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Rodolphe de Gortz s’approche d’Orfanik et observe son travail.

— Le raccordement de la chapelle est-il fini, Orfanik ?

— A l’instant.

— Tout est prêt sur les bastions ?

— Tout.

— Nous aurons le temps de nous enfuir ?

— Nous l’aurons.

— Le tunnel vers le col du Vulkan est libre ?

— Il l’est.

Les deux hommes se taisent quelques instants. Puis le baron s'écrie :

— Ah, mon vieux château, ceux qui veulent entrer ici vont le payer cher !

Ces paroles font trembler le jeune comte de Télek.

— Vous avez des nouvelles de Werst ? demande le baron à Orfanik.

— Le fil a transmis les conversations de l'auberge du Roi Mathias il y a cinquante minutes.

— L'attaque est pour cette nuit ?

— Non, elle est pour demain matin. Ce Rotzko est au village depuis deux heures avec des policiers de Karlsburg.

— Mon château ne peut plus se défendre, mais il écrasera Franz de Télek et tous les autres sous ses débris [95]. Au fait, Orfanik, on ne doit pas savoir que le fil établit une communication entre le château et le village de Werst.

— Je vais détruire le fil.

Le lecteur a le droit maintenant à quelques explications sur les phénomènes étranges de cette histoire.

Cette histoire se passe dans les dernières années du 19e siècle. A cette époque, on utilise beaucoup l'électricité. Le téléphone, par exemple, fonctionne d'une façon merveilleuse. Même les sons les plus faibles arrivent parfaitement à l’oreille. Deux personnes à une grande distance se parlent très facilement. Elles peuvent aussi se voir dans des glaces grâce à l’invention du télèphote [96].

Orfanik est depuis de nombreuses années un inventeur important dans le domaine de l'électricité. Mais les autres savants le prennent pour un fou. Quand il rencontre le baron de Gortz, Orfanik est un homme très pauvre. Le baron lui donne de l’argent pour continuer ses travaux. Il demande une chose au savant: être le seul à utiliser ses inventions. Les deux hommes voyagent donc ensemble en Italie : le baron pour écouter chanter la Stilla et le savant pour étudier les découvertes des électriciens.

Après la mort de la Stilla, les deux hommes se cachent dans le château des Carpathes. Un ancien serviteur du baron leur apporte des vivres par le tunnel vers le col de Vulkan. Orfanik utilise ses inventions pour faire peur aux habitants de la région : ses machines créent des phénomènes que les habitants pensent surnaturels.

Mais le baron veut aussi entendre les conversations des habitants de Werst. Orfanik trouve alors une solution: il installe un fil de cuivre entre le donjon du château et la grande salle de l’auberge de Jonas (ce fil passe sous les eaux du Nyad). Orfanik cache ensuite un appareil téléphonique sous une fenêtre de l’auberge (il s’agit de la fenêtre que Jonas n'ouvre jamais dans la grande salle). Il relie enfin l’appareil au fil. L'appareil permet d’entendre et de parler. Ainsi, le baron peut entendre les conversations de l'auberge et faire entendre une voix dans l'auberge. Grâce au fil, le baron apprend la décision de Nic Deck de visiter le château et sa voix menace le forestier !

Quand Nic Deck et le docteur Patak sont devant le château, les machines d'Orfanik se mettent en marche. Elles sonnent la cloche de la chapelle, elles projettent des flammes, elles créent des mugissements terribles et des silhouettes de monstres. Un courant électrique dans des plaques cachées dans l’herbe permet aussi de bloquer les bottes en fer du docteur. Et des batteries électriques créent un choc quand Nic touche le morceau de fer.

Grâce aux inventions d'Orfanik, le baron croit être tranquille. Mais c'est à ce moment que Franz de Télek arrive au village. Le baron entend ses conversations avec les habitants de Werst. Il déteste toujours autant le jeune comte et veut l'attirer au château. Il réussit à le faire grâce à la voix de la Stilla dans l'auberge, son apparition dans le bastion et la lumière dans le donjon. Maintenant le comte de Télek est son prisonnier. Et il ne sortira plus du château.

