
Le préfet arrive, et demande des nouvelles du village de Vallabrègues, complètement enveloppé d'eau, et avec lequel toute communication est interrompue.
– Vous voulez des nouvelles, monsieur le préfet? dit Fosse. Vous en aurez, ou je ne reviendrai pas.
Fosse, sauf de mourir, venait de promettre plus qu'un homme ne pouvait faire. C'était une seconde représentation du déluge. Vallabrègues est à six kilomètres en amont de Beaucaire. Impossible de remonter l'inondation: elle suivait le cours du Rhône, charriant des débris de maison, des arbres arrachés, des barques à moitié sombrées.
Il prend le convoi du chemin de fer à la station du Graveron avec le commissaire central de Nîmes, M. Christophe; il se met en route avec lui pour Boulbon. Au quart du chemin, M. Christophe, qui s'est démis le pied et qui boite encore, casse la canne sur laquelle il s'appuie.
Le trajet dura de neuf heures du soir à cinq heures du matin;-cinq heures.-On allait à Boulbon à vol d'oiseau, sans suivre la route, à travers rochers et ravins. Pendant près de la moitié du chemin, Fosse porta M. Christophe, qui ne pouvait pas marcher.