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— C’est tout ?

— Les autres sont partis dans les étoiles, dit-elle.

— C’est aussi ce qu’ils m’ont raconté, et cela m’a étonné, dit-il. Je ne pouvais le croire. Qui voudrait aller dans les étoiles ?

— Ils trouvent d’autres mondes et y vivent.

— Les étoiles ne sont que des lumières qui brillent dans le ciel.

— Il y a d’autres soleils, dit-elle. N’as-tu pas lu de livres ?

Il secoua la tête :

— J’en ai vu un, une fois. On m’a dit que c’était un livre. On m’a dit qu’il me parlerait si je connaissais la manière, mais la personne qui me l’a montré avait perdu la manière.

— Tu ne sais pas lire ?

— Est-ce que lire est la manière ? La manière de faire parler un livre ?

— Oui, c’est cela, dit-elle. Il y a des petites marques et on lit les marques.

— As-tu un livre ? demanda-t-il.

— J’ai une grande boîte de livres. Je les ai tous lus. Mais là-haut, dit-elle en faisant un geste vers la maison, il y a des pièces entières remplies de livres. Mon grand-père à de nombreuses générations de distance va demander aujourd’hui si je peux les lire.

— C’est étrange, dit-il. Tu lis le livre. Je tue l’ours. Je n’aime pas l’idée des livres. On m’a dit que le livre parlerait, mais qu’il parlerait de magie d’autrefois qu’il vaut mieux ne pas approcher.

— Ce n’est pas vrai, dit-elle. Tu es un drôle d’homme.

— Je viens de loin, dit-il comme si c’était une explication. J’ai traversé de hautes montagnes, de grands fleuves, des endroits où il n’y a que du sable et beaucoup trop de soleil.

— Pourquoi l’as-tu fait ? Pourquoi es-tu venu si loin ?

— Quelque chose en moi me disait va et cherche. Cela ne me disait pas ce que je devais chercher, seulement de partir et de chercher. Aucun des miens n’est jamais parti essayer de chercher. Quelque chose m’entraîne, comme si je ne pouvais pas rester. Quand les hommes des plaines m’ont parlé de cette grande maison de pierre, j’ai pensé qu’il s’agissait peut-être de ce que je viens chercher.

— C’est là que tu vas ?

— Oui, bien entendu, répondit-il.

— Et si c’est ce que tu cherchais, resterais-tu un peu ?

— Peut-être, je ne sais pas. Ce qui m’entraîne à l’intérieur de moi-même me le dira. Tout à l’heure, j’ai pensé que j’avais trouvé ce que je cherchais sans aller jusqu’à la maison. Le grand chêne a changé. Tu as fait changer le grand chêne.

Elle se mit en colère :

— Tu m’as épiée. Tu étais assis là et tu m’épiais !

— Je ne voulais pas t’épier, dit-il. Je montais la colline pendant que tu la descendais et je t’ai aperçue près de l’arbre. Je me suis caché pour que tu ne me voies pas. J’ai pensé que tu désirais que personne ne sache. Je suis donc resté silencieux. Je me suis tenu hors de vue, je me suis écarté doucement pour que tu ne saches pas.

— Et pourtant, tu me le dis !

— Oui, je te le dis, le grand chêne a changé. C’était quelque chose de prodigieux.

— Comment sais-tu que le chêne a changé ?

Il fronça les sourcils :

— Je ne sais pas. Il y a eu aussi cette histoire de l’ours. L’ours que ma flèche n’a pas tué et qui est pourtant tombé mort à mes pieds. Je ne comprends rien à tout cela. Je ne sais rien de ces choses.

— Dis-moi, comment le chêne a-t-il changé ?

Il secoua la tête :

— Je l’ai seulement senti qui changeait.

— Tu n’aurais pas dû épier !

— Je suis honteux de l’avoir fait. Je ne parlerai plus de tout cela.

— Merci, dit-elle en faisant demi-tour pour descendre la colline.

— Puis-je faire route avec toi un petit moment ?

— Je vais par là, et toi tu vas vers la maison, répondit-elle.

— Je te reverrai, dit-il.

Elle descendit la colline. Quand elle se retourna enfin, il était toujours au même endroit. Son collier de griffes d’ours étincelait au soleil.

5.

L’extra-terrestre était un tas de vers. Il était pelotonné dans les gros blocs de pierre près d’un bouquet de bouleaux qui poussait d’un côté du ravin. Les arbres s’inclinaient, se courbaient au-dessus du lit sec du cours d’eau. La lumière du soleil, filtrée par les feuilles, jouait sur l’extra-terrestre grouillant. La substance de son corps réfractait les rayons et il donnait l’impression d’être assis dans une fontaine d’éclats d’arc-en-ciel.

Assis sur un banc moussu, Jason Whitney s’adossa contre un jeune frêne, se relaxant, s’installant confortablement. L’odeur ténue et délicate des feuilles d’automne qui mouraient emplissait le vallon.

C’est une horreur, pensa-t-il en essayant aussitôt de chasser l’horreur de son esprit. Certains extra-terrestres n’étaient pas affreux, d’autres l’étaient. Celui-ci était le pire qu’il ait jamais vu. Si encore il se tenait tranquille, on pourrait se familiariser avec son aspect et s’y habituer au moins partiellement. Mais, il ne se tenait pas tranquille, ce tas de vers, il continuait à se tortiller d’un mouvement qui ne faisait qu’accentuer son caractère repoussant.

Jason commença précautionneusement à avancer ses pensées pour atteindre l’extra-terrestre, puis, soudain effrayé, il les ramena à lui et les fit rentrer bien à l’abri dans son propre cerveau. Il lui fallait s’habituer avant d’essayer de parler à cette créature. Un vieux spécialiste des extra-terrestres comme lui devrait se montrer à la hauteur devant n’importe quoi, pensa-t-il. Mais cette créature était vraiment trop pour lui.

Il resta calmement assis, respirant l’odeur des feuilles mourantes dans le silence de cet endroit retiré, sans s’autoriser à penser à grand-chose. C’est ainsi qu’il fallait faire – attaquer le problème de biais, tout doucement, en faisant semblant de ne rien voir.

Mais l’extra-terrestre n’attendit pas. Il lui envoya son esprit et l’atteignit d’une vague d’ondes mentales ferme, calme et chaude qui ne ressemblait absolument pas à l’image visuelle de la créature.

— Bienvenue dans cette confortable retraite, disait-elle. J’espère ne violer aucune convention en m’adressant à vous et ne pas m’être introduit dans une propriété privée. Je sais ce que vous êtes. J’ai vu un autre être comme vous. Vous êtes un être humain.

— Oui, dit Jason, je suis humain. Et vous êtes le bienvenu ici. Vous ne violez aucune convention car nous en avons peu. Et vous n’êtes pas dans une propriété privée.

— Vous êtes l’un des voyageurs, dit le tas de vers. Vous vous reposez sur votre planète pour l’instant, mais de temps à autre vous voyagez loin.

— Pas moi, je reste chez moi, dit Jason. Mais d’autres le font.

— Alors je suis vraiment arrivé à destination. Ceci est la planète dont m’a parlé le voyageur avec lequel j’ai communiqué bien loin d’ici. Je n’en étais pas sûr.

— Ceci est la planète Terre, dit Jason.

— C’est bien cela, dit la créature toute heureuse. Je n’arrivais pas à me rappeler son nom. Ce voyageur me l’a décrite et je l’ai beaucoup cherchée, n’ayant qu’une idée générale de sa direction. Mais quand je suis arrivé ici, j’étais sûr qu’il s’agissait de la bonne planète.

— Vous voulez dire que vous avez cherché la Terre ? Vous ne vous êtes pas simplement arrêté pour vous reposer ?

— Je suis venu chercher une âme.

— Vous êtes venu chercher quoi ?

— Une âme, dit la créature. La personne avec laquelle j’ai communiqué m’a dit que les humains avaient eu une âme, autrefois, et qu’ils l’avaient probablement encore – bien qu’elle ne puisse pas en être sûre car elle était ignorante en la matière. Ce qu’elle m’a dit des âmes a piqué mon intérêt, mais elle n’est pas arrivée à me donner une idée correcte de ce que cela pouvait être. Je me suis dit, secrètement bien sûr, qu’une chose si merveilleuse valait la peine d’être trouvée. J’ai donc commencé ma quête.