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D’autres paquets, colorés, renferment des herbes aromatiques et des bougies.

Enfin, dans la dernière boîte, je trouve un bracelet.

Un bracelet en argent, incrusté de turquoise, de jais et de calcite. Lui aussi a sûrement coûté une fortune !

Je le glisse à mon poignet et j’imagine ma mère emballant tous mes cadeaux, se réjouissant de mon plaisir à l’avance.

Je m’amuse à réveiller le bijou en caressant l’argent et les pierres avec leur nom :

— ilsa Ilsa… sar lun) Sar luïné…sar mor& Sar morë… sar cal,ma Sar Calima…

Le bracelet vibre et frémit sur ma peau. Je me sens (un tout petit peu) moins seul.

Vautré dans le canapé, je suis incapable de décider ce que je vais faire de ma soirée. Regarder un film ? Écrire au spécialiste des trolls pour corriger ses âneries et lui présenter les excuses d’Erglug pour sa jambe ?

Le téléphone a l’heureuse idée de sonner pour m’éviter de prendre une décision. Je m’empresse de décrocher.

La voix que j’entends me fait sursauter.

— Allô, Jasper ? C’est… c’est Ombe.

— Ombe ? Mais… je… tu…

Pour tout dire, j’étais persuadé que c’était ma mère qui appelait.

Je me pince fort et ne réussis qu’à me faire mal.

De l’autre côté du combiné, le silence. Vite, Jasp. Ajoute quelque chose, n’importe quoi.

— Je… je suis content que tu m’appelles. Je pensais justement à toi et… et… Tu… tu as besoin de… quelque chose ?

Bravo. Quelle présence d’esprit, quel tact !

— Non, je n’ai besoin de rien de particulier.

Ombe a une voix bizarre, ce soir. Et puis, elle ne s’est pas encore énervée contre moi. Ça me pousse à continuer.

— Un sortilège, une liste d’ingrédients ? je dis. Ou un truc infaillible pour liquider un Élémentaire ?

Je la sens sourire, là-bas, je ne sais où.

— Je ne suis pas en mission en ce moment. Je pensais qu’on pourrait peut-être boire un verre ensemble. Enfin, si tu en as envie.

Si j’en ai envie ? Bon sang ! Je déglutis.

— Je… Maintenant ? Je… Aujourd’hui ? Je veux dire, le soir de Noël ?

Silence.

— Euh… désolée, Jasper. Je suis un peu en vrac en ce moment et je n’ai pas fait attention. On se rappellera plus tard, d’accord ?

Elle va raccrocher. Cette idée me panique.

— Attends !

J’ai presque hurlé dans le combiné.

— Attends, Ombe, ce n’est pas ce que… Je me fiche de Noël. Je veux dire, ce n’est pas important. Pas plus qu’un autre soir.

Je reprends mon souffle.

— Ombe ?

— Oui ?

— Ta proposition… C’est sérieux ?

— Ouais. Sauf si l’idée de boire un verre avec moi te fait perdre la boule. Je n’ai aucune envie de discuter avec un type qui aurait pété un câble à cause d’une surtension émotionnelle.

C’est curieux, mais entendre Ombe parler normalement me rend une certaine assurance.

— Et sauf si cette idée te donne… des idées justement, continue-t-elle sur le même ton. Je te propose un coup à boire, Jasper, pas une partie de jambes en l’air. On est d’accord, n’est-ce pas ?

— Évidemment, c’est ce que j’avais compris, je rétorque agacé et vaguement déçu. Tu veux qu’on se retrouve où et quand ?

— Chez toi si tu y es, et le temps d’arriver si ça te va.

— Ça me va.

— Tu habites où ?

— Avenue Mauméjean… bes en l’air !

— Quoi ?

Cette fois, c’est moi qui souris. Encore un effort et j’arriverai à rester complètement moi-même avec Ombe !

— Oublie, je dis, c’est un de mes jeux de mots pourris. Je lui donne rapidement l’adresse exacte de l’appartement et les codes d’accès, puis elle raccroche, me laissant abasourdi.

Ombe va venir chez moi, elle veut qu’on passe Noël ensemble. Comme des… amis. Peu importe. Elle était seule, elle pouvait appeler n’importe qui.

Elle m’a appelé, moi.

Les mots inscrits sur la feuille chiffonnée dans la cuisine me reviennent brusquement en mémoire et l’évidence me saute aux yeux : les cartes, la lettre… Ma mère est sûrement une devineresse !

Et moi un crétin.

Je secoue la tête, tellement c’est évident.

La jeune femme de la Force affrontant un lion, toute de joie et d’énergie vitale, celle qui faisait battre mon cœur, n’est pas, n’a jamais été Ombe, mais Arglaë ! Ombe, elle, c’est l’Impératrice sur son trône, avec un bouclier pour se protéger des bassesses du monde et des ailes d’ange descendu du ciel.

Bienveillante et inaccessible…

L’Amoureux n’a plus à faire de choix.

[1] The Doors, « Riders on the storm ».

[2] Texte figurant dans Le Seigneur des anneaux, écrit par J. R. R. Tolkien.