Mais le baron de Gortz sait aussi que Rotzko est au village avec des policiers. Orfanik et lui ne peuvent pas lutter contre eux, car les policiers ne croient pas aux phénomènes surnaturels. Le baron ne peut donc plus défendre son château. C'est pourquoi il veut le détruire. Comment ? Orfanik et lui ont placé des charges d'explosifs sous le donjon, les bastions et la chapelle. Un appareil va créer un courant électrique pour les allumer. Pendant ce temps, Orfanik et le baron quitteront le château par le tunnel secret. Ainsi, le comte de Télek et les policiers mourront dans l'explosion. Et on ne retrouvera jamais le baron et Orfanik.

Revenons maintenant dans la chapelle du château. Franz de Télek est toujours en train d'écouter la conversation entre Orfanik et le baron Rodolphe. Il comprend maintenant les phénomènes et il sait que le baron va s'enfuir avec la Stilla.

— Il n'y a plus rien à faire ici ? demande le baron à Orfanik.

— Rien.

— Très bien. Maintenant, partez par le tunnel et attendez-moi à Bistriz.

— Et vous ?

— Je quitterai le château au dernier moment. Je veux l'entendre encore une fois pour ma dernière nuit dans le château des Carpathes.

Les deux hommes quittent la chapelle.

Il est onze heures du soir et Franz recommence à enlever les briques du mur. Il lui faut une demi-heure pour faire un passage assez grand. Une fois dans la chapelle, l'air est frais et Franz respire mieux. Il retrouve des forces.

Par où sont partis les deux hommes ? Il s’approche du fond de l’église et découvre une porte. Elle donne sur une galerie sombre. Il la suit pendant une demi-heure. Puis la galerie devient moins sombre et Franz marche plus vite. Il arrive dans une pièce avec des meurtrières [97] dans les murs. Franz passe la tête à l’extérieur pour respirer l’air frais. Il aperçoit des ombres sur le plateau d'Orgall. Ce sont sans doute les policiers de Karlsburg. Vont-ils attaquer cette nuit ou demain matin ? Franz veut crier, mais il ne le fait pas. Le baron de Gortz ne doit pas l'entendre.

Franz continue de suivre la galerie. Cinq cents pas plus loin, il arrive devant un escalier. Est-il enfin au donjon ? Il n’y a aucun bruit. Franz monte quelques marches et s’arrête sur un palier [98]. Une porte ouvre sur la terrasse du premier étage du donjon. Il la traverse et monte un nouvel escalier. Il y a toujours le même silence. L’appartement du premier étage est vide. Il continue de monter et arrive au troisième étage. L'escalier s'arrête là et la porte vers l’appartement est fermée. Franz regarde à travers le trou de la serrure. Il voit bien la partie gauche d'une chambre, car elle est très éclairée. Mais la partie droite de la chambre est dans le noir. Franz tourne doucement la clé et ouvre la porte.

Une grande salle occupe tout l’étage. De vieux meubles et des fauteuils la meublent avec goût. Des rideaux devant les fenêtres empêchent la lumière du dehors de passer. A droite de la porte, tout est sombre. A gauche, une forte lumière éclaire une estrade [99]. A une dizaine de mètres devant l’estrade se trouve un vieux fauteuil. Près du fauteuil, sur une table, il y a une boite rectangulaire. Elle est longue de douze à quinze pouces et large de cinq à six pouces. Son couvercle est ouvert. À l'intérieur se trouve un cylindre de métal.

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95

Les débris : les morceau de quelque chose de cassé, de detruit.

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96

Le teléphote : nom donné au 19e siècle à l'ancêtre de la visioconférence.

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97

Une meurtrière : une ouverture dans un mur d'un château par lequel on peut tirer sur des ennemis.

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98

Un palier : une partie plate d'un escalier qui permet l'accès aux appartements.

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99

Une estrade : une partie en hauteur dans une pièce.