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« Waouh ! C’est vachement beau ! »

Trop crevé pour m’extasier avec toi, Ombe.

Je sors le collier de l’assiette, l’essuie dans une serviette propre avant de le passer, lentement, très lentement, au-dessus de la bougie.

L’énergie dégagée par la flamme, halo rougeâtre, est reconnaissable entre toutes.

Mon esprit s’en empare et l’oblige à investir les pierres. Réticentes, elles frémissent. Je les apaise en murmurant leur nom :

— Sar norna Sar norna… Sar car culina Sar culina… Aran saron Aran saron…

Le collier toujours serré dans mon poing, je survole le chaudron et son halo blanchâtre, sollicite l’énergie de l’eau avec la même intensité, calme les pierres avec des mots.

Je me tourne ensuite vers la terre et son énergie noire. Vers l’air, enfin, à la fois lait et brume.

Le rituel achevé, j’attache le collier autour de mon cou. Le jade, le rubis et le diamant pulsent contre ma poitrine. Je sors alors de mon état de transe en me frottant les yeux.

Bon, j’ai une armure (je touche mon collier). Il me faut une épée ! Enfin, l’équivalent. Un modèle de soleil en boîte destiné non plus aux vampires, mais aux humains. Le plus simple reste d’introduire une grande quantité d’énergie dans un objet et de la libérer au moment voulu avec une formule. Schhhhhlaaaa. Rayon de la mort contre rayon de la mort, quoi. J’y ai pensé tout à l’heure. C’est pour ça que j’ai pris une des bagues de ma mère, un anneau formé de fils d’or et d’argent entrelacés.

L’or qui condense si bien la lumière et retient si facilement les énergies.

L’argent qui favorise la magie et les pouvoirs intérieurs.

Je ne me sens pas capable de bâtir un sortilège complexe. Je me contente de retourner en état alpha et de m’arrêter au-dessus de la bougie pour remplir la bague avec l’énergie du halo rougeâtre.

— alta Malta… Ilsa Ilsa… je murmure pour ouvrir les métaux à l’énergie du feu. A avalerna olcor&Q A avalerya poldorë ! emprisonnez la force !

Je glisse l’anneau à mon doigt avant de chanceler et de m’effondrer sur le sol. J’en ai trop fait, je crois. Et la bruyère ne pousse pas sur le béton ! Il faut que je quitte à tout prix le secteur avant que les Agents de l’Association ne débarquent.

Je me relève en titubant, je range mon matériel dans le sac. Je débloque l’ascenseur qui reprend sa descente, après un temps d’hésitation et un grincement sinistre.

La planque où je compte me réfugier est à peine plus confortable que cette cabine.

Mais au moins, j’y serai à l’abri.

Enfin j’espère…

Post-it

S’enfuir en tournant le dos, l’ombre de la peur accrochée à nos talons, ou bien faire volte-face et traquer ce qui nous traque…

13 rue du Horla

— Du nouveau, Rose, du côté des lycéens ?

— Pas encore, Walter. Les amis de Jasper sont sous surveillance depuis l’appel de Jules. Il n’a pas encore essayé de les contacter.

— Il ne le fera pas. Il se doute bien qu’on commencera par là. Quelle tête de mule !

— Et les trolls ?

— J’ai fait établir un sort de veille autour du bois de Vincennes. Il n’y a pas mis les pieds. Où est-ce qu’il peut être, sacrés dieux ?

— Jasper est un garçon intelligent…

— Complètement stupide, oui ! Ça lui aurait coûté quoi, d’attendre un jour ou deux ?

— Les jeunes n’ont aucune patience. Il leur faut tout, tout de suite. Jasper s’est mis en tête de venger son amie. Il ira jusqu’au bout.

— Ouais. Et qui va se charger d’expliquer la disparition de son fils à sa mère ?

— Celui qui l’a fait revenir précipitamment de New York…

— Ha, ha, très drôle, Rose !

— Du calme, Walter. Jasper ne résistera pas longtemps à la tentation d’utiliser la magie pour remonter la piste du meurtrier. Quand il le fera, on le localisera. Une équipe se tient déjà prête à intervenir.

— Le plus tôt sera le mieux. Pour tout le monde. Il est en train de me rendre dingue, ce gamin !

— Vous devriez pourtant être rempli de fierté.

— Hein, quoi, comment ça ?

— Il se montre pour l’instant d’une discrétion exemplaire !

— Vous savez, Rose, vous auriez dû vous lancer dans une carrière comique. Si si, vraiment…

8

Lorsque je me réveille, il me faut un long moment pour me rappeler où je suis.

La lumière du jour, qui pénètre par un soupirail, éclaire une pièce basse, encombrée de meubles bancals et de cartons remplis de vaisselle.

Le sol en ciment est poussiéreux. Je l’ai balayé comme je pouvais, à la lueur d’une bougie, avant d’étaler couverture et duvet dans un coin pas trop humide.

Avant de me coucher et de sombrer dans un sommeil sans rêve.

Blotti dans mon sac de couchage, je cligne des yeux. Le soleil me fait mal, comme si je m’étais habitué à l’obscurité.

Obscurité de mon coma.

Obscurité d’un avenir qui m’échappe et que je tente d’infléchir en prenant l’initiative.

Il faisait nuit quand Ombe est tombée.

J’ai l’impression qu’il fait nuit depuis une éternité.

Je détaille le lieu où j’ai trouvé refuge. Des escaliers conduisent à une porte en métal rouillé, débouchant au ras du trottoir à côté du soupirail grillagé. Un pilier en béton renforce le plafond, au centre.

Autour du pilier, il y a des fragments d’ail séché.

C’est dans cette cave que, au cours de ma première mission, j’ai enfermé et neutralisé un vampire du nom de Fabio.

Walter sait que cet endroit existe, mais il perdra d’abord du temps à me chercher du côté de mes amis, humains et trolls. Il me croit trop pleutre pour fréquenter le quartier des vampires.

Walter sous-estime ma détermination.

Et puis c’est la seule idée qui m’est venue hier soir.

Au moment de m’enfuir à nouveau…

Dehors, j’entends des bruits de pas. Une femme s’arrête à la hauteur du soupirail.

Je me prends à rêver que ce soit Ombe. Venue me soutenir dans ma retraite, m’aider dans mon combat. Un homme la rattrape.

La pensée de Jean-Lu et Romu rejoignant Ombe pour me prêter main-forte me traverse l’esprit, furtivement.

L’homme s’accroupit, tend les bras. Un petit garçon s’y précipite en riant.

Je songe à ma mère, qui ne me trouvera ni à l’hôpital ni chez nous.

La femme, l’homme et l’enfant repartent tous les trois. Me laissant encore plus seul que tout à l’heure.

Je fais un effort terrible pour quitter le duvet et me lever.

Avec l’Association mobilisée pour me retrouver et un assassin à mes trousses, un sort protégeant la cave contre les curiosités ne serait pas superflu.

Je n’en ai pas le courage.

Quelqu’un joue au tambour à l’intérieur de ma tête.

Il faut que je me ressaisisse. Impérativement. Je grignote quelques biscuits, vide la moitié d’une bouteille. Mon mal de crâne reflue.

Je caresse machinalement le collier réactivé hier dans la cage d’ascenseur, ainsi que la bague de pouvoir glissée à mon doigt. Maintenant que me voilà armé, je dois, dans l’ordre : 1. retrouver le meurtrier d’Ombe ; 2. venger Ombe.

Au travail, Jasper.

Le sortilège que j’ai à l’esprit n’est pas très compliqué. Je l’ai déjà utilisé, il y a quelques jours, pour retrouver un magicien. J’avais lancé sur ses traces un serpent de brume capable de renifler les effluves mystiques que dégagent les sorciers. L’objectif du jour n’est pas un sorcier, mais l’étrange rayon d’un Taser contrefait qui a laissé dans l’éther une signature inimitable et indélébile.