John gloussa :
— Tout ira bien pour les Indiens. Ils ont acquis la base la plus solide de nous tous. Ils ont fait un pacte avec la planète, ils en sont devenus une partie.
— J’espère que tu as raison, dit Jason.
Ils restèrent assis en silence, devant le feu qui vacillait dans le foyer, écoutant les soupirs de la cheminée. Le vent tirait sur les gouttières, la vieille maison gémissait sous le poids des ans dans le silence de la nuit.
John dit finalement :
— Il y a une chose que je veux savoir, et j’exige la vérité. Que s’est-il passé avec ton extra-terrestre ?
— Il est parti, dit Jason. Il est retourné chez lui. Il est resté plus longtemps qu’il n’en avait l’intention parce qu’il fallait qu’il raconte à quelqu’un ce qui était arrivé, il fallait qu’il remercie quelqu’un. David était l’homme à remercier car c’est lui qui a agi, mais David n’a jamais entendu un mot de ce qu’il lui disait. Alors, il est venu me voir et il me l’a dit.
— Et tu l’as répété à David ? Lui as-tu transmis les remerciements ?
Jason fit un signe négatif :
— Non, pas encore. Peut-être jamais. Il n’est pas prêt. Cela pourrait l’effrayer, il pourrait s’enfuir de nouveau, j’en ai parlé à deux personnes, à toi et à Ézéchiel.
John fronça les sourcils :
— Était-ce très malin d’en parler à Ézéchiel ?
— Je me le suis demandé, dit Jason, et finalement je l’ai fait. Cela semblait… Eh bien, cela semblait faire partie de son rayon. Il est tellement accablé de soucis, de culpabilités imaginaires, que j’ai pensé que cela pourrait l’aider, que cela lui donnerait un souci solide et positif, pour changer.
— Ce n’était pas vraiment ce que j’ai voulu dire quand j’ai posé la question, dit John. Ce qui m’inquiète, c’est cette histoire d’âme. Honnêtement, crois-tu qu’il soit possible que ce bizarre personnage de l’ouest ait donné une âme à l’extra-terrestre ?
— C’est ce que celui-ci affirme.
— Il le dit. Mais toi, qu’en penses-tu ?
— Parfois, je pense que l’âme est peut-être un état d’esprit, dit Jason.
Inquiet, Ézéchiel parcourait de long en large le jardin du monastère.
Il se disait qu’il était impossible que ce que lui avait rapporté M. Jason soit vrai. M. Jason devait avoir mal compris. Il souhaitait que l’extra-terrestre soit encore là pour pouvoir lui parler, bien que M. Jason ait dit que, même s’il avait été là, il n’aurait pas pu communiquer avec lui. Il n’avait aucun moyen de communiquer avec l’extra-terrestre.
La nuit était silencieuse et les étoiles lointaines. Un vent d’hiver souffla sur les collines automnales. Ezéchiel frissonna quand le vent l’atteignit, et il fut aussitôt dégoûté de lui-même et légèrement effrayé. Il ne devrait pas frissonner dans le vent, il lui était impossible de le sentir. Était-il possible qu’il soit en train de se transformer en être humain ? se demanda-t-il. Pouvait-il vraiment, dans son humanité, sentir le vent ? Et il se retrouva encore plus effrayé d’avoir pensé qu’il pouvait être humain que lorsqu’il avait frissonné dans le vent.
Orgueil, pensa-t-il. Orgueil et vanité. Arriverait-il jamais à se débarrasser de son orgueil et de sa vanité ? Et, il pouvait aussi le reconnaître : quand se débarrasserait-il de ses doutes ?
Et, à cet instant, en se posant cette question, il ne réussit plus à se dissimuler ce qu’il avait essayé d’écarter, la pensée qu’il avait essayé d’éviter de regarder en face en se forçant à penser à l’extra-terrestre et à son âme.
Le Principe.
Non, cria-t-il intérieurement avec une terreur subite, non, ce ne peut être vrai ! Il ne peut pas y avoir là la moindre parcelle de vérité. Même y penser est un sacrilège.
Il se rappela violemment à lui-même que, dans ce domaine, il était sûr de lui :
Dieu devait à jamais être un gentil vieux monsieur (humain) avec une longue barbe blanche.