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Il avait toujours son arc et son carquois pendait à son épaule, bien qu’il sût qu’il les transportait par habitude. Il n’en avait plus besoin. Tout en avançant, il se demanda depuis combien de temps il les transportait sans en avoir besoin.

Il apercevait les étages supérieurs et le toit garni de cheminées de la grande maison qui dépassaient au-dessus des arbres – taches sombres sur le ciel nocturne. En contournant un petit morceau de bois planté dans le sol, il vit l’objet métallique brillant qui était posé là.

Cette vue l’arrêta et il s’accroupit à moitié, comme si l’objet brillant pouvait être un danger inconnu. Mais, au moment où il se baissait, il savait ce que c’était – une machine qui avait amené des hommes des étoiles. Étoile du Soir lui avait parlé de la menace que représentait ce vaisseau pour la Terre. Et il était là, il était arrivé pendant sa brève absence. Mais, bien qu’il sût ce que c’était, un frisson de peur le parcourut et, ébranlé par cette crainte, il lui sembla distinguer les contours indistincts d’une silhouette tapie derrière l’engin.

Il recula d’un pas et à cet instant, la silhouette sortit de derrière le navire. Il était étrange que ce dernier ait pu la dissimuler car elle était plus grande que lui. Elle était énorme, et même dans l’ombre, on se rendait compte de sa brutalité. Tandis qu’elle s’avançait vers lui en titubant, il sut que malgré tout le chemin qu’il avait parcouru, il ne lui avait pas échappé. Il n’y avait pas moyen d’y échapper, il le savait bien, il n’aurait jamais dû essayer.

Lourdement, le Marcheur Noir fit un pas de plus en avant et David fit demi-tour pour s’enfuir, puis il se retourna de nouveau pour faire face à l’ombre qui s’approchait. Il savait que s’il s’enfuyait maintenant, il ne cesserait jamais de fuir, il passerait sa vie prêt à fuir – comme les siens avaient passé leur temps à le faire.

Il n’était peut-être plus nécessaire de fuir.

L’ombre était plus proche maintenant, et il la voyait mieux, bien qu’elle fût encore indistincte. Il avait maintenant l’impression de distinguer des jambes larges comme des troncs d’arbres, un torse massif, une tête minuscule et des mains griffues qui se tendaient vers lui.

À cet instant, l’ombre cessa d’être le Marcheur Noir pour devenir l’ours grizzli qui avait surgi devant lui et qui s’était dressé, trop près pour qu’il puisse tirer, beaucoup trop près pour qu’il puisse tirer. Sans même y penser, sa main se tendit vers ses flèches. Il leva son arc et son esprit – ou ce qui se tenait dans son esprit – s’élança.

L’ombre ne tomba pas comme était tombé le grizzli. Elle vacilla, se pencha en avant, tentant de l’atteindre. La corde de l’arc se tendit, presque à toucher l’oreille de David, la flèche bien droite. Le Marcheur disparut. La flèche siffla et frappa le vaisseau brillant avec un bruit métallique. Le Marcheur s’était évanoui.

David baissa son arc en tremblant. Il s’affaissa sur les genoux, se recroquevilla, tous ses muscles agités de tressautements nerveux, les nerfs tendus comme un arc. Le tas de vers se rapprocha de lui, se serra fortement contre lui, sortit un tentacule et le maintint fermement, lui envoyant des messages de réconfort qu’il n’entendait pas.

33.

— Qui est cette personne ? demanda Reynolds à Jason.

— Il s’appelle Stanley, lui répondit Jason. C’est l’un des robots du Projet. Nous vous avons parlé du Projet, si vous voulez bien vous en souvenir ?

— Oh oui ! dit Harrison. Un super-robot bâti par tous ses petits camarades.

— Je dois protester contre votre ton, dit Ézéchiel d’une voix coupante. Vous n’avez aucune raison d’être hautain. Ce que font ce robot et ses camarades est dans la grande tradition de votre technologie : construire mieux et plus grand, avec une imagination plus vive…

— Excusez-moi, dit Harrison, mais il fait irruption ici…

— Il était invité, dit froidement Jason. Il avait un long chemin à faire, il vient seulement d’arriver.

— Avec un message ?

— C’est un message du Projet, dit Stanley.

— Que dit-il ? demanda Harrison.

— Il faut d’abord que je l’explique, dit Stanley. Cela fait maintenant quelques années que le Projet est en communication avec une intelligence qui se trouve quelque part au centre de la galaxie.

— Oui, dit Reynolds, on nous en a parlé.

— Le message que j’apporte émane de cette intelligence, dit Stanley.

— Et il concerne ce qui se passe ici ? demanda Reynolds. Je trouve cela ridicule.

— Il vous concerne, dit Stanley.

— Mais comment peut-elle savoir ? Que peut-elle savoir de ce qui se passe ici ? Une grande intelligence extra-terrestre ne s’intéresserait sûrement pas…

— Le message qui vous est adressé ainsi qu’au reste de votre groupe est le suivant : Ne vous occupez pas de la Terre. Aucune ingérence n’est permise. Cela fait aussi partie de l’expérience.

— Mais, je ne comprends pas, dit Harrison avec colère. Quelle expérience ? De quoi parle-t-il ? Cela n’a aucun sens. Nous avons sûrement le droit de savoir…

Stanley sortit un papier plié d’un petit sac. Il le jeta à Reynolds par-dessus la table :

— Voici une copie du message sorti de l’imprimante.

Reynolds le ramassa et y jeta un coup d’œil :

— C’est bien ce qu’il dit, mais je ne comprends pas. Si vous essayez encore de bluffer…

— C’est le Principe, dit tranquillement Jason. Cela explique tout. Nous nous demandions, et maintenant nous savons. Le Projet communique avec le Principe.

— Un Principe ? hurla Harrison. Qu’est-ce que cela veut dire ? Nous ne connaissons aucun Principe, cela ne signifie rien pour nous.

John soupira :

— C’est sans doute vrai. Nous aurions dû vous en parler, mais il y avait tant à dire. Si vous vouliez rester tranquilles, je vous parlerais du Principe.

— Sûrement un autre conte de fées, dit Harrison avec colère. Un message bidon, et maintenant un conte de fées ! Vous devez vraiment nous prendre pour des idiots…

— Cela n’a plus d’importance, dit Jason. Ce que vous pensez n’a plus aucune importance. Nous ne contrôlons plus la situation, ni vous non plus.

La supposition de John était donc juste, se dit Jason. Les habitants de la Terre avaient servi à une expérience, dans le même esprit et peut-être à peu près de la même manière qu’une colonie de bactéries ou de virus aurait servi aux expériences d’un bactériologiste ou d’un virologiste humain. Et, il s’en rendit compte avec un certain saisissement, les habitants de cette maison, la petite bande d’indiens et l’autre petit groupe de la côte ouest n’avaient pas été oubliés. Ils avaient été délibérément laissés et faisaient partie de l’expérience, servant peut-être de cas témoins.

John avait dit que le Principe devait maintenant savoir que les traits caractéristiques de l’humanité étaient vérifiés. Mais, avec cette nouvelle révélation, il devait aussi savoir que si l’humanité dans son ensemble n’avait pas changé, des fragments séparés avaient subi une mutation. Car il y avait sur Terre trois tendances humaines : les habitants de cette maison, les Indiens et les gens de la côte ouest. De ces trois tendances, deux avaient réussi leur mutation, tandis que la troisième était montée en graine. Une minute pourtant, se dit-il. Cette dernière conclusion était fausse car il y avait David Hunt. En pensant à lui, il se souvint de la manière dont, un soir, une ou deux semaines auparavant, les arbres à musique avaient soudainement retrouvé leur équilibre et leur délicatesse, et de l’incroyable bruit que lui avait rapporté Thatcher cet après-midi même. Il se demanda comment il se faisait que les robots aient toujours vent des rumeurs avant qui que ce soit d’autre